Le gouvernement a présenté au Sénat, le 14 octobre, un projet de loi destiné à renforcer la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Ce texte, qui passera en première lecture à partir du 12 novembre, s’inscrit dans une stratégie visant à « mieux prévenir et détecter, mieux sanctionner et mieux recouvrer » les montants fraudés.
Il comporte 27 articles et entend massifier les outils de contrôle en facilitant la circulation des données entre administrations et organismes sociaux.
Parmi les mesures notables : le cumul de pénalités financières aux sanctions conventionnelles pour les professionnels de santé fraudeurs, l’obligation pour les entreprises de transport sanitaire et les taxis conventionnés d’équiper leurs voitures d’un logiciel de géolocalisation (certifié par l’assurance maladie) et d’un système électronique de facturation intégré, le renforcement des sanctions existantes contre les fraudeurs ou encore la création d’une procédure de « flagrance sociale » pour permettre aux URSSAF de geler immédiatement les avoirs des entreprises soupçonnées de travail dissimulé.
Mais c’est l’article 5 qui concentre l’attention des professionnels de santé. Il prévoit de « renforcer les échanges d’informations entre l’assurance maladie et les complémentaires santé », en autorisant un traitement croisé des données issues des remboursements. Objectif : détecter plus rapidement les anomalies, repérer les surfacturations et prévenir les fraudes aux prestations.
Concrètement, les organismes complémentaires pourront accéder à certaines données détenues par l’assurance maladie obligatoire, et inversement. Ces échanges incluront des informations sur les actes réalisés, les montants facturés et remboursés, ainsi que les identifiants des professionnels. Le texte précise que ces traitements devront respecter le RGPD et être encadrés par des conventions fixant les finalités et les durées de conservation.
Si le gouvernement assure que « les données médicales ne seront pas communiquées dans leur intégralité », le croisement des informations financières et techniques pourrait indirectement révéler des éléments de santé. L’étude d’impact qui accompagne le texte reconnaît « un risque d’atteinte à la vie privée », mais estime qu’il est « proportionné à l’objectif de lutte contre la fraude ». Elle insiste sur la mise en place de protocoles sécurisés et sur la limitation des données échangées aux strictes informations nécessaires à la vérification des remboursements.
Cette mesure suscite des interrogations dans le monde médical et la profession.
« L’article 5, en portant atteinte au secret médical, renverse la logique même de notre système de santé. Les données de santé changent de nature : de données protégées, elles deviennent des données économiques », s’inquiète le Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes (SFCD) le 30 octobre. « Ainsi, la santé cesse d’être un droit fondamental pour devenir un simple objet marchand. »
Le syndicat demande « la suppression ou la réécriture complète » de cet article, « afin que la lutte contre la fraude s’exerce dans le respect des principes déontologiques, de la protection du secret médical français, de la protection des données de santé européenne et de la confiance indispensable entre les patients et leurs praticiens ».
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