« Le roi des ciels »
C’est par sincère admiration que Corot décernait à son jeune confrère ce titre très mérité. Né à Honfleur en 1824, Boudin a baigné vingt ans dans la lumière de la côte normande avant de songer à la peindre. Des peintres, il en a vu accoster régulièrement, des Isabey, Corot, Théodore Rousseau et d’autres, tous attirés par son petit port si pittoresque, tous autant charmés que défiés par les fugaces changements de tons des cieux et des eaux. Mais ce sont des oiseaux de passage, posés un instant sur le sable pour en prélever quelques grains mouvants puis appelés à regagner des terrains plus stables. Boudin, lui, après avoir exercé comme mousse son pied marin familial à dix ans, reste ancré sur place au Havre, commis chez un imprimeur puis un papetier-encadreur. Une fois bien formé au métier, il ouvre à vingt ans sa propre enseigne et y expose ce que lui confient des peintres locaux ou liés à l’École de Barbizon et connus à Paris. Encouragé à dessiner par Isabey, Millet, Troyon, Couture, il lâche deux ans plus tard une affaire pourtant prometteuse – on est en plein boum de la lithographie – et se jette à l’eau dans la vie d’artiste, sans être trop sûr d’y savoir nager mais mû par une voix intérieure. Il faut d’ailleurs qu’elle soit aussi impérieuse que convaincante pour lui valoir cette bourse du Havre qui l’envoie se former à Paris. Car Boudin n’est alors qu’un autodidacte stimulé par son seul désir d’expérimenter à sa façon ces tout nouveaux tubes de peinture qu’hier encore il n’ambitionnait que de vendre.
Peu enclin à s’inscrire à aucun atelier – hormis, vaguement, à celui d’Isabey, amoureux comme lui de la mer – c’est au Louvre qu’il fait ses gammes, copiant pour la même raison les maîtres du Nord, flamands ou hollandais. Les ciels marins sont son royaume. Il en est si imprégné qu’il ne peut guère songer qu’à regarder comment les autres…