La dent d’ivoire d’Anne d’Alègre, bridge « social » du 17e siècle

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Information dentaire

C’est l’un des rares squelettes du XVIIe siècle doté d’une prothèse dentaire que l’on connaisse. Celui d’Anne d’Alègre, aristocrate décédée en 1619 à 54 ans, retrouvé dans la chapelle du château de Laval lors de travaux de restauration en 1988. Il avait déjà fait l’objet d’une étude complète en 1992, mais grâce à l’utilisation d’un cone beam, une équipe pluridisciplinaire de chercheurs nous en dit plus sur son sourire. Ils ont publié fin janvier leurs travaux dans la revue internationale Journal of Archaeological Science : Reports.

Les radios montrent l’association d’une maladie parodontale, d’une usure importante et d’un traitement thérapeutique peu banal, sans doute à la pointe des techniques de l’époque : une prothèse en ivoire d’éléphant remplace la 21 soutenue grâce aux dents voisines par des fils d’or, à quoi s’ajoute une ligature de contention sur les prémolaires. « Si l’objectif de ces soins était destiné à limiter les conséquences fonctionnelles de la perte de dents, son utilisation à long terme ainsi que les multiples resserrages nécessaires, ont entraîné l’instabilité des dents voisines porteuses », explique l’Institut national de recherche archéologique préventive (Inrap).

L’édentement observé sur le côté gauche du maxillaire en est la conséquence directe. Mais les chercheurs estiment que l’objectif de ce traitement était d’abord esthétique et même « social ». Les femmes aristocrates se devaient de garder une « apparence soignée ». Elles sont alors soumises à de fortes contraintes dans une société patriarcale et sont jugées pour leurs bonnes mœurs, leur fortune et leur beauté. Ambroise Paré, médecin du roi et contemporain d’Anne d’Alègre, affirmait que si « le malade est édenté et défiguré, son discours devient également dépravé », souligne l’Inrap.

La pression était donc forte pour chercher à combler l’espace laissé par la disparition de cette incisive dont on ne connaît pas d’ailleurs la cause exacte. Organisatrice de réunions mondaines, à l’affût des modes, deux fois veuve, à 21 ans du dernier comte de Laval, puis à 43 du gouverneur de Normandie, Anne d’Alègre la huguenote eut une vie pleine de rebondissements dans un pays en pleine guerre de religion : elle perdit son fils unique et vit un temps sa fortune confisquée par le roi Henri III.

 

Anne d'Alègre

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