L’industrie, l’innovation et la prévention

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
Information dentaire
Comme chaque année après son assemblée générale, le Comident, l’organisme qui regroupe les fabricants et distributeurs français de matériel dentaire, propose un débat ou une conférence. Le 21 juin dernier à Paris, il était question de prévention et d’innovation.

L’industrie dentaire peut-elle, en innovant, contribuer à la prévention, nouvel horizon des politiques publiques de santé bucco-dentaire ? Marco Mazevet, praticien français membre du King’s College de Londres (politique et économie de la santé), chargé de recherche pour l’Alliance pour un futur sans carie (ACFF), a montré comment, en Europe et plus largement dans les pays de l’OCDE, la plupart des systèmes de santé bucco-dentaire évoluent vers plus de prévention. À des rythmes et des modalités différents et avec des résultats plus ou moins probants… Quatre facteurs clés permettent la mise en place d’une politique de prévention efficace : le montant des prises en charge (le financement public ou privé), l’innovation technologique (soins), l’implication des patients et bien entendu celle des chirurgiens-dentistes. « Leur formation en matière de prévention est essentielle. Or, elle est trop souvent lacunaire, constate-t-il. C’est pourquoi nous travaillons, par exemple, à la mise en place de guide-lines facilement utilisables au cabinet comme l’International Caries Classification and Management System (ICCMS). Un guide « pas à pas » visant au maintien de la santé orale et de la préservation maximale des tissus dentaires. Il est fondé sur l’évaluation de la sévérité et de l’activité des lésions pour définir les mesures préventives adaptées au risque carieux individuel. Il permet le contrôle des lésions carieuses initiales non cavitaires et une prise en charge ultra-conservatrice dans le cas des lésions carieuses cavitaires. » La France, elle aussi, se met à la prévention. La nouvelle convention dentaire, signée le 21 juin, contient quelques mesures novatrices : examen bucco-dentaire (EBD) à 3 ans, application biannuelle de vernis fluoré, expérimentation de prise en charge d’un forfait de prévention, etc.
 
« Nous sommes loin du compte, regrette Pascal de March, MCU-PH, PhD à la Faculté d’odontologie de Lorraine. Dans nos universités, nous enseignons l’excellence selon les données actuelles de la science, la préservation tissulaire, les collages (inlay/onlays), l’utilisation des techniques numériques. Or, la nouvelle convention, en plafonnant les honoraires, limite ces thérapeutiques. On empêche les Français qui se soignent de bénéficier de traitements novateurs moins invasifs. Ce qui ne veut pas dire que les gens n’ont plus besoin de couronnes. Mais la couronne, l’implant, l’inlay-core ou le bridge sont les échecs ultimes de nos traitements et même, avant eux, de nos politiques de prévention. Je crois que les gens sont plus intéressés par des dents saines que par des couronnes gratuites. »

Au milieu du gué ?

Serions-nous restés au milieu du gué avec cette convention ? Un peu plus de prévention, certes, mais pas encore assez pour obtenir un gain effectif en termes de santé publique. C’est le sentiment partagé par tous lors de cet après-midi de débats. Même Thierry Soulié, président de la CNSD, l’un des deux syndicats signataires, en convient : « Nous ne pouvons pas passer du tout curatif au tout préventif en claquant des doigts. Cette convention n’est qu’une étape et oui, nous devons aller vers un modèle plus préventif. Mais il faut tenir compte de toutes les situations, de tous les types d’exercice des confrères et du fait que les pouvoirs publics n’ont pas les financements nécessaires dans l’immédiat. » « J’espère aussi qu’il ne s’agit que d’une étape, ajoute Sophie Dartevelle, présidente de l’UFSBD. On parle d’un futur sans maladie parodontale. Or, sans amélioration de la prise en charge du détartrage nous n’y arriverons pas. Il n’y a rien sur le sujet. Les EBD pour les 3 et 24 ans c’est bien, mais la prévention c’est toute la vie. En attendant les moyens de nos ambitions, nous comptons sur la proximité des chirurgiens-dentistes avec les Français pour faire passer les messages essentiels de prévention. »
 
Si le manque de solvabilité des actes est donc un frein à la prévention, il est aussi une entrave à l’innovation. « L’industrie a fait un vrai effort d’investissement ces dernières années sur les vernis fluorés, les silents, ou les tests salivaires par exemple. Mais avec encore peu de succès parce que les actes de prévention ne sont pas suffisamment pris en charge », concède Henri Rochet, président du Comident et Président du conseil d’administration d’Ivoclar Vivadent. Et les mentalités doivent aussi évoluer. « Les chirurgiens-dentistes français, contrairement à leurs confrères du nord de l’Europe, sont trop frileux avec les innovations et ne veulent pas changer leurs habitudes, constate Thierry Khayat, responsable du marketing France de Septodont. Nous voulons bien investir mais il faut qu’il y ait du répondant en face. Pourquoi innover pour un public peu enclin au changement ? ».
 
Pour répondre à la question du début : oui, l’industrie dentaire peut donc contribuer à la prévention par l’innovation mais à condition que les soins soient solvabilisés et les chirurgiens-dentistes acteurs du changement.

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