Mimesis 2015

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
Information dentaire
Dans cette sinistrose ambiante, cette dépression collective, goûter Mimesis a toujours un fort pouvoir revigorant, un élixir détonant.

Un grand cru

Tout a commencé le jeudi 1er octobre avec le meilleur représentant de la paysannerie vigneronne des coteaux du lac. David Gerdolle, bioémulateur de terrain, nous prévient : pas de cas “spécial conférence” à présenter ; sa pratique quotidienne seulement. Sa routine adhésive, c’est avant tout des cas de restaurations postérieures indirectes collées.

La revue de littérature est là pour nous démontrer tous les bienfaits de l’adhésion. On retiendra la possibilité de reprendre les soins dans 90 % des cas, la tranquillité que nous amène le collage dans les cas de parafonctions, retenons les excellents résultats relevés par Belser du taux de survie d’onlays à 12 ans (92,4 %) et d’inlays à 20 ans (81,5 %), étude sur 547 restaurations dont 33 % sur des bruxomanes. Pléthore de tableaux de statistiques qui fait rapporter à notre orateur la définition de son ami Stéphane Browet : « Statisticis are like miniskirts, they give you a good idea of what you would like to know, but they hide what you really like to see » (« les statistiques sont comme les minijupes, elles vous donnent une bonne idée de ce que vous aimeriez connaître, mais elles vous cachent ce que vous aimeriez vraiment voir »).
Tout plaide donc en faveur du collage, mais la dentisterie adhésive n’est pas la facilité. La tentation de revenir à la dentisterie traditionnelle est grande quand on sait que le scellement de deux couronnes prend 15 minutes contre 45 minutes de collage pour un élément prothétique.
« Voilà ma dentisterie de Nancy à Montreux », des kilomètres de panoramiques d’avant et d’après où couronnes, bridges et implants envahissent les arcades. « Oui, j’étais un sacré destructeur et on arrivait même à me faire croire que je pouvais être le meilleur. »
La dentisterie adhésive est donc bien la meilleure réponse à offrir à nos patients, mais demande des prérequis incontournables. Be Clean et Be Dry en sont les maîtres mots.

L’isolation, c’est d’emblée et pas autrement, c’est l’inversion et c’est une stratégie. David rend hommage à Stéphane Browet, instigateur de cette notion déterminante de stratégie d’isolation. Feuille épaisse, trous étroits et distances interproximales respectées, choix du crampon pilier, clamps customisés, ligature simple ou double, téflon, digue liquide, ils participent tous au succès de l’étanchéité. De nombreux exemples cliniques présentés démontrent l’importance de cette stratégie adaptée à chaque cas, elle sera par ailleurs différente lors du collage.

Pour le nettoyage, David Gerdolle s’appuie sur les travaux de Lucas Neves. Le monde en microscopie amène à comprendre l’état biologique d’une cavité et la nécessité d’être propre : fraises, caries-detector, fluorescence, système FACE et embout Black Lens. La vision joue un rôle important, de x1,5 à x6 en quelques années pour aujourd’hui découvrir la vision au microscope x10 pour des résultats optimums, encore un autre monde…

Le premier grand principe de préparation est d’ordre biologique. La présence de dentine impose l’Immediat Dentin Sealing (IDS). C’est aujourd’hui la technique officiellement reconnue, le gold standard. On sait que l’IDS supprime les sensibilités dans les phases transitoires, permet de travailler sans anesthésie dans le temps du collage, autorisant donc un contrôle meilleur de la phase de polymérisation, on peut ajouter l’intérêt d’organisation pour l’assistante qui sait que la première séance est dédiée au collage de la dentine et la deuxième au collage de l’émail. Mais au-delà de ces trois avantages, il faut ajouter qu’une dentine “fraîchement” taillée est idéale pour la qualité du collage, elle est, de plus, exempte de contamination et la fine couche hybride augmente la force du collage par diminution du stress. La maturation de la couche hybride jusqu’au moment du collage lui conférera des qualités optimales. On peut dire que cet IDS est le facteur de réussite du collage. Le temps du collage différé de celui de l’hybridation permet au stress de polymérisation de décroître avec le temps. En fait, le collage fonctionne quand le bonding est supérieur au stress et ne fonctionne pas quand les forces d’arrachement générées par stress sont supérieures aux forces d’adhésion.
David Gerdolle explique là, par des mots simples et imagés, des phénomènes physicochimiques fort complexes. On le sait bien, rendre les choses compréhensibles et accessibles est bien l’apanage de ceux qui maîtrisent parfaitement leur sujet. Le faire en plus avec humour est bien du grand art.

Réduire le stress de polymérisation est donc une quête perpétuelle. On peut chercher à le diminuer en insérant des fibres dans le matériau pour réduire sa contraction, mais ce qui importe vraiment est le facteur de configuration. « Imaginez que vous êtes un compo de grande marque, vous vous retrouvez bloqué entre parois et pièce prothétique, vous cherchez à vous échapper, là, par la cheminée… Et Paf ! Un grand shoot de lumière et de chaleur… » Quand David-le-compo mime cette scène, la salle est pliée de rire et, c’est sûr, se souviendra à jamais des effets néfastes du facteur C ! Un grand moment…

Choisir un design de cavité, c’est donc tenir compte des impératifs biologiques, ceux du ciment, mais aussi ceux du matériau prothétique. David fait référence alors aux travaux de Jean-Pierre Attal. On retiendra que la résistance est liée au travail du laboratoire, le stress thermique est proportionnel à l’épaisseur du matériau, l’idéal étant une épaisseur uniforme, d’où l’importance du design de la cavité.
L’endo-couronne est donc à proscrire en préférant remplir avec un CVI puis IDS.
Ce n’est pas l’épaisseur de la pièce prothétique qui est en cause, mais sa variation d’épaisseur, d’où l’importance du build-up affectionné par l’école italienne.
Attention donc au retour vestibulaire dans le cas de full-veneer qui augmente considérablement les tensions superficielles.
Le bloc monolithique sera aussi plébiscité par rapport à la stratification.
Et, bien sûr, le collage offre une bien plus grande résistance que le scellement.
Le module d’élasticité du substrat est aussi un facteur important : sur de la dentine on a intérêt à préférer l’épaisseur et sur l’émail on peut envisager d’être très fin à condition de ne pas creuser des sillons pour ne pas introduire de stress.

David Gerdolle aime la pédagogie et la clarté du message. On retiendra donc de cette première partie :
– qu’il faut protéger la dentine par l’IDS ;
– que l’on peut réduire le stress par l’inclusion de fibres ;
– que le facteur C est primordial, il faut donc aplatir sans hésiter ;
– que le design de la cavité doit être conforme aux impératifs biologiques et mécaniques ;
– que l’émail est rigide, on peut être fin : 0,5-1,0 et sur la dentine c’est 2-3 mm ;
– qu’il faut choisir des matériaux monolithiques et faire peu de morphologie.

Sur les critères de réduction des cuspides, la FFP est à l’honneur et porte bien son petit nom : fucking first premolar ! C’est l’exemple même de la cavité profonde au regard d’une cuspide plus haute que large, il faut alors recouvrir.
Par rapport aux cracks, on peut dire que s’ils sont horizontaux, on coupe, et s’ils sont verticaux ou mésiaux-distaux, on recouvre. Globalement, on comprend que David a une forte tendance, par sécurité, au recouvrement.
Les cracks témoignent d’une compression du matériau, mais surtout de la rupture de continuité de l’émail.
Gil Tirlet intervient pour signifier que si le crack existe sans entraîner de symptomatologie, on peut penser qu’il n’a plus d’énergie, « alors pourquoi pas IDS et collage ? » David Gerdolle n’y croit pas, le compo va ajouter sa compression et réactiver le crack. « La biomimétique n’amène rien à ce stade, c’est une illusion, il y a eu rupture de continuité de la matière, il faut recouvrir. »
L’esprit Mimesis, groupe d’étude, d’analyses et de réflexions, par ce type d’échange, joue à fond et cela, bien évidemment, au grand plaisir de l’assistance.

L’élévation de la marge est aussi fondamentale pour la réussite de nos préparations.
Elle nécessite une isolation plus basse en s’aidant d’abord, si elle existe, du plancher de l’ancienne restauration, de bande de téflon, de matriçage soigneux, de coins.
Elle impose de faire des limites franches, de rendre le profil d’émergence adéquat, de respecter un axe d’insertion vertical, de proscrire les contre-dépouilles et d’assurer une profondeur comprise entre 2 et 4 mm.

David Gerdolle et son style farmer inimitable nous font découvrir la “provisoire paysanne” façonnée au KY. Plus personne ne restera insensible à l’utilisation de la glycérine après le sketch de l’assistant chargé de réapprovisionner le cabinet de David en KY, un grand moment hilarant.

Le collage concerne donc trois substrats différents, composite, émail et céramique.
Lucas Neves résume par un schéma de synthèse les étapes qui permettent un collage optimal. Nettoyer le substrat, lui amener une bonne mouillabilité assurant une parfaite adaptation du bonding qui sera plus tard polymérisé.
Si la pièce prothétique est en compo, il faut sabler, si c’est de la céram, c’est inutile, mais on respectera la procédure – etching, acide fluorhydrique, couche de silane réchauffé et bond sans polymérisation. Sur le substrat, sablage, etching, primer, car il y a toujours des risques que, malgré l’IDS, il y ait des plages de dentine exposée, enfin bond non polymérisé.
L’assemblage se fera par du compo photo classique réchauffé à 65 °C, il assure une qualité de joint inégalée. La colle dual entraîne un joint creux “crapouilleux” qui jaunira dans le temps.
Dans la photopolymérisation, c’est l’énergie finale qui compte, il faut donc toujours augmenter le temps, en veillant à ne pas trop surexposer la pulpe à l’élévation de température, d’où la nécessité de coller sans anesthésie et avec refroidissement dès que le joint est pris.

En cas d’effraction pulpaire lors de la préparation, la pulpotomie de Cvek est de rigueur avec application de biodentine ou de theracal, pose d’un verre ionomère modifié et compo pour assurer l’étanchéité.

David Gerdolle termine sa présentation par le cas d’Isabel. La patiente est atteinte d’une amélogenèse imparfaite sévère, la solution sera directement inspirée de la 3 Steps, technique de Francesca Vailati, avec une approche minimale invasive après un traitement d’orthodontie. Le traitement est magnifique, les éléments prothétiques de Samuel Schwab sont lumineux, la réhabilitation globale à six ans de recul est extraordinaire. Jusqu’à ce qu’Isabel soit demandeuse d’un blanchiment ! « Aujourd’hui c’est du B1 sans hésiter, même quand on part de très loin ! »
Et de conclure : to be on the safe side (pour travailler en sécurité), il faut être déterminé, il faut nettoyer, le protocole doit être systématique, il est déterminant. Il faut sauver l’émail et protéger la dentine, le reste c’est de la philosophie. David, à la minimal invasive très contraignante, préfère la pragmatic invasive attitude, « donc les cuspides, je n’insiste pas, le trésor c’est l’émail cervical ! » Enfin ne jamais oublier le fun ! Mais ça, on l’avait compris.
David Gerdolle n’est pas un triste. S’il aime se prendre la tête entre minimalisme et pragmatisme, ce n’est que pour nourrir sa réflexion et son analyse. Ses vrais critères décisionnels sont clairs et dictés par le respect de la biologie et de la biomécanique qu’il a parfaitement intégrés.
Un sacré personnage ce David, atypique, excellent en théorie et brillant dans la pratique.
Une clinique intelligente, une pédagogie hors norme servie par un humour irrésistible.
Cet homme est à prescrire sans modération, il vous amène ce petit air frais, vous savez, celui qui régénère et qui, en modifiant notre regard, rend les choses plus belles.
Un paysan des coteaux du lac au plaisir simple, les yeux dans le bleu, pour un carré de Nictone et un rectangle de Leman.
David Gerdolle, Mimesis n’est pas près de l’oublier !

Après David Gerdolle, place à la présentation de Raphaël Boudas et à celle de Benoît Courson pour l’accréditation – la fibre de l’académie dans les présentations est bien présente. Les candidats suscitent toujours l’admiration en s’exposant au public. L’esprit Mimesis opère, il dissèque l’analyse et provoque le débat.
À la brasserie Les deux garçons, sur le cours Mirabeau, on boit des verres au bar, on se retrouve, on se raconte. L’Académie du sourire aime ces moments, en profite pour faire son bilan de l’année et organiser son prochain voyage « à la rencontre de ». La musique monte le son, les sourires virent aux rires, on peut danser maintenant.
Luc Bertrand

Retrouvez dans le prochain numéro le compte rendu de la deuxième journée du congrès Mimesis.


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