Points de vue D88
3D Cleaning : une désinfection simple, économique et efficace
Vendredi 28 novembre – 14h/15h30
Responsable scientifique : Faouzia Boussetta
Conférenciers : Alfredo Iandolo, Dina Abdellatif (Faculté d’odontologie, Université Marie & Louis Pasteur)
Objectifs
• Savoir réaliser un nettoyage et une désinfection endodontique efficaces
• Connaître les différentes techniques d’activation de l’irrigation et leurs rôles
• Appréhender les techniques de nettoyage 3D pour une désinfection optimale
L’objectif de la mise en forme est de créer un couloir principal à travers lequel les solutions d’irrigation peuvent atteindre les zones non instrumentées du réseau pulpaire, y compris les isthmes, les canaux latéraux, les ramifications apicales (fig. 1, 2), les tubules dentinaires, afin d’en éliminer le tissu pulpaire résiduel et les micro-organismes présents.
Le but de l’obturation canalaire (et coronaire) est de sceller et d’isoler l’espace canalaire des bactéries et résidus pulpaires qui pourraient subsister même après une mise en forme et une désinfection appropriées. Les zones non instrumentées, en fonction des limes de mise en forme utilisées et de l’anatomie endodontique de l’élément dentaire en cause, peuvent représenter jusqu’à 45 % du volume total de l’endodonte. De plus, pendant la phase de mise en forme, une couche irrégulière de matériau est générée. Elle recouvre les parois canalaires, est appelée « boue dentinaire » ou « smear layer » et est toujours caractérisée par la présence de débris dentinaires organiques et inorganiques. En particulier, la couche de débris organiques est constituée de collagène dentinaire minéralisé mélangé à de la prédentine résiduelle, du tissu pulpaire et des micro-organismes ainsi que leurs sous-produits.
La « smear layer » empêche physiquement l’accès des solutions d’irrigation à l’intérieur des tubules dentinaires où les micro-organismes pourraient se retrancher ; elle pourrait également empêcher l’accès à certaines zones de l’endodonte telles que les canaux latéraux ou les isthmes. Il est évident qu’elle doit être éliminée pour permettre aux solutions d’irrigation d’agir efficacement. Ainsi, le nettoyage et la désinfection des parois canalaires non instrumentées ainsi que l’élimination de la « smear layer », en un mot la détersion, reposent sur un protocole d’irrigation spécifique fondé sur l’utilisation d’un agent chélateur, l’acide éthylènediaminetétraacétique (EDTA), et d’une solution d’irrigation protéolytique et antibactérienne, l’hypochlorite de sodium (NaOCl).
La présence d’exsudat, de tissus pulpaires et de résidus bactériens diminue et consomme rapidement le chlore actif présent dans la solution de NaOCl. Un renouvellement continu de la solution est par conséquent essentiel pour permettre une efficacité adéquate. Lorsque les micro-organismes sont organisés en biofilm, comme c’est presque toujours le cas dans le canal radiculaire, il est important que la solution de NaOCl soit utilisée à des concentrations élevées (5,25 %-6 %) pour être efficace (fig. 3).
Cependant, le concept d’endodontie mini-invasive implique que l’étape de détersion soit encore plus efficace. Cela suppose la préparation d’une cavité d’accès conservatrice et une mise en forme avec des instruments NiTi ayant un petit diamètre de pointe et une faible conicité.
Par conséquent, pour une même dent, le volume de solution d’irrigation disponible sera minoré dans le cas d’une préparation mini-invasive par rapport à une préparation traditionnelle. Dans ces conditions, a fortiori, l’action des solutions d’irrigation doit être optimisée. Elles doivent non seulement pouvoir atteindre la totalité du réseau pulpaire, mais également pouvoir être renouvelées fréquemment et mises en mouvement dans l’espace endodontique. Cela conférera une certaine énergie non seulement à une action chimique, mais aussi à une action mécanique de désagrégation de la « smear layer » et des biofilms. Il va sans dire que le renouvellement des solutions d’irrigation est également essentiel pour permettre l’élimination des débris organiques et inorganiques qui se répandent progressivement dans la solution.
Pour améliorer l’efficacité de l’irrigation intra-canalaire finale, plusieurs techniques d’activation/agitation ont été recommandées après la mise en forme canalaire :
- activation manuelle dynamique avec un cône de gutta-percha par effet de pompage à l’intérieur du canal ;
- activation sonique qui induit une oscillation mécanique, en particulier de la pointe de l’embout, à une fréquence allant de 1 Hz à 6 000 Hz ;
- activation ultrasonique qui génère un « micro-streaming » le long de la lime dédiée à une fréquence allant de 40 000 Hz à 45 000 Hz ;
- activation mécanique avec des instruments spécifiques en NiTi, tels que le XP-Endo Finisher (FKG Dentaire) ;
- activation laser ;
- préchauffage à 50 °C des seringues remplies de NaOCl ;
- réchauffement intracanalaire NaOCl avec un fouloir électrique.
Ces techniques d’activation, hormis celle du préchauffage à 50 °C avec ses avantages et ses inconvénients, permettent généralement d’obtenir des résultats plus satisfaisants que l’irrigation manuelle à la seringue, car elles sont très efficaces pour contrer l’effet « vapor lock » et l’élimination des débris au niveau de la micro-anatomie pulpaire (isthmes, deltas apicaux, ramifications).
En effet, l’irrigation conventionnelle avec la seringue ne permet pas de renouveler les solutions d’irrigation dans les zones les plus profondes du canal en raison de la formation de bulles gazeuses (« vapor lock ») qui s’opposent au renouvellement de la solution et empêchent un nettoyage correct des zones apicales.
La technique de préchauffage de la seringue, en revanche, est similaire à la technique conventionnelle puisque, dès que le NaOCl est injecté dans le canal, il refroidit à une température corporelle de 37 °C en quelques secondes.
Si l’on considère les différentes complexités de l’espace endodontique ainsi que la capacité des micro-organismes à s’agréger en biofilm, il est naturel de s’orienter vers des techniques de désinfection qui permettent une activation tridimensionnelle efficace et puissante des solutions d’irrigation, en particulier lorsqu’il a été décidé de procéder à une mise en forme mini-invasive et qu’une obturation canalaire avec un ciment biocéramique est réalisée.
Nous proposons un protocole d’irrigation idéale pour l’endodontie mini-invasive : le protocole 3D Cleaning, qui suppose l’utilisation combinée du réchauffement intracanalaire de NaOCl et de son activation ultrasonique ou sonique, lors de l’activation finale du NaOCl. Les études ont montré que le protocole 3D Cleaning est très efficace et rapide et qu’il permet une plus grande dissolution du tissu pulpaire, une activité antimicrobienne accrue et une plus grande pénétration intratubulaire que le protocole conventionnel avec la seringue, l’activation sonique ou l’activation ultrasonique seules. Lorsque la phase de mise en forme pendant laquelle du NaOCl a été utilisé comme solution d’irrigation est terminée, la phase d’irrigation finale débute ; elle peut être divisée en deux sous-phases :
- élimination de la « smear layer » par mise en place d’une solution d’EDTA à 17 % (2 ml/canal pendant une minute) activée avec un cône de gutta-percha ou un activateur sonique ou ultrasonique ;
- élimination du tissu pulpaire résiduel et des micro-organismes jusque-là recouverts de boue dentinaire par mise en place d’une solution de NaOCl.
Bien entendu, avant la phase 1, entre les phases 1 et 2 et après la phase 2, il faudra rincer le réseau canalaire à l’aide d’eau stérile afin d’éviter toute interaction entre le NaOCl et l’EDTA et entre le NaOCl et le sealer biocéramique. La 3D Cleaning technique intervient, comme indiqué ci-dessus, pendant la phase d’irrigation finale lors de l’utilisation de NaOCl afin de maximiser son action.
3D cleaning technique
La 3D Cleaning technique peut être divisée schématiquement en cinq étapes.
- Remplir la chambre pulpaire avec une solution de NaOCl à 5,25 %, sans dépasser les 3/4 de profondeur de la cavité d’accès.
- Chauffer le NaOCl à une température contrôlée, à l’aide d’un fouloir électrique 30/04 réglé à 150 °C :
– le fouloir sera conduit à l’intérieur du canal à une longueur comprise entre – 5 mm et – 3 mm de la longueur de travail ;
– la procédure durera 8 secondes (cela permettra à la solution de NaOCl d’atteindre les 80 °C). - Le NaOCl réchauffé est ensuite activé avec une lime ultrasonique vibrant à une fréquence comprise entre 40 000 et 45 000 Hz ou avec un insert sonique. La lime ultrasonique sera amenée à l’intérieur du canal à une longueur comprise entre – 4 mm et – 2 mm de la longueur de travail. Dans le cas de l’utilisation d’un insert sonique, ce dernier sera amené à l’intérieur du canal à 1 mm de la longueur de travail. La procédure durera entre 20 et 30 secondes.
- La solution chauffée et activée doit être laissée dans les canaux pendant une minute et le cycle est terminé.
- La solution de NaOCl est renouvelée pour initier un nouveau cycle. La 3D Cleaning technique implique la réalisation d’au moins cinq cycles de chauffage interne contrôlé combinés à une activation sonique ou ultrasonique. Cette technique implique que la solution soit toujours renouvelée pour disposer de chlore actif et maximiser l’action de NaOCl afin de « digérer » les résidus pulpaires et d’éliminer les micro-organismes présents même dans les recoins anatomiques les plus complexes du réseau pulpaire (fig. 4).
Conclusion
La 3D Cleaning technique permettra au NaOCl dopé par le chauffage interne d’être dirigé vers ces recoins par l’activation sonique ou ultrasonique. Étant donné que cette technique n’augmente pas la température de la surface externe de la racine au-delà de 42,5 °C, elle peut être considérée comme sûre pour le ligament parodontal.
Commentaires