Comment annoncer à son patient qu’il souffre d’halitose ?

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 44-46)
Information dentaire
Souvent vécue de façon honteuse, la mauvaise haleine a une origine buccale dans plus de 70 % des cas. Elle peut s’accompagner d’effets psychologiques comme la mauvaise estime de soi et l’isolement.
Si le chirurgien-dentiste peut proposer à ses patients d’en traiter la cause, elle reste taboue au point que le patient ose rarement en parler.
Il s’agit donc de trouver les mots pour éviter toute stigmatisation et placer son patient dans un cadre thérapeutique rassurant.

Situation

« Alain, âgé de 56 ans, me consulte pour des douleurs dentaires diffuses. Alors que je débute mon examen clinique, je suis incommodé par une très mauvaise odeur buccale. Il présente une mauvaise hygiène bucco-dentaire et des caries non traitées.Afin de le motiver à un meilleur brossage, et à une prise en charge globale, puis-je lui révéler son halitose ? 

Quels mots dois-je choisir pour éviter de l’embarrasser ? 

Comment réagir s’il montre manifestement ne pas vouloir aborder ce sujet délicat ? »




Réflexions du Docteur Sarah Sater

Parodontologue

Responsable de la consultation Halitose
Hôpital Américain de Paris


La problématique réside dans le fait que le patient consulte pour des douleurs et non pour un problème de mauvaise haleine. La priorité est donc de le soulager. Cependant, le praticien a un devoir d’information lorsqu’une halitose est détectée. La situation est délicate si le patient n’est pas conscient de ce problème. Souvent, il lui est difficile de sentir sa propre haleine, sachant que les récepteurs olfactifs s’adaptent rapidement aux odeurs.

L’approche diagnostique est primordiale, l’origine intrabuccale représentant 85 % des cas d’halitose. La meilleure façon d’aborder ce sujet tabou est avant tout de répondre au motif de consultation et de soulager la douleur. Une fois la confiance établie, le praticien peut informer le patient de sa mauvaise haleine afin de le motiver pour une prise en charge globale.

Il peut alors lui parler de prévention et de l’importance de l’hygiène buccale pour éviter de perdre ses dents (caries, maladies parodontales…). Le patient doit comprendre que les affections bucco-dentaires sont des maladies bactériennes, donc infectieuses, avec des conséquences sur l’état général : facteurs de risque cardiovasculaires et porte d’entrée infectieuse. Les principales bactéries corrélées au dégagement des mauvaises odeurs sont généralement des bactéries anaérobies gram négatif. Lorsque les sources nutritives sont des protéines, les déchets du métabolisme élèvent le pH salivaire qui favorise la prolifération bactérienne et donc la synthèse de composés volatils sulfurés conduisant à des odeurs désagréables.

Ces bactéries sont présentes non seulement en cas de maladies parodontales et de problèmes bucco-dentaires, mais également dans la plaque dentaire et l’enduit lingual, et constituent une cause de mauvaise haleine. Il est important de montrer ce dépôt au patient, à l’aide d’un miroir, et d’insister sur le fait qu’il peut lui-même l’éviter avec un bon brossage. Comme il est presque impossible de nettoyer parfaitement les espaces inter-proximaux, quelle que soit la technique de brossage, l’utilisation du fil dentaire et des brossettes interdentaires est indispensable. Il faut penser également à brosser la langue. Les bactéries, les cellules desquamées et les débris alimentaires s’accumulent sur la face dorsale de la langue et forment l’enduit lingual. Lorsque cet enduit n’est pas correctement éliminé, il constitue la principale source de production de composés sulfurés volatils. L’utilisation d’un gratte-langue quotidiennement aide à l’éliminer et réduit de 70 % le volume de ces composés.

Dans l’immense majorité des cas, le traitement de l’halitose consiste en un enseignement d’hygiène bucco-dentaire strict, des détartrages et surfaçages radiculaires, ainsi que des soins dentaires conventionnels tout en gardant à l’esprit les autres étiologies associées (causes ORL, systémiques…). Si le patient se montre réticent à aborder ce sujet, l’halimètre peut être utilisé pour objectiver la mauvaise haleine et le motiver.

Le patient doit être convaincu que l’hygiène orale et le brossage dentaire et lingual jouent un rôle prépondérant dans le contrôle de la plaque et des mauvaises odeurs buccales.

Réflexions d’Yves-Alexandre Thalmann

Psychologue et spécialiste en développement personnel


La question que pose le praticien, toute bienveillante qu’elle soit, n’en demeure pas moins sans réponse : « Quels mots dois-je choisir pour éviter de l’embarrasser ? »

Il n’existe aucun mot qui permette d’éviter à coup sûr une vexation de l’interlocuteur. Pourquoi ? Parce que sa réaction dépend de lui exclusivement ! Il reste totalement responsable de la façon dont il va interpréter les paroles entendues. C’est en définitive lui qui décide de s’offusquer ou de remercier le praticien pour sa franchise.

Nous avons souvent tendance à croire que nous sommes responsables des émotions et des réactions d’autrui. Du coup, lorsque cela se passe mal, nous nous sentons coupables. Mais, ce faisant, nous nions le libre arbitre de l’autre personne, réduite à l’état de marionnette (ou de victime).

En termes de communication interpersonnelle, la clarté et la franchise sont préférables, car elles tiennent compte du libre arbitre des interlocuteurs. C’est leur témoigner le respect auquel ils ont droit.

Voici ce que le praticien pourrait dire : « Je suis un peu gêné de vous dire ça, mais je crois que cela pourra vous aider. J’ai constaté que votre hygiène buccale n’est pas optimale, ce qui se traduit par le développement de caries et une haleine incommodante. Souhaitez-vous que nous abordions la question maintenant ? »

Si le praticien constate que le patient semble vexé, il peut s’en ouvrir à lui : « Il me semble que vous êtes heurté par ma remarque… Mon but est de vous aider. C’est aussi mon travail de vous prévenir : si vous continuez ainsi, voici ce qui risque d’arriver… »

Du moment que l’on considère l’autre comme une personne responsable, quelqu’un capable de prendre des décisions sensées et de gérer ses émotions, alors il est possible de lâcher prise et de le laisser réagir comme il l’entend.

En réalité, le praticien s’inquiète de la possible réaction du patient, souci qui l’amène à se taire plutôt que de prononcer des paroles qui pourraient changer les choses et aider le patient. La communication authentique nécessite du courage, en particulier celui d’affronter nos propres craintes.

Pour approfondir la question :

Yves-Alexandre Thalmann : Responsable, oui ! Coupable, non ! Chez Jouvence.

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