L’odontologie pédiatrique, une spécialité ?

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  • Publié le . Paru dans L'Orthodontiste n°2 - 30 avril 2018
Information dentaire
Si le terme médecine bucco-dentaire ne s’est pas encore tout à fait substitué à celui de chirurgie bucco-dentaire, voilà plusieurs années que l’odontologie pédiatrique a fait suite à la pédodontie, pourtant seulement introduite en France à la fin des années 1970.

Au départ, la pédodontie a permis d’initier le changement des habitudes

thérapeutiques des praticiens : elle leur a fait prendre conscience de la nécessité de traiter les dents temporaires affectées par des lésions carieuses, même en l’absence de symptomatologie, alors qu’autrefois, ces actes restaurateurs étaient jugés inutiles sur des dents destinées à être rapidement remplacées. Depuis, les techniques particulières aux traitements des dents temporaires ou des dents permanentes immatures se sont améliorées. La demande a également évolué : les couronnes pédiatriques préformées métalliques, de plus en plus refusées par les parents pour leur aspect inesthétique, vont sûrement être progressivement remplacées par des couronnes pédiatriques préformées en zircone ou des restaurations esthétiques par CFAO. Néanmoins, il ne faut pas limiter l’odontologie pédiatrique à des thérapeutiques adaptées ou particulières à des dents présentant des caractéristiques morphologiques et histologiques différentes.
 
De façon plus générale, l’odontologie pédiatrique est devenue la seule discipline à ne pas être définie par un domaine de compétences techniques spécifiques mais par un type de patients (nourrisson, enfant et adolescent) en cours de croissance concerné par toutes les techniques. À cet ensemble de compétences techniques s’ajoute un pré-requis indispensable à la sérénité des soins : l’approche cognitivo-comportementale adaptée au patient.
 
Au fur et à mesure du temps, cette discipline a su tisser des liens avec toutes les structures encadrant et/ou s’occupant des enfants et des adolescents, pour jouer un rôle essentiel dans le dépistage précoce et la prise en charge des maladies systémiques, des syndromes et des différentes situations de handicap. Tout en permettant une réelle amélioration de la qualité de vie de ces enfants, elle a ainsi atteint une maturité médicale dans le domaine de la pédiatrie.
 
La spécificité de cet exercice a conduit une centaine de chirurgiens-dentistes libéraux installés en France, plus particulièrement à proximité des villes universitaires, à un exercice exclusif en odontologie pédiatrique. En effet, notre pays n’a pas encore fait le choix de la spécialité pourtant déjà reconnue dans dix-sept pays européens dont onze dans l’Union européenne (Bulgarie, Croatie, Finlande, Hongrie, Italie, Lituanie, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovénie et Suède). Force est de constater que ce nombre d’exclusifs est insuffisant au regard des besoins. En France, la prévalence des dents temporaires affectées par des lésions carieuses cavitaires non traitées était encore, en 2015, de l’ordre de 30 %, alors qu’elle était de 9 % à l’échelle mondiale, selon Kassebaum [1]. Ce triste état des lieux s’explique par une moindre, voire une absence totale de prise en charge des patients de moins de 6 ans, les praticiens concernés étant le plus souvent déstabilisés par la non-coopération des plus jeunes. D’autres fois, ce sont des molaires permanentes atteintes d’hypo-minéralisation (MIH), dont la prise en charge n’est pas assurée, conduisant à la perte de la dent à court terme. Et que dire des enfants en situation de handicap, qui sont contraints de faire des centaines de kilomètres pour bénéficier d’une prise en charge ?

Aujourd’hui, au même titre que les pédiatres, les « chirurgiens-dentistes pédiatriques » doivent, en plus de leurs compétences dans tous les domaines de la dentisterie, être en mesure de conférer la même qualité de traitements aux jeunes patients présentant des problèmes intellectuels, médicaux, physiques, psychologiques et/ou émotionnels. Ils doivent donc non seulement maîtriser les techniques de sédation consciente accessibles en milieu libéral, mais aussi faire partie de réseaux de soins rattachés à des établissements de soins, comme recours pour la sédation hospitalière ou l’anesthésie générale. Ils font partie de l’équipe soignante des enfants vulnérables, pour dépister, orienter et participer à la prise en charge des troubles alimentaires. Ils jouent un rôle majeur dans le dépistage des maladies rares dès le plus jeune âge, à partir des anomalies dentaires.
À exercice spécifique, études spécialisées ! Ainsi, il apparaît légitime de revendiquer un internat en odontologie pédiatrique et ce, encore plus, sous le quinquennat d’un président de la République se présentant comme très sensibilisé à la prévention.
 
N’est-ce pas tout l’enjeu que d’initier, lors de cette période capitale de la vie, les préventions primaire et secondaire indispensables à un bon état de santé bucco-dentaire de l’adulte, qui n’aura plus jamais peur de son chirurgien-dentiste ?
N’est-ce pas tout l’enjeu que d’offrir des soins de qualité aux enfants en situation de handicap comme à ceux atteints de pathologie ?

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