Rubrique de la Société Française d’Histoire de l’Art Dentaire SFHAD
L’ivoire de couleur blanche, du fait de sa bonne solidité, se travaillait relativement facilement, convenant mieux que l’os pour les préparations, l’ajustage des pièces et leur mise en place. L’ensemble de cette procédure était effectué par les tabletiers eux-mêmes, deux décrets de 1736 et 1746 confirmant leur droit de « remetteur de dents d’ivoire ». Ces pièces d’ivoire étaient d’ailleurs réservées à une certaine élite et n’intéressaient guère les praticiens.
Avec les progrès du XVIIIe siècle, une certaine demande semble s’être manifestée et les praticiens dentaires commencèrent à s’occuper des différentes possibilités prothétiques. Ils se mirent à réaliser eux-mêmes les prothèses.
Mais en réalité, l’ivoire d’éléphant se détériorait rapidement en bouche en se putréfiant avec la salive, dégageant une mauvaise odeur ainsi qu’un goût désagréable, et changeait de teinte tirant vers le gris vert. L’ivoire d’hippopotame, la dentine de sa défense, se montrait bien plus résistante à l’action salivaire et offrait de bien meilleures surfaces de taille. L’ivoire de Morse, lui aussi bien résistant, fut aussi employé là où il était disponible.
Une réalisation prothétique ardue
Au milieu du XVIIIe siècle des praticiens à l’avant-garde comme Fauchard, Bourdet et Laforgue, ne connaissaient pas les empreintes et ne disposaient d’aucun moulage ! Ils prenaient des mesures sur les patients, préparaient des patrons sur carton, et finissaient l’ajustage prothétique directement en bouche par la taille de bloc d’ivoire à l’estime. Travail important pour des petites pièces, mais travail incroyable pour des pièces importantes ! C’est l’Allemand Philippe Pfaff qui exposa le premier en 1756 le concept de prise d’empreinte en bouche et la réalisation d’un modèle positif pour élaboration prothétique. Ce remarquable concept ne sera vraiment intégré par la profession qu’au tout début du XIXe siècle avec l’usage du porte-empreinte.
C’est donc la technique d’élaboration prothétique avec des modèles d’empreintes qu’utilisèrent les praticiens pour créer les prothèses en ivoire d’hippopotame, technique consistant à adapter un bloc en l’évidant progressivement à la demande. Le modèle en plâtre positif issu de l’empreinte était recouvert d’une poudre marquante vermillon. Le bloc d’ivoire était présenté en enlevant les traces de vermillon point par point, puis présenté de nouveau en éliminant les traces vermillon témoignant du frottement. Progressivement, le bloc était « descendu » jusqu’à son adaptation au modèle. Travail fastidieux mais qui se réalisait sur modèle avec quelques ajustages complémentaires en bouche.
Les prothèses en ivoire d’hippopotame étaient coûteuses en raison du matériau et des techniques de réalisation longues et difficiles. C’était cependant le prix à payer pour obtenir des reconstitutions apportant le plus souvent des satisfactions plus esthétiques que fonctionnelles. Elles étaient relativement résistantes, légères et silencieuses. Malgré quelques essais et les débuts de la céramique, ce n’est qu‘à l’arrivée de la vulcanite, au milieu du XIXe siècle, que l’usage de l’ivoire sera définitivement abandonné.
Pour plus d’informations :
www.biusante.parisdescartes.fr/sfhad
www.biusante.parisdescartes.fr/mvad
www.biusante.parisdescartes.fr/aspad
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