L’homme mutatis mutandis…

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
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On crie au génie ? « Je suis homme, rien de ce qui touche l’humain ne m’est étranger », affirme fièrement Térence dans son Héautontimorouménos – titre qui signifie, il faut le rappeler, « bourreau de soi-même », voire « puni par soi-même ». Et ne serait-ce pas là à quoi s’expose l’homme qui « touche à l’humain » comme s’il lui était étranger, en repousse sans cesse les frontières, les redéfinit au gré de bricolages inspirés par un génie plus génétique qu’éthique peut-être et dont nul ne sait au juste s’il est celui du bien ou du mal ? On entend d’ici ces cris, enflammant les débats et appelant à cryogéniser la recherche : le génome de l’homme c’est l’homme, science sans consciencen’est que ruine de l’âme, etc. À l’opposé, vouloir qu’on cryogénise son cerveau dans l’espoir de le faire renaître dans un corps immortel a tout de la bouffée délirante d’une humanité bouffie d’orgueil, et la remise en cause de certaines limites par les dérives transhumanistes peut être jugée irrecevable. Le Musée de l’Homme, bien dans son rôle de musée de société attentif à ses évolutions, fait adroitement le point sur ces délicates questions avec sa nouvelle exposition culturelle, qui a le souci de notre « optimisation neuronale » et réfléchit, comme son nom l'indique, Aux frontières de l’humain.

Deviens ce que tu es

C’est aussi ce précepte de Nietzsche qu’éclaire ce grand dossier, qui ne laisse dans l’ombre rien de ce qui a fait l’homme ce qu’il est, dans tous ses avatars. Et avant tout un animal. Pas trop mal doué sans doute, éveillé et travailleur comme aimait à dire l’école primaire, avec un bon potentiel d’évolution mais tout d’un primate, à la base. C’est très malin, cette entrée en matière qui renvoie Sapiens tête basse et à quatre pattes. Si ce rewind du film darwinien fait à la fois toucher les épaules et bomber le torse d’avoir su être moins bête, le forward où l’on se projette révèle un paradoxe : ce que nos facultés gagneraient à être augmentées, c’est d’abord ce que nous avons perdu de l’état animal. Cette puissance du muscle qui, transférée au cerveau, nous a laissé un curieux syndrome du membre fantôme ; Einstein fier de sa tête mais enviant le corps de Schwarzenegger.

Entre rétrospective et avance rapide, voilà Sapiens en suspens, et même en suspense : que décidera-t-il d’être, de rester, de devenir ? Quelle image se fait-il de lui, envisage-t-il ? Tous les cas de figure sont ici explorés, au fil de cinq étapes nommées sur le mode du « je suis… » cher au jeu de questions bien connu : Je suis un animal d’exception – Je suis un champion – Je suis un cyborg – Je suis un mutant – Je suis immortel. C’est dire si on fait le tour de cet obscur objet du désir qu’est l’identité humaine aujourd’hui, non sans saluer la diversité des neurones qu’a connectés, pour en juger, un large comité scientifique issu des sciences de la vie, de l’homme et de la société, de la philosophie, du droit, de l’art, de la médecine ou du sport.

Toutes ont leurs normes, aucune n’ignore l’énor­me : toujours la grenouille se veut bœuf.

Plus vite, plus haut, plus fort semble un prédicat assez global de l’homme, obsédé par…

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