La « honte dentaire », définie comme la crainte d’un jugement négatif d’autrui, fait l’objet d’un commentaire publié fin septembre dans « Community Dentistry and Oral Epidemiology ».
Ce phénomène, encore peu étudié, pourrait expliquer pourquoi tant de personnes repoussent indéfiniment la visite chez le dentiste, au risque d’aggraver leur état de santé. Selon les chercheurs des universités de Copenhague, d’Exeter et de Plymouth, cette honte contribue à creuser les inégalités sociales et sanitaires.
Ce sentiment, notent-ils, naît souvent de l’apparence des dents, d’une mauvaise hygiène ou de comportements à risque comme le tabac, l’alcool ou une alimentation déséquilibrée. Il touche plus particulièrement les publics vulnérables. « Il est à la fois une conséquence et un déterminant des problèmes de santé bucco-dentaire », expliquent-ils : les problèmes dentaires génèrent de la honte, qui à son tour freine l’accès aux soins, enclenchant une spirale délétère.
La honte dentaire dépasse la seule sphère orale. Parce que « nos dents sont très visibles et essentielles à notre apparence générale et à notre bien-être », rappellent les auteurs, elle peut affecter l’estime de soi, les relations sociales ou encore l’accès à l’emploi.
Elle ne relève pas seulement d’un ressenti individuel : elle traduit aussi des obstacles structurels tels que le coût des soins, le manque de services accessibles ou certaines pratiques cliniques culpabilisantes, susceptibles de renforcer la marginalisation des patients.
Les chercheurs mettent ainsi en garde les praticiens contre le fait de susciter la honte chez les patients, intentionnellement ou non. « Lorsque la honte est utilisée délibérément pour encourager des comportements de santé positifs, rien ne garantit qu’elle entraînera un changement bénéfique », soulignent-ils.
Pour y remédier, ils plaident pour une formation spécifique des professionnels à la « compétence en matière de honte ». L’objectif : apprendre à reconnaître ce sentiment, à en mesurer les effets dans la relation de soin et à instaurer des environnements plus inclusifs et bienveillants.« Il est essentiel de créer un environnement sans jugement, où les patients se sentent en confiance et habilités à donner la priorité à leur santé bucco-dentaire », insistent-ils.
Comprendre et prendre en compte la honte dentaire pourrait, selon eux, transformer la promotion de la santé bucco-dentaire, réduire les inégalités et améliorer les résultats de santé globaux. La honte dentaire, concluent-ils, n’est pas un détail psychologique : c’est un véritable déterminant de santé publique
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