DTM et orthèses occlusales

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
Information dentaire
Les consultations pour des motifs de douleurs ou dysfonctionnements temporo-mandibulaires (DTM) ne sont pas courantes dans les cabinets d’omni­pratique, mais la plupart des praticiens qui sont confrontés plusieurs fois par an à ce type de demande n’ont pas toujours, faute de connaissances spécifiques, la bonne attitude pour considérer ces patients opportunément, avant que la situation ne se complique. Les auteurs de cette revue de littérature narrative présentent, à l’appui de la littérature scientifique validée, les indications des différents types d’orthèses (gouttières) dans la prise en charge des DTM en discutant différentes approches thérapeutiques.
Concernant l’étendue de l’orthèse, la plus commune recouvre toute l’arcade (avec une préférence pour le maxillaire ou l’arcade qui présente le plan occlusal le plus irrégulier et le plus grand nombre de molaires). Les auteurs rapportent des phénomènes d’égression différentielle avec des orthèses à recouvrement partiel, même portées de façon discontinue, mais notent l’effet positif des orthèses partielles antérieures sur les douleurs myofasciales. Ils considèrent que des appuis postérieurs bien répartis sur une résine rigide non déformable permettent de soulager la pression sur l’articulation par une distension positive des éléments anatomiques en jeu dans l’articulation temporo-mandibulaire (ATM). Toutefois, ils notent aussi que si la prévalence de contacts antérieurs réduit les tensions musculaires, elle augmente aussi la pression articulaire. Ils concluent cette discussion par l’importance du diagnostic étiologique pour choisir le type d’orthèse le plus approprié.
De plus, ils indiquent qu’une gouttière réglée avec des contacts postérieurs fermes mais avec un guidage antérieur en diduction réduit les tensions musculaires pendant les mouvements excursifs. Le choix du type de traitement dépend du type de DTM qui peut être musculaire, articulaire avec des degrés d’atteinte plus ou moins importants ou associer les deux. L’approche thérapeutique dépend donc du type d’étiologie et peut associer successivement différents types d’orthèse ou de réglage d’une même orthèse. Les recommandations d’observance du port de l’orthèse peuvent aussi varier. Pour les douleurs de type musculaire, l’approche thérapeutique paraît plus simple et envisage une orthèse globale privilégiant des contacts antérieurs dans un premier temps, puis postérieurs avec guidage antérieur une fois les douleurs apaisées. Les désordres articulaires avec déplacement discal et phénomènes inflammatoires chroniques appellent une approche plus complexe impliquant parfois le recours à des systèmes de repositionnements mandibulaires temporaires ou permanents par le biais d’orthèses spécifiques indentées.
Cette approche peut être associée à des changements permanents du schéma occlusal par le recours aux meulages sélectifs, à l’orthodontie, à la prothèse ou encore à la chirurgie maxillo-faciale. Ces thérapeutiques irréversibles, envisagées dans un contexte algique et pathologique, appellent à la plus grande prudence. Elles impliquent une connaissance approfondie et la maîtrise des mécanismes pathogéniques en jeu. Les auteurs de cet article recommandent de privilégier les approches les plus conservatrices à l’aide de différents types d’orthèse.

Question à Jean-Daniel Orthlieb*

PU-PH à la Faculté d’odontologie d’Aix-Marseille Université, responsable de la discipline fonction-dysfonction, du CESU, du DESU d’occlusodontie et d’une consultation spécialisée au CHU de Marseille la Timone

Quels sont les DTM les plus courants que peuvent prendre en charge les omnipraticiens ?

La symptomatologie DTM est courante ; elle est résumée par l’acronyme « BAD » : Bruit (articulaire), Algie (faciale augmentée par la fonction mandibulaire), Dyscinésie (anomalie des mouvements mandibulaires). L’un des signes/symptômes « BAD » permet d’établir un diagnostic de DTM. Tout est dans le diagnostic, aussi on veillera à bien individualiser les tableaux cliniques suivants : algie faciale non DTM, DTM secondaire (algie-dysfonction en rapport avec une pathologie d’environnement ou systémique) et DTM primaire (origine dysfonctionnelle locale).
Le plus souvent, le DTM est banal, fluctuant, de bon pronostic ; aussi, il relève très généralement d’une prise en charge par un chirurgien-dentiste omnipraticien.

