Regard sur…

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  • Publié le . Paru dans L'Orthodontiste n°1 - 15 février 2015
Information dentaire
Dans cette rubrique, nous avons toujours donné la parole aux internes (interviews, articles…).
Cette année, est sortie la première promotion d’internes nouvelle génération (c’est-à-dire en temps plein 3 ans).
Aujourd’hui, nous souhaitons donner la parole aux enseignants pour faire le bilan de cette première promotion.
Nous avons proposé au Docteur Claude Chabre, ancien MCU-PH à Paris VII, ancien président du collège des enseignants qui s’est beaucoup investi dans l’internat de s’exprimer sur ce sujet.

la première promotion de l’internat en ODF

Quelles sont pour vous les qualités d’un bon orthodontiste ?
Mais qu’est-ce qu’un « bon » orthodontiste ? On peut penser que c’est un praticien qui sait répondre aux souhaits exprimés par son patient, souhaits le plus souvent d’ordre esthétique, dans le respect ou l’acquisition de fonctions optimales ; la finalité étant le bien-être de ce dernier.
Pour y parvenir, des connaissances étendues et une solide formation sont nécessaires, mais également certaines qualités que l’on peut regrouper en :
– qualités manuelles : habileté, précision, dextérité, application, minutie, – qualités intellectuelles : réflexion, esprit d’analyse et de synthèse, recherche de l’efficience,
– qualités humaines : sagesse, prudence, respect, honnêteté, goût des contacts humains, empathie…
Le besoin de se perfectionner, l’enthousiasme et le plaisir trouvés dans son travail peuvent compléter le tableau du « bon orthodontiste ».

Comment voyez-vous l’orthodontiste de demain ?

L’orthodontie semble s’orienter vers deux voies, une orthodontie à visée surtout esthétique concernant essentiellement l’alignement dentaire et une orthodontie plus « médicale » s’intéressant aux dysmorphoses sévères, mais aussi aux SAOS, agénésies multiples, grands syndromes, troubles fonctionnels… L’orthodontiste devra pouvoir prendre en charge l’ensemble de ces demandes ce qui nécessitera qu’il soit particulièrement bien formé d’où l’intérêt d’une formation performante.
Il est tout à fait évident que la technologie prendra une part de plus en plus importante tant en ce qui concerne le diagnostic que la thérapeutique.
D’autre part, avec le développement de nos connaissances dans le domaine de la génétique, mais aussi des troubles fonctionnels, présidant au développement des anomalies dentaires et faciales, nos traitements prendront une orientation certainement différente privilégiant les interventions précoces et s’attachant plutôt aux causes qu’aux conséquences. Enfin, compte tenu de l’évolution du coût des prestations sociales, nous pouvons penser qu’à plus ou moins brève échéance, nous assisterons à la mise en place d’aménagements au niveau des prises en charge financières des traitements orthodontiques, avec des remboursements minorés pour les malocclusions les plus « bénignes » et maintenus, voire majorés pour les plus sévères, réellement « handicapantes ».

Quelles sont les spécificités de l’internat par rapport au cecsmo ?
La première spécificité est, me semble-t-il, le mode de recrutement, l’internat est accessible aux étudiants de D3 et de T1 après concours dans le cadre d’un troisième cycle long des études odontologiques. C’est en fonction du rang de classement au concours national d’internat en odontologie que se fait le choix de la spécialité (l’ODF est la première spécialité choisie !) puis le choix du lieu d’affectation.
La seconde spécificité est la durée, trois ans temps plein, et les modalités de formation, l’interne est à la fois étudiant en formation et hospitalier à plein-temps avec statut et rémunération. Les obligations de service des internes sont fixées à onze demi-journées par semaine, comprenant deux demi-journées universitaires et neuf demi-journées hospitalières. L’activité hospitalière s’effectue dans les services agréés par les Agences Régionales de Santé (ARS) comme lieu de stage. Essentiellement composée de cliniques orthodontiques (minimum 6 demi-journées par semaine) l’activité hospitalière de l’interne comprend également des vacations en chirurgie orale, chirurgie maxillo-faciale, pédodontie, occlusodontie… et une participation aux urgences odontologiques. Des stages en pratique privée auprès d’un praticien agréé maître de stage par les ARS pourraient également être envisagés.
De 2 300 heures de formation pour le cecsmo nous passons à 7600 heures pour l’internat ce qui assurera à l’interne une formation optimale embrassant tous les domaines de l’ODF.

Pourquoi ne pas avoir conservé le cecsmo ?
En 2011, après une longue période de réflexion, l’internat généraliste créé en 1995 est remplacé par un internat qualifiant, avec la création de 2 nouvelles spécialités : chirurgie orale et médecine bucco-dentaire. Une harmonisation des formations de ces deux nouvelles filières avec la spécialité déjà existante d’orthopédie dento-faciale était indispensable. Aussi l’accès à notre spécialité, comme l’accès aux 2 autres filières, devait obligatoirement passer par l’internat qualifiant en odontologie. Étant donné qu’il n’était pas envisageable d’avoir deux formations différentes menant à une même qualification, le cecsmo devait disparaître !
De plus, ceci permettait de mettre fin à une formation qui se faisait dans des services hospitaliers, mais sans aucun statut hospitalier, argument très fort, avancé par le ministère de la Santé, pour mettre fin au cecsmo.
Enfin, cela offrait la possibilité aussi d’en finir avec un mode de sélection mal perçu, très controversé et non homogène sur l’ensemble du territoire qui laissait place à certaines « inégalités ».

Qu’est-ce qui différencie l’ancienne formule de l’internat de la nouvelle ?

