Éclairage LED en médecine dentaire

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 30-33)
Information dentaire

Normes et bonnes pratiques

L’objectif des normes est d’évaluer les besoins et les risques pour les utilisateurs, et de définir les bonnes pratiques de conception pour chaque produit. En matière d’éclairage dentaire, la mutation technologique LED impose une remise à plat des normes rédigées antérieurement.
Un risque photo-biologique responsable d’un vieillissement accéléré de l’œil a en effet été soulevé et fait l’objet d’études scientifiques. Les instances de normalisation se saisissent du sujet et orientent leurs travaux sur le risque de la lumière bleue des LED, l’indice de rendu des couleurs (IRC) et la définition des quantités de lumière nécessaires. L’objectif est triple : éviter le risque, rendre l’éclairage confortable et veiller à ce qu’il soit performant en médecine dentaire pour chaque spécialité (omnipratique, orthodontie, dentisterie esthétique, chirurgie et implantologie).

La sensibilité de l’œil est variable selon les couleurs du spectre de la lumière. Elle est optimale au centre du spectre (au niveau des verts/jaunes), mais très faible à ses extrémités, notamment dans les bleus foncés.
En clair, nous voyons très bien les jaunes (c’est pour cette raison que les gilets de sécurité sont jaunes), mais voyons mal les bleus. Le cerveau gère donc le diamètre de la pupille en fonction de l’intensité des verts/jaunes. Cela ne pose aucun problème sous la lumière naturelle en général, car dans son spectre continu et équilibré, chacune des couleurs est de proportion voisine aux autres. En revanche, les LED froides ont un spectre nettement déséquilibré, dans lequel y a deux fois plus de bleu (ceux-là même qui sont à l’origine du vieillissement et du stress oxydant toxique), que de verts/jaunes. Dans ces conditions, le réflexe de fermeture ne fonctionne pas : la pupille reste trop ouverte et la rétine est donc constamment exposée à un excès de lumière bleue toxique.

Un risque de santé

Les travaux scientifiques – ceux de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) notamment* – mettent en évidence que l’exposition de cobayes, dont le réflexe pupillaire a volontairement été inactivé, à la lumière de LED froides (6 500 K) sous forte intensité cause à très court terme des pathologies oculaires. Nous sommes donc en présence d’un risque de santé pour les opérateurs travaillant dans les conditions de l’étude, ce qui est le cas des chirurgiens-dentistes et des chirurgiens. Ce risque est aggravé par la réflexion de la lumière sur les surfaces blanches ou brillantes des dents et des instruments.
Les instances normatives internationales et nationales (ISO, AFNOR, DIN…) ainsi que de nombreux fabricants se sont emparés du sujet. Les premières travaillent le cadre normatif, la plupart des seconds adaptent plus ou moins rapidement leurs luminaires (scialytiques, plafonniers, LED pour instrument et LED de loupes).
L’effet photo-toxique des LED doit bien entendu être contingenté. Les conditions de confort visuel (niveaux d’éclairement utiles et contrastes supportables) ainsi que l’indice de rendu de couleur qui est un indicateur de la performance visuelle restent également à redéfinir, car la LED a changé la donne.

Veiller au confort visuel

La condition de base du confort visuel se retrouve dans les bonnes conditions de vision diurne : il faut un éclairement modéré pour éviter l’éblouissement et la minimisation des contrastes de lumière dans tout le champ visuel. Dans des conditions contraires, la vision devient difficile, fatigante et stressante. C’est ce qui se passe en conduite de nuit où le champ visuel est amputé de la vision latérale et de jour avec le soleil dans les yeux où l’éblouissement empêche de voir. En médecine dentaire, il est ainsi contre-productif de négliger l’éclairage environnant et de faire la course aux lux dans la bouche. D’autant que cela provoque une augmentation de la réflexion de la lumière sur les dents et les instruments, ce qui constitue une agression délétère pour les yeux.
L’utilisation continue – 2 000 heures par an – des LED froides, sous forte intensité, est un facteur d’accélération du vieillissement favorisant l’apparition des pathologies de la rétine et du cristallin (dégénérescence maculaire liée à l’âge et cataracte).
La bonne pratique est de procéder à la conception de son éclairage professionnel en commençant par les zones les plus éloignées de la bouche (plafond, murs), puis par les plans horizontaux (sol, plans de travail, plan de circulation), avant de finir par la zone de travail (zone de 1 m² centrée sur la bouche à 90 cm du sol) puis par la zone de soin proprement dite. Cette dernière doit être d’une dimension suffisante pour éviter toute « mise au point » en cours de soin, quel que soit le déplacement du regard dans la bouche ou les mouvements nécessaires de la tête du patient. Elle doit suivre les mêmes règles d’uniformité maximale et de limitation du contraste avec la zone adjacente.
Un éclairage de la salle de soin sans contraste permettra d’atteindre une acuité visuelle très élevée sans mettre beaucoup de lux en bouche. L’éblouissement par réflexion sera donc limité, le stress et la fatigue visuelle diminués de manière drastique. Le bon confort visuel permettra de faire en fin de journée des travaux qui auraient plutôt été entrepris le matin dans d’autres conditions. Économiser ses yeux permet de repousser les attaques de l’âge.

