Le patient est-il un consommateur de soins ?

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°43 - 9 décembre 2020
Information dentaire

La santé n’est pas un commerce dans lequel le patient/client serait le roi. « Le chirurgien-dentiste, au service de l’individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie et de la personne humaine »(art. R4127-202 du CSP). « La profession dentaire ne doit pas être pratiquée comme un commerce » (art. R4127-215 du CSP). Le praticien ne vend ni conseil, ni certificat, ni ordonnance, ni soins. Le patient n’achète pas une pathologie et son traitement. Pourtant, le droit de la consommation tend à s’imposer dans le domaine médical, protégeant le consommateur pour faciliter l’acte de consommation. Les textes portant sur les droits de l’usager révèlent une mutation lexicale qui conduit à une transformation de la relation de soins. Le droit à l’information, au consentement éclairé, à la liberté de choix du praticien, à la garantie de l’autonomie, au tiers payant, au reste à charge zéro, fait émerger l’idée paradoxale d’une médecine qui n’a plus figure d’autorité traditionnelle de prise en charge de l’Homme vulnérable qui demande de l’aide, au profit d’une vision purement économique et égalitaire entre soigné et soignant.

Faut-il alors s’attendre à une évaluation de la qualité de la prise en charge du chirurgien-dentiste à sa capacité à satisfaire les aspirations de ses « clients » ?

Situation

– « Docteur, vous me prenez à nouveau avec 15 minutes de retard ! »

– « Pourquoi me faire payer une consultation alors que vous n’avez rien prescrit ? »

– « Vous m’aviez fait un devis pour une prothèse de huit dents et je n’en compte que sept sur cet appareil ; il s’agit d’une erreur et je souhaite que vous me remboursiez la différence. »

– « Vous ne m’avez pas averti que j’aurai mal à la suite de votre dernière intervention, or je n’ai pas pu accompagner mon fils au sport et mon épouse au théâtre, c’est inadmissible ! »

– « Je désire être pris en urgence cet après-midi entre 16 h et 16 h 30. »

– « Puis-je visiter votre salle de stérilisation ? Car deux petits boutons sont apparus sur ma jambe et j’ai lu sur Internet qu’ils pouvaient être en lien avec un manque d’hygiène au cabinet dentaire. »

– « Pour notre prochain rendez-vous, ne le prévoyez pas avant 19 h 30 car je travaille. »

– « Je vous demande de décaler de deux mois la remise en banque de mes derniers chèques. »

– « Ma Mutuelle réclame le document attestant que votre prothèse a été réalisée en France. »

Au cours d’un dîner avec des amis confrères et consœurs, nous nous sommes demandé si la relation avec nos patients se résumait en un échange entre un prestataire de services d’un côté, et un consommateur de l’autre.

Alain, totalement exaspéré, remet systématiquement les patients à leur place. Delphine a préféré arrêter son exercice libéral pour le salariat dans un Centre de soins, tandis que Philippe a choisi d’exercer un autre métier !

Surpris par l’accroissement des réflexions, commentaires, exigences de mes patients, je me demande comment juger ces nouveaux comportements ?

Réflexions

Professeur Anne-Marie Musset

Professeur des Universités – Chef du Pôle de médecine et de chirurgie bucco-dentaires des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg

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