L’ancienne formule de l’internat était non spécialisante, la nouvelle conduit à trois spécialités : chirurgie orale, médecine bucco-dentaire et orthopédie dento-faciale. L’orthopédie dento-faciale ne pouvait pas ne pas adopter cette nouvelle voie d’accès à la spécialité.

Qu’est-ce qui a changé depuis l’internat dans le recrutement, la formation clinique et la formation scientifique des futurs orthodontistes ?
Le recrutement est devenu national avec un examen unique pour l’ensemble des candidats. Par la possibilité donnée aux étudiants de choisir leur affectation, une certaine émulation entre les différents UFR apparaît, ce qui me semble sain et ne peut qu’aboutir à une élévation du niveau de formation de la discipline.
La formation clinique est considérablement augmentée, elle est multipliée par 3 ou 4 en termes de vacations par semaine. La majorité de ce temps, en moyenne 5 ou 6 demi-journées, est consacrée aux cliniques ODF auxquelles s’ajoutent, selon les services, 2 demi-journées en urgence, pédodontie, chirurgie orale, maxillo-faciale, occlusodontie…
Quant à la formation scientifique, même si cela est variable selon les UFR, les cours magistraux sont plus rares et le travail personnel de l’interne s’est trouvé très largement majoré : recherches bibliographiques, exposés thématiques, présentations de cas cliniques hebdomadaires avec discussion des options thérapeutiques.
L’interne est un étudiant auquel il est demandé un travail personnel important et la recherche bibliographique est une démarche qu’il doit parfaitement maîtriser, notamment au travers de l’utilisation de PubMed et de la Cochrane. Une incitation à la « lecture critique d’article » est également recherchée afin de développer son « sens critique ».
Par ailleurs, l’intégration des internes dans des équipes de recherche nous semble souhaitable pour sensibiliser ces derniers à la recherche fondamentale ou clinique, domaine particulièrement « sous-développé » de notre discipline.

Le cursus internat est-il aujourd’hui superposable à ce qui existe en médecine et en pharmacie ?
Il s’en rapproche du fait de son intégration hospitalière, mais par sa durée, 3 ans, il se différencie encore de la médecine où l’internat de spécialité est de 4 ans (3 ans médecine générale et 6 ans pour les spécialités chirurgicales) de même que de l’internat de pharmacie lui aussi de 4 ans.

Trois ans au lieu de quatre, est-ce un problème ?
Trois ans à temps plein contre quatre ans à temps partiel, avec un nombre de vacations cliniques multiplié par 3, voire 4, cela semble indiscutablement un plus quant à la formation des spécialistes. La durée d’un traitement étant de 24 à 30 mois, l’étudiant a la possibilité de mener de bout en bout un certain nombre de traitements dans leur intégralité. Une année supplémentaire aurait cependant permis de compléter la formation générale des internes qui sortent de 5e année, de renforcer des notions de base nécessaires à l’orthodontie et de placer notre internat au niveau de médecine et pharmacie en ce qui concerne la durée (4 ans).

Pensez-vous que le profil des étudiants en orthodontie a changé depuis l’internat ?

Oui ! Indéniablement le temps plein apporte une implication beaucoup plus importante des étudiants et les plonge totalement dans leur formation de spécialistes. Leur investissement dans le service est total et de nombreux liens se tissent avec les internes des autres spécialités médicales ou odontologiques.

Quelles améliorations dans le cursus d’interne sont nécessaires à l’avenir selon vous ?

Parmi les améliorations possibles, nous pourrions en fin de cursus organiser d’une part des stages chez les praticiens de ville, pour placer les étudiants dans la réalité du cabinet de ville et, d’autre part, des stages dans des laboratoires de recherche pour aiguiser un peu leur curiosité et leur montrer la richesse en matière de recherche odontologique.
Selon l’orientation future de l’interne, ceci pourrait être modulé avec un peu plus de stages cliniques en cabinet de ville pour ceux qui s’orienteraient vers un exercice libéral et plus de stages en laboratoire et de recherche clinique pour ceux qui choisiraient une carrière hospitalo-universitaire.

Pensez-vous que l’internat peut résoudre le problème de la pénurie d’enseignants ?

Certains dans les ministères et ailleurs le croient ! Pour ma part, je ne pense pas que cela se fera « automatiquement ». Pour attirer nos étudiants vers l’enseignement il faut rendre cette voie attractive ! Ceci passe par une amélioration très conséquente des conditions de travail à l’hôpital et une large réflexion sur les carrières universitaires et la valorisation du statut de chercheur, avenir de notre spécialité. Être inventif et attractif, il y a urgence !

Peut-on espérer augmenter le nombre d’internes ?
Sans doute pas ! Pour des raisons financières, mais aussi, car les deux autres filières et notamment celle de MBD sont très « demandeuses » de postes d’internes, soutenues en cela par les chefs de service à la recherche d’internes « généralistes » pour leur service. Les Agences Régionales de Santé, en tout cas en Ile-de-France, encouragent cette demande des chefs de service.

Pour conclure, quel est votre bilan de cette première promotion d’internes ?
Très positif ! Au regard du niveau de formation, de l’implication des internes dans leur travail et de la qualité des traitements réalisés dont certains complexes, du travail fourni lors des séminaires, de la qualité et du niveau des thèses et des mémoires de fin de DES. La formation par l’internat est sans aucun doute d’un très bon niveau.
En impliquant totalement les internes dans leur formation, l’internat a permis de créer un état d’esprit de travail et d’intérêt chez les étudiants. La séance « la parole aux internes » que nous avons organisée lors des dernières Journées de L’Orthodontie a permis de montrer aux auditeurs présents la très grande qualité et le haut niveau du travail des internes. L’internat a apporté sans aucune contestation possible un nouvel élan à notre belle spécialité. Cet enthousiasme ne signifie en rien que tout est parfait et qu’aucun aménagement n’est