Garancière 14-18

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 42-43)
Information dentaire
L’UFR d’Odontologie de l’université Paris Diderot - Paris 7 abrite dans ses locaux universitaires, sis depuis 1900 au 5 de la rue Garancière à Paris dans le VIe arrondissement, un monument aux morts de la profession d’initiative privée unique en France.

Quand la Première Guerre mondiale surgit dans l’horizon ordinaire de l’Ecole Odonto-technique de Paris, cette institution est encore très jeune, car sa création remonte seulement à l’année 1882. Les registres des délibérations du conseil d’administration portent d’ailleurs l’empreinte de cet événement soudain, car ils s’arrêtent brutalement en août 1914 pour ne reprendre que cinq ans plus tard : « La mobilisation survenue en août 1914 fit partir immédiatement Monsieur Bastien, le trésorier de notre Association, et, avec lui, le comptable qui l’assistait dans la tenue des livres. Ces messieurs furent même surpris et, de ce fait, les livres furent laissés tels qu’ils étaient à la fin de juin » 1. Presque immédiatement, une autre délibération précisa également : « Le conseil a décidé qu’une plaque commémorative serait apposée dans la salle d’attente des malades. » 2
Ce monument aux morts se présente sous la forme d’une imposante plaque de marbre (191 x 140 cm) visible à main gauche dans le hall d’entrée de l’UFR (fig. 1). Il comporte 146 noms3 dont seulement 56 ont pu être retrouvés sur le site « Mémoire des Hommes » 4 (fig. 2).



De telles lacunes peuvent paraître étonnantes. Elles sont liées pour certaines à des homonymies. Mais, la plupart du temps, elles semblent plus profondes. Il faut remarquer en effet que les initiateurs de ce projet ne connaissaient pas toujours le nom complet des combattants qu’ils décidèrent pourtant d’honorer par une mention. Mais, ici comme ailleurs, la nécessité morale de l’hommage semble l’avoir emporté sur la rigueur.

Des hommes du rang essentiellement
En dépit de ce caractère profondément lacunaire, les enseignements qu’il est possible de tirer de ces lambeaux de mémoire combattante se révèlent plutôt riches. Tout d’abord, les soldats mobilisés au sein de l’école Odonto-technique de Paris s’échelonnent des classes 1889 à 1919. Environ 20 % seulement des étudiants mobilisés sont originaires de Paris et de sa proche banlieue ; 80 % proviennent donc de toute la France. Ce recrutement géographique national explique sans doute la ventilation ultérieure de ces combattants dans une multitude de régiments. En revanche, cette dispersion ne concerne pas l’arme. En effet, ils relèvent tous ou presque, du moins pour ceux qui ont été affectés dans des unités combattantes, de régiments d’infanterie, à l’exception d’un matelot mécanicien de la première escadrille de sous-marins. Parmi ces combattants, 40, soit plus de 70 %, sont des hommes du rang, soldats de 1re et 2e classe, auxquels il faut ajouter huit caporaux. Les sous-officiers ne sont qu’au nombre de cinq et les officiers de trois seulement. De même, seuls quatre exercent officiellement l’art dentaire et un est qualifié de « médecin auxiliaire ».
Les circonstances du décès qui sont mentionnées sommairement sur chaque fiche révèlent que, dans près de 59 % des cas, ces combattants ont été tués durant les opérations militaires. Les mentions « Tué à l’ennemi » ou son synonyme plus explicite encore « Tiré par l’ennemi » reviennent d’une manière récurrente. 25 % ensuite sont décédés directement de leurs blessures et dans cet inventaire à la Prévert tragique sont également recensés un accident, deux naufrages et cinq décès occasionnés par des maladies infectieuses contractées sur le front.
La Première Guerre mondiale constitue sans doute l’une des dates charnières pour l’évolution de la profession de chirurgien-dentiste, car, comme l’a souligné le secrétaire de la séance du 8 juillet 1919 : « Pendant ces cinq années, vous avez tous accompli merveilleusement votre devoir et vous avez fait connaître notre Association dans les centres militaires professionnels. À ce point de vue, notre Association fut largement représentée et permettez-moi, Monsieur, de vous remercier bien vivement d’avoir de ce fait augmenté son renom par vos travaux opiniâtres et éclairés dans tous les cas si divers et si complexes où vous avez dû intervenir ».

Notes
1. Association Universitaire d’Odontologie Garancière, archives privées, procès-verbaux du conseil d’administration, 1917-1932.
2. Association Universitaire d’Odontologie Garancière, archives privées, op. cit. La plaque commémorative a été inaugurée le dimanche 14 décembre 1919.
3. La liste nominative est consultable sur www.information-dentaire.fr
4. Il s’agit de la première base de données regroupant plus de 1,4 million de fiches individuelles numérisées de militaires décédés au cours de la Grande Guerre et ayant obtenu pour la plupart la mention « Mort pour la France » (www.memoiresdeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/artocme.php?larub=3&titre=premiere-guerre-mondiale).
5. Association Universitaire d’Odontologie Garancière, archives privées, op. cit. Cet article a été élaboré
dans le cadre de l’enseignement optionnel d’introduction à l’histoire de l’Art dentaire, responsable pédagogique : Grégory Aupiais (gregory.aupiais@univ-paris-diderot.fr).

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