Les LED froides ne permettent pas la performance visuelle

La performance visuelle est portée à son plus haut niveau en lumière naturelle du jour, car la performance des cônes – organes visuels déterminant couleur et forme des objets – est dépendante de la qualité spectrale de la lumière.
La lumière du jour a été normalisée par deux critères indissociables qui constituent un illuminant : la température de couleur (ou chromaticité) et la répartition spectrale. L’illuminant normatif de référence de la CIE porte le nom de D65, D pour le spectre continu et équilibré, 65 pour 6 500 degrés Kelvin.
Il en découle que la chromaticité seule à 6 500 K ne suffit pas à assurer un D65. Il faut impérativement que la répartition spectrale soit respectée.
Or, les LED froides à 6 500 K ont un spectre totalement déséquilibré qui n’a rien à voir avec le fameux D. Bon marché et très faciles à approvisionner, elles ne permettent pas la performance visuelle. Pire, elles entraînent un risque visuel pour l’utilisateur lors de leur utilisation prolongée et intensive. C’est le cas dans les cabinets dentaires qu’elles ont investis en masse, profitant de la méconnaissance du sujet par le néophyte et de la tentation de tromperie par certains.

Élaboration de nouvelles normes

La LED est amenée à remplacer rapidement toutes les technologies antérieures. Elle présente des avantages indéniables, notamment en termes d’impact écologique. Mais ses spécificités, dont la nature de son spectre et son extrême brillance, nécessitent d’être prises en compte par la démarche normative. Cela est crucial en médecine dentaire, car les chirurgiens-
dentistes effectuent des tâches ultra précises.
Les normes en cours de modification et de rédaction devront définir avec précision les exigences essentielles d’éclairage d’une salle de soin, quelle que soit la spécialité pratiquée, pour assurer les conditions de sécurité et de performance visuelle du praticien et de son équipe opératoire, tout au long de son exercice.
Cette réflexion s’articule autour de 3 axes :
– sécurité des yeux ;
– vision des formes et des couleurs ;
– acuité et confort visuel.
Les deux premiers points nécessiteront la prise en compte de la qualité spectrale des éclairages ainsi que la définition d’un IRC adapté à la technologie LED, car les IRC utilisés jusqu’alors sont invalides pour la technologie LED et tendent par voie de conséquence à induire en erreur. Le troisième point relève de la définition des zones, ainsi que des niveaux et de la répartition de l’éclairement dans les salles de soin.
Les normes auront ainsi à définir :
– la part du bleu dans le spectre ;
– la part de contraste maximale acceptable dans tout le volume de la salle de soin et dans le spot opératoire ;
– la nature du spectre de lumière.

D’ores et déjà, il est utile et prudent de considérer que pour tous les appareils qui participent à l’éclairage dentaire, c’est-à-dire le plafonnier, le scialytique, les LED des instruments rotatifs et des loupes, trois facteurs doivent être réunis.

1. Les LED doivent être exemptes de la pointe de bleu :

il faut donc choisir des LED à température de couleur inférieure à 5 000 K quand elles sont mono ou à double phosphore, ou des LED complexes spectralement conformes au D65, de surcroît idéales pour les actes d’esthétique.

2. Une excellente uniformité doit être assurée dans toute la salle de soin

ainsi que dans le spot opératoire dont l’éclairement en lux doit par ailleurs être limité aux environs de 15 000 lux. À cet égard, il ne faut pas oublier que les instruments rotatifs et les LED de loupe ont uniquement pour rôle de suppléer la lumière du scialytique pour effacer des ombres ponctuelles et certainement pas de le remplacer.

3. La qualité colorimétrique doit être très élevée, avec un Indice de Rendu de Couleur actuel

au minimum supérieur à 90. La meilleure garantie est de privilégier l’utilisation d’appareils à LED « complexes » reproduisant une lumière naturelle équilibrée.

* http://www.crc.jussieu.fr/la_phototoxicit_r_tinienne_des_led_light_emitting_diodes.html
https://www.inserm.fr/actualites/rubriques/actualites-recherche/les-led-pas-si-inoffensives-que-ca

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