Quel type d’orthèse recommandez-vous dans ces situations ?

En premier lieu, il faut souligner que, dans une majorité de cas, la gouttière n’est plus indiquée en première intention. En effet, les approches par de simples conseils d’hygiène fonctionnelle manducatrice, la physiothérapie comme la simple gymno­thérapie, l’approche par ré­éducation cognitivo-comportementale, sont souvent très efficaces et simples à mettre en œuvre. En cas de résultats insuffisants après 4 à 8 semaines, la gouttière occlusale complète (plutôt mandibulaire), en résine dure, équilibrée en relation centrée, peut être indiquée ; son objectif n’est pas de définir une position mandibulaire miracle, mais de renforcer les approches comportementales mises en place. Le port sera préconisé lors du sommeil pendant 2 à 3 mois au maximum. Seule une forte douleur provoquée par la fonction mandibulaire pourra indiquer une gouttière occlusale en première intention. Si la douleur est très forte, une butée occlusale antérieure sera réalisée extemporanément, elle ne sera impérativement portée que quelques jours. Plus rarement, dans les rétropositions mandibulaires avec fort recouvrement et surplomb antérieur, une gouttière d’antéposition pourra être indiquée. L’absence de résultats nets implique une remise en cause du diagnostic. Sinon, le simple sevrage progressif de la gouttière est installé après quelques semaines sans envisager d’intervention occlusale invasive.

Il faut d’abord ne pas nuire ; aussi, il est impératif de :
– ne pas mettre en place de gouttières molles : elles majorent les hyperactivités musculaires ;
– ne pas mettre en place de butée occlusale antérieure plus d’une semaine : elle génère des égressions des dents postérieures ;
– ne pas favoriser le port d’une gouttière occlusale pendant des mois : elle génère une forme de dépendance très péjorative.
Quels types de DTM nécessitent une prise en charge spécialisée et comment les reconnaître ?

Seuls les tableaux cliniques chroniques invalidants, avec des patients ayant un historique de consultations multiples, résistants à des approches thérapeutiques simples, relèvent d’une prise en charge spécialisée. On sera tout particulièrement attentif face :
– aux algies cranio-cervico-faciales dif­fuses, anciennes, que l’on a du mal à provoquer par l’examen clinique : il faut rechercher un contexte plurifactoriel et travailler en équipe médicale ;
– à la dysesthésie occlusale (occlusoconscience exacerbée). Le praticien doit être occluso-conscient, mais le patient doit être occluso-absent, c’est-à-dire en confiance avec son appareil manducateur ;
– aux atteintes dégénératives évolutives de l’ATM : évolutive signifie que le remodelage des tissus articulaires est en cours. Il entraînera des modifications de la relation occlusale ; aussi faut-il accompagner cette évolution (physiothérapie, parfois gouttière), mais ne pas réaliser de traitement occlusal « définitif » en l’absence de stabilité avérée ;
– aux grandes réhabilitations (indiquées pour des raisons strictement dentaires) dans un contexte d’ATM instable.

Quel(s) type(s) d’orthèse recommandez-vous pour la protection des restaurations prothétiques ou des effets du bruxisme ?

Cette question mériterait une réponse plus détaillée et argumentée, mais pour résumer :
– le plus souvent, ce sont les dents antéro-maxillaires qui sont exposées, aussi la gouttière sera plutôt maxillaire (en fer à cheval, dure, équilibrée en relation centrée) ;
– la prise en charge du bruxisme concerne l’optimisation des conditions de ventilation, la gestion des niveaux de stress, la correction des habituations. La rééducation cognivo-comportementale représente le vrai traitement ; la gouttière occlusale n’est qu’un relais à utiliser pendant le sommeil, de manière discontinue, c’est-à-dire de temps en temps, jamais de manière continue ;
– la gouttière à vie est une utopie (un tiers d’observance) qui peut générer des dépendances dangereuses.

* Auteur de l’ouvrage
Dysfonctionnements temporo-mandibulaires
Comprendre – Identifier – Traiter
Éd. L’information dentaire, collection Médecine Buccale, 2017

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