Fracture traumatique de l’incisive centrale

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
Information dentaire
Comme chaque année, la rentrée scolaire met un terme aux vacances estivales et sonne la reprise d’une nouvelle routine, jusqu’à l’été suivant. Nouvelle classe pour les enfants, nouvelle organisation pour les parents (et parfois également pour les grands-parents), nouveaux défis pour les étudiants. C’est aussi pour beaucoup la période de reprise des activités sportives scolaires ou extra-scolaires, des jeux de cours de récréation ou de préau pour les plus jeunes et, bien sûr, des inévitables accidents qui les accompagnent.
 
Dans ces situations, les fractures coronaires représentent les traumatismes dentaires les plus fréquents en denture permanente et, du fait de leur situation antérieure, les incisives centrales maxillaires sont les plus concernées. Bon nombre de nos confrères vont donc recevoir, en septembre et en urgence, de jeunes patients aux lèvres œdématiées avec une fracture coronaire d’une incisive centrale. À l’urgence biologique, inflammatoire et infectieuse s’ajoute l’urgence esthétique chez des adolescents qui ne peuvent décemment entamer leur année scolaire avec une incisive au bord libre partiellement ou totalement décapité.
 
En l’absence de fragment parfaitement coaptable, la restauration directe de la dent à l’aide de résine composite représente l’indication de choix pour protéger les structures sous-jacentes et pour rétablir sans délai l’esthétique et la fonction de la dent fracturée. Chez l’adolescent, ce type de restauration devrait être pérennisé au moins jusqu’à la fin de la croissance faciale, voire bien au-delà, autant que faire se peut. Quels sont donc les configurations les plus favorables et les choix à faire en termes d’aménagement et de matériau pour optimiser la pérennité de ce traitement ?
 

 

Les auteurs de cet article publié dans le très exigeant Dental Materials ont voulu étudier l’influence de l’orientation de la fracture du bord libre d’une incisive centrale d’une part, et de la rigidité du composite de restauration employé d’autre part, sur l’intensité et la distribution des contraintes au sein de la dent restaurée, plus particulièrement dans l’interface de collage. Pour conduire cette étude réalisée sur un modèle virtuel en éléments finis avec un maximum de pertinence clinique, les auteurs ont intégré à la création de leur modèle les résultats obtenus à l’aide de capteurs de contraintes placés in vitro sur une pièce anatomique d’incisive centrale dans un os sec, mais aussi in vivo sur des incisives intactes au sein de sujets vivants et soumises à différentes forces contrôlées.
 
L’exploitation de ce travail considérable leur a permis, en incluant également les données acquises dans la littérature, de créer un modèle en éléments finis extrêmement abouti prenant en compte l’influence des propriétés des tissus dentaires et parodontaux. Trois modèles ont alors été créés avec trois orientations différentes du plan de fracture du bord libre :
– un plan de fracture dans le sens vestibulo-palatin perpendiculaire au grand axe de la dent, nommé modèle à 0° ;
– un plan de fracture oblique dans le sens palato-vestibulaire en direction apicale, nommé modèle à – 30° (« biseau vestibulaire ») ;
– un plan de fracture oblique dans le sens vestibulo-palatin en direction apicale, nommé modèle à + 30° (« biseau palatin »).
 
Chacun des modèles a été restauré avec deux composites de rigidité différente (Gradia Forte (module de Young de 13 GPa), et Gradia direct anterior (module de young de 5,2 GPa)), pour aboutir à six modèles expérimentaux.
Les résultats obtenus montrent que le modèle à - 30° (« biseau vestibulaire ») présente le plus de contraintes à l’interface dans la couche adhésive et que les contraintes dans les structures amélaires proches de la restauration y sont plus importantes que dans les deux autres modèles. C’est le modèle à + 30° (« biseau palatin ») qui présente les plus faibles contraintes dans l’interface de collage et l’emploi d’un composite plus rigide réduit encore ces contraintes dans cette configuration.
 

Cette étude, qui considère donc les fractures de bord libre « en biseau palatin » plus favorables à la pérennité de sa restauration en composite, peut également donner une orientation sur l’aménagement des surfaces avant reconstitution et sur le choix du type de composite à employer. Mais cela reste à confirmer par des études complémentaires.
 

COMMENTAIRES

En présence d’une fracture traumatique d’une incisive centrale, il convient d’abord d’évaluer toutes les conséquences du traumatisme sur la dent et son environnement parodontal. Le risque pulpaire doit être aussi immédiatement considéré par la recherche d’une exposition pulpaire ou d’une éventuelle perte de vitalité. Un saignement observé au niveau de l’attache constitue aussi une voie d’entrée bactérienne susceptible de compromettre à moyen terme la vitalité pulpaire, de même qu’une luxation ou une subluxation potentiellement associées à une constriction du paquet vasculaire. Le potentiel de la dent et les conséquences du traumatisme doivent être évalués à court terme et à plus long terme. En l’absence de fragment, la restauration de la dent à l’aide de résine composite représente le traitement de choix en première intention pour protéger les surfaces exposées et rétablir l’anatomie de la dent.
 
Cette restauration pourra être pérennisée dans bien des situations avec toutes les précautions nécessaires et une application rigoureuse des protocoles cliniques de succès. Un certificat initial d’accident doit également être systématiquement envisagé, même en l’absence d’un tiers impliqué, car de plus en plus de patients bénéficient d’une assurance sur les accidents de la vie susceptible de prendre en charge les éventuelles conséquences de l’accident à court et moyen terme. Ce certificat doit décrire les circonstances de l’accident, rapportées par le patient ou son représentant légal. Toutes les observations cliniques doivent y être consignées ainsi que les tests effectués, le traitement conduit en urgence puis à moyen terme ainsi que toutes les réserves sur les conséquences possibles du traumatisme. Toutes les thérapeutiques envisageables à plus long terme doivent être alors mentionnées.
 
Un modèle de certificat initial et des recommandations de rédaction sont proposés par l’Ordre National des Chirurgiens-Dentistes : http://www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr/uploads/media/note_explicative_certificat_initial_V13.pdf

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