Anesthésie tronculaire, pulpite et prémédications

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Information dentaire
La pulpite irréversible est l’urgence classique par excellence, un cauchemar pour le patient dans une situation de douleur extrême qui trouve peu d’équivalent et que seule l’intervention du praticien peut soulager, au minimum par la réalisation d’une pulpotomie. Lorsque la dent concernée est une molaire mandibulaire, ce cauchemar est partagé par le praticien qui sait la difficulté d’obtenir le silence opératoire dans cette situation qui se greffe soudainement dans son agenda, forcément au plus mauvais moment.
La gestion du temps est l’une des principales sources de stress pour le praticien et la pulpite de la molaire mandibulaire est l’une des pires banderilles pour le planning du jour. Les auteurs de cette très sérieuse méta-analyse ont évalué l’effet de diverses prémédications sur l’efficacité de l’anesthésie tronculaire du nerf alvéolaire inférieur dans les situations de pulpite irréversible. Plusieurs études citées rapportent un taux d’échec de cette technique situé entre 43 % et 83 % pour les patients en pulpite, les processus inflammatoires intenses au sein de la pulpe expliquant cette résistance.
À partir d’une recherche initiale de 725 études, les auteurs de cet article en ont retenu 19 pour leur méta-analyse, soit 1 654 patients inclus au total. Les prémédications étudiées incluent des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), des anti-inflammatoires stéroïdiens (dexaméthasone), du paracétamol, un opioïde n’ayant pas l’AMM en France (hydrocodone) et une benzodiazépine (alprazolam), administrés entre trente minutes et une heure avant l’anesthésie. Les résultats présentés montrent l’efficacité de la dexaméthasone à une posologie de 0,5 mg. Ce glucocorticoïde agit principalement sur la réponse inflammatoire aiguë à différents niveaux de cette cascade biochimique.
L’efficacité de l’ibuprofène est également démontrée pour une posologie d’au moins 400 mg avec une efficacité supérieure à tous les autres médicaments à l’exception de la dexaméthasone qui semble la molécule la plus efficace. Le tramadol (50 mg) se place en troisième position du classement de cette étude pour son efficacité. Cette méta-analyse démontre l’efficacité de la dexaméthasone, des AINS tels que l’ibuprofène (à partir de 400 mg) et du tramadol pour l’obtention du silence opératoire par anesthésie tronculaire dans les situations de pulpites irréversibles. Les praticiens peuvent ainsi s’interroger sur l’opportunité de prémédiquer entre trente minutes et une heure avant la pulpotomie plutôt que de recourir à des injections supplémentaires d’anesthésies intra-ligamentaires, intra-osseuses, voire intra-pulpaires.

Questions à…

Julie Guillet
MCU-PH et responsable du département de chirurgie orale à la faculté d’odontologie de Lorraine, spécialiste qualifiée en chirurgie orale
Quels sont les domaines d’indication de l’anesthésie tronculaire à l’épine de Spix ?

La pulpite reste l’une des indications principales de ce type d’anesthésie, de même que les soins sur les molaires mandibulaires isolées sur l’arcade, lorsqu’une anesthésie intra-osseuse n’est pas réalisable. En chirurgie orale, les avulsions de troisièmes molaires incluses ou en désinclusion peuvent également nécessiter le recours à l’anesthésie loco-régionale, bien qu’elle ne puisse être suffisante et que des rappels en vestibulaire et en lingual par des anesthésies locales de type para-apical soient indispensables.

 

Existe-t-il des contre-indications ou précautions particulières à cette technique ?

Cette technique est contre-indiquée chez les patients à risque hémorragique, c’est-à-dire chez les individus atteints de troubles de l’hémostase ou de la coagulation, ainsi que chez ceux traités par antiagrégants plaquettaires ou par anticoagulants, quels que soient la voie d’administration et le mode d’action.

La prémédication par dexaméthasone, ibuprofène ou tramadol nécessite-t-elle des précautions particulières ?

Bien sûr, comme toute prescription médicamenteuse, il existe des précautions et des contre-indications, en plus des allergies aux substances en question.

Pour la dexaméthasone, il y a finalement assez peu de risques lorsqu’il s’agit d’une prise unique et d’une faible dose, comme indiqué dans cette étude. Néanmoins, il est toujours préférable d’éviter la prescription d’anti-inflammatoires (stéroïdiens ou non) lorsqu’une infection est déclarée. Chez les patients atteints d’ulcère gastro-duodénal, la prescription n’est pas contre-indiquée à condition de l’associer à un anti-ulcéreux.
En ce qui concerne l’ibuprofène, les mêmes contre-indications en cas d’infection s’imposent. Pour les patients atteints d’ulcère gastro-duodénal ou aux antécédents d’hémorragie digestive, les AINS sont cette fois contre-indiqués. Chez les patients à risque hémorragique, il est fortement déconseillé de poursuivre la thérapeutique en post­opératoire par des AINS, car cela augmente ce risque, même si cela est tentant compte tenu de l’efficacité de ces molécules sur les douleurs liées à l’inflammation pulpaire. S’ajoutent à ces précautions d’autres contre-indications, notamment chez les patients présentant une insuffisance hépatique, rénale ou cardiaque sévère, ainsi que chez les patients présentant un lupus érythémateux disséminé. Enfin, la principale contre-indication à retenir est l’interdiction de prescription des AINS aux femmes enceintes.
Pour le tramadol, il existe également quelques contre-indications : les patients atteints de d’insuffisance hépato-cellulaire ou d’insuffisance respiratoire sévère, les patients épileptiques non contrôlés par un traitement, ou encore les femmes enceintes, ne sont pas éligibles à ce traitement. Il faut également être vigilant chez les patients présentant un éthylisme chronique ou des troubles des fonctions respiratoires, et éviter sa prescription chez les individus traités par carbamazépine (Tegretol©). Enfin, le tramadol est contre-indiqué chez les enfants de moins de 15 ans, et chez les patients traités par IMAO (inhibiteurs de la monoamine oxydase). Le praticien doit par ailleurs garder à l’esprit qu’à la dose de 50 mg, des effets indésirables peuvent apparaître chez certains patients, de type malaise, nausées, vomissements, hypersudation, pouvant compliquer la réalisation de l’acte d’urgence au cabinet.

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