« La démocratie est devenue un enjeu en tant que tel »

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°16 - 19 avril 2023
Information dentaire
Lors d’une séance officielle de l’Académie nationale de chirurgie dentaire, l’ancien président de la République, François Hollande, a donné son point de vue sur la situation internationale à l’aune de la guerre en Ukraine. Cette séance fut également l’occasion d’accueillir trois nouveaux membres et, pour le nouveau président de l’Académie, de livrer sa feuille de route pour l’année 2023.

C’est la première fois depuis 1945 que la guerre est aux portes de l’Europe et concerne une puissance nucléaire. Elle est l’aboutissement de choix faits au cours de ces dix dernières années par les régimes autoritaires de la planète, notamment la Chine de Xi Jinping et la Russie de Vladimir Poutine qui ont conclu une alliance totale, infinie, éternelle. » Devant l’Académie nationale de chirurgie dentaire (ANCD) réunie en séance officielle à l’École du Val-de-Grâce (lire encadré), l’ancien Président de la République, François Hollande, est venu partager le 27 mars son analyse de la situation internationale et n’a pas caché son regard inquiet sur le monde depuis l’invasion de l’Ukraine. Ce « camp des dictatures » n’a pas d’idéologie à faire passer, mais un nationalisme exacerbé en bandoulière et des revendications territoriales. La Russie sur l’Ukraine, la Chine sur Taïwan. « Leurs adversaires sont les démocraties, leurs libertés, celle de penser, celle de la presse, et, pensent-ils, leur volonté d’imposer aux autres leur modèle. Poutine n’a cessé de croire que l’Occident voulait réduire la place de la Russie, remarque François Hollande. Ils se vivent empêchés, humiliés. »

Plusieurs pays sont en soutien : la Corée du Nord, l’Iran, le Venezuela, l’Afrique du Sud, quand bien d’autres, et pas des moindres, comme le Brésil ou l’Inde, ne veulent prendre parti. La guerre en Ukraine n’est pas qu’un conflit territorial localisé aux confins de l’Europe, mais un enjeu mondial, estime l’ancien chef de l’État.

Dans cette guerre qui « devrait durer encore de longs mois », deux hypothèses sont envisageables. Dans un premier cas de figure, la situation se stabilise sur une ligne de démarcation. Une partie de l’Ukraine est annexée. « C’est alors une victoire pour la Russie qui aura réussi à changer le droit international et montrer qu’il est possible de s’arroger des territoires souverains par la force », se désole François Hollande. Ce serait l’escalade : la Chine s’élancerait vers Taïwan, la Corée du Nord ouvrirait un conflit avec sa voisine du Sud, et peut-être même la Turquie, pourtant membre de l’Otan, s’arrogerait-elle le droit de revendiquer une partie de la Syrie qu’elle lorgne déjà. Dans cette situation l’Inde, le Brésil, resteraient-ils neutres ?

Réengagement américain ?
Seconde hypothèse, les Ukrainiens résistent et reconquièrent leur territoire. Mais les conditions pour une victoire, qui a évidemment les faveurs de l’ancien chef de l’État, sont multiples, les interrogations nombreuses : la capacité de résistance du peuple ukrainien, le soutien des opinions, et surtout la poursuite du réengagement américain. « À ce titre, les prochaines élections américaines de 2024 seront cruciales, note-t-il. Quand Trump dit qu’il peut mettre fin à la guerre en 24 heures, c’est parce qu’il s’arrangerait avec Poutine sur une partition de l’Ukraine. » Et si les États-Unis venaient à faire défaut, les Européens seraient-ils prêts à prendre le relais ? « L’Europe de la défense n’existe pas, constate François Hollande. Aujourd’hui, les Allemands comme les États de l’Est se tournent vers les États-Unis pour leur armement. Ils ne croient pas en l’autonomie stratégique de l’Europe. » L’Otan voudra-t-elle s’engager avec le risque de devenir cobelligérant ?

Mais quand bien même l’Ukraine recouvrait son intégrité territoriale l’ordre du monde ne reviendrait pas à la normale, estime François Hollande. « La mondialisation n’est plus un facteur de prospérité et de paix. Ce conflit met en lumière une démondialisation grandissante, une multipolarisation du monde dans laquelle de nombreux pays s’engagent dans un repli nationaliste, y compris en Europe. Ce qui est en cause aujourd’hui c’est la démocratie elle-même. Elle est un enjeu en tant que tel. »

Faire mieux connaître l’Académie

Le nouveau président de l’Académie nationale de chirurgie dentaire, Yvon Roche, a présenté ses ambitions pour son année de mandat. Il se fixe trois axes prioritaires : renforcer la visibilité de l’Académie, mieux organiser son travail et l’adapter à l’époque. « L’Académie n’est pas assez connue et reconnue », résume-t-il. Elle doit davantage échanger avec d’autres institutions comme l’ADF, l’Ordre ou des sociétés savantes, mais aussi vers l’étranger. Elle pourrait, par exemple, organiser des mini-colloques, s’engager davantage vers la société, prendre position et le faire savoir en partageant des communications publiques, des avis.

Il faut pour cela, estime son président, « qu’en interne la communication soit plus fluide et performante entre les académiciens, le bureau, le conseil d’administration et les commissions ». L’institution doit s’ouvrir, réfléchir aux nouvelles techniques et technologies qui traversent la profession et engendre une mutation de l’exercice du praticien. « Nous devons nous inscrire dans le débat scientifique et professionnel. Je suis optimiste. Quand la volonté est collective elle n’a pas de limite, conclut Yvon Roche. Je compte sur vous. Vous pouvez compter sur moi. »

Trois nouveaux membres titulaires

Michel Jourde, secrétaire perpétuel de l’Académie, a remis les épitoges de membre titulaire à Jean-Pierre Brun, Christian Decloquement et Jean-Jacques Lasfargues. Voici les mots prononcés par Michel Jourde à leur endroit.

Jean Pierre Brun
« Jean-Pierre Brun a eu la chance de participer à l’ère des pionniers de l’implantologie ostéo-intégrée après son passage à la New York University. Il a ensuite poursuivi de nombreux voyages d’apprentissage en Suède, au Japon et aux Etats-Unis. Ces formations lui ont permis de développer dans sa région grenobloise une approche de partage de la dentisterie implantaire avec la création d’un centre de formation en 1997. Expert près la sécurité sociale, expert près la cour d’appel de Grenoble, il est inscrit sur la liste des experts AFSSAPS et membre du Haut Conseil de la nomenclature. Membre de notre Académie depuis 2015, Jean-Pierre Brun s’est très vite impliqué dans le travail académique en intégrant la Commission de législation, dont il est maintenant le secrétaire. »

Christian Decloquement
« Christian Decloquement a été assistant universitaire de 1982 à 1986 dans les différents services de prothèse de la faculté de chirurgie dentaire de Paris VII aux côtés de maîtres éminents et notamment des professeurs Joseph Lejoyeux, Jean-Claude Harter et Michel Vignon. Il s’implique très vite dans la formation continue et exerce d’importantes fonctions au sein de plusieurs sociétés scientifiques. Il sera successivement directeur des Entretiens de Garancière, secrétaire scientifique du congrès de l’ADF 2016 et secrétaire général adjoint de l’ADF de 2003 à 2019. Président du Collège des bonnes pratiques en odonto-stomatologie et président du Cercle d’études d’odontologie des Hauts-de-Seine, il est également vice-président du GSSOS. En parallèle de ces fonctions importantes, il a également été membre titulaire du conseil de l’Ordre des chirurgiens-dentistes des Hauts-de-Seine de 2002 à 2019, membre du groupe de travail à la HAS sur la mise en place de l’évaluation des pratiques professionnelles et chef de projet à la HAS pour la rédaction du référentiel du dossier patient. »

Jean-Jacques Lasfargues
« MCU-PH de 1990 à 1996, puis PU-PH à l’UFR d’odontologie Montrouge de la faculté de Paris V de 1997 à 2017, il est, depuis, professeur émérite de la faculté de santé de Paris. Au cours de ses fonctions, il a exercé de nombreuses responsabilités hospitalo-universitaires. Il a été notamment chef du service d’odontologie de l’hôpital Bretonneau de l’AP-HP, président du Conseil national des Universités (sous-section 58-01) mais aussi directeur du diplôme interuniversitaire d’endodontie et responsable de la discipline d’odontologie conservatrice et endodontie à l’UFR d’odontologie Montrouge de l’université Paris Descartes. Auteur de nombreuses publications et communications, y compris dans le cadre de l’éméritat, il continue de s’impliquer dans diverses activités professorales au sein de la faculté de Paris mais aussi dans le cadre de missions d’enseignement et de formation à l’étranger. »

Une école dans un couvent

L’École du Val-de-Grâce (5e arrondissement de Paris) est un établissement militaire d’enseignement qui coordonne l’ensemble des formations médicales et paramédicales du service de santé des armées (médecins, pharmaciens, vétérinaires et chirurgiens-dentistes). Elle occupe un ancien couvent de religieuses bénédictines installées par la reine Anne d’Autriche épouse de Louis XIII en 1616. La Convention, par décret du 31 juillet 1793, expulse les bénédictines et affecte l’ensemble à un hôpital militaire. C’est la naissance de « l’École du Val-de-Grâce » qui ne sera véritablement organisée qu’en 1850 avec la création de l’école d’application de médecine militaire.

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