Michèle Reners : Vous sortez d’une longue période d’activité au sein de l’International Association of Dental, Oral, and Craniofacial Research (IADR), quel message en retirez-vous ?
Philippe Bouchard : À dire vrai, cette activité n’est pas complètement terminée puisque j’ai encore quelques fonctions au sein de l’IADR, mais j’aimerais profiter de mon expérience pour motiver les Français à marquer de leur présence ces instances internationales.
Qu’est-ce que l’IADR exactement ?
Il s’agit d’une organisation internationale non gouvernementale qui a pour but de promouvoir la recherche dentaire à travers le monde. Elle est plus ouverte aujourd’hui car elle n’est pas seulement « dentaire ». Elle englobe en effet désormais la recherche cranio-faciale et orale au sens large – la bouche, ce n’est pas seulement les dents. Il ne s’agit pas d’une association américaine au sens strict du terme, bien qu’elle soit basée aux États-Unis. Elle englobe d’ailleurs deux composantes distinctes : une canadienne, la CADR, et une américaine, l’AADOCR.
Combien d’adhérents regroupe-t-elle ?
Environ 80 pays sont membres de l’IADR, ce qui reflète son activité qui vise à faire avancer la recherche pour améliorer la santé orale à l’échelle mondiale, même si sa présence est la plus significative aux États-Unis.
Quel est l’intérêt d’une telle association ?
Pour la recherche en odontologie, un intérêt majeur. C’est en fait une formidable plateforme collaborative qui permet aux chercheurs du monde entier de s’insérer dans un réseau international. Aujourd’hui, la recherche repose de plus en plus sur les collaborations. L’IADR organise des conférences, des symposiums et publie la plus prestigieuse revue internationale dans le domaine de la recherche en odontologie, le Journal of Dental Research. Elle constitue aussi un moyen de diffuser annuellement des travaux sur une scène internationale via son congrès annuel, qui chaque année change de pays. Cette année, nous étions outre-Atlantique, à la Nouvelle Orléans, après Bogota, en Colombie, l’an passé, et avant Barcelone, en Espagne, l’année prochaine.
En ce qui vous concerne, quelle a été votre activité au sein de l’IADR ?
Voici quatre ans, j’ai été élu à la tête du groupe de recherche en parodontologie, le groupe le plus important numériquement au niveau des IADR, avec environ 1 000 adhérents. Une activité de quatre ans en tant que Vice-president, President-elect, President puis past President. Au début, on se demande pourquoi tant de temps et à la fin on se demande comment les choses se sont passées si vite…
Et tout cela le plus simplement du monde. Il suffit de s’inscrire sur le site de l’organisation pour postuler à la vice-présidence et d’attendre la réponse qui arrive un an plus tard.
Pour être franc, mon élection a été une surprise pour moi et, au final, je ne peux qu’encourager mes collègues à postuler, c’est bon pour l’image de la recherche française à l’étranger, en particulier aux États-Unis. Mais je serais bien embarrassé pour donner des conseils pour être élu puisque ce sont les membres qui choisissent et non l’institution. En principe, il faut être connu pour publier dans des revues primaires, assister à quelques congrès annuels pour connaître un tant soit peu les rouages de l’organisation, même si ce n’était pas vraiment mon cas puisque je n’avais pas la moindre idée de son fonctionnement lorsque j’ai été élu !
L’actuel président du Periodontal Research Group est Liran Levin, de l’université d’Alberta, au Canada, qui remplace Purnima Kumar, d’Ann Arbor, université du Michigan, aux États-Unis.
Vous incitez vraiment des Français à tenter de se faire élire ?
Sans aucun doute. La recherche en odontologie en France est dynamique, mais elle doit être plus présente hors de ses frontières. Ainsi, j’étais heureux de constater la présence, au congrès de la Nouvelle Orléans, des représentants des laboratoires universitaires de Paris et Lyon dans les symposiums et communications, mais aussi Clermont-Ferrand puisque Stéphanie Tubert-Jeannin et moi nous sommes rencontrés par hasard autour des posters.
Mais je ne peux qu’inciter les Français à s’investir davantage dans l’IADR, non seulement dans les symposiums, les communications orales ou affichées, mais aussi à des postes à responsabilité dans les groupes qui les concernent.
Et, en tant que membre l’IADR Review Comittee, qui s’occupe de la sélection des prix de recherche, et membre du jury de la prestigieuse Hatton Competition, qui récompense la meilleure recherche parmi un panel d’étudiants en thèse et en post-doc, je serais ravi que de nombreux des travaux de français soient présentés à Barcelone lors du congrès de 2025. En plus, cela me ferait moins de travail car je serai écarté en raison du risque de conflits d’intérêts !
Il n’existe pas une IADR, mais des IADR
L’association internationale est en effet organisée en 5 régions et 47 divisions qui représentent diverses zones géographiques. La France appartient à la région Pan European, division Continental European. Indépendamment de la régionalisation, les IADR comprennent 36 groupes scientifiques et réseaux, allant du groupe de recherche en cariologie au groupe des tissus minéralisés, en passant par le groupe neuroscience, etc.
Les congrès annuels de l’IADR proposent presque exclusivement des interventions de recherche, c’est-à-dire de l’information, pas de la communication. Les participants n’y assistent pas pour apprendre, mais pour s’informer de ce qui s’apprendra plus tard dans les autres congrès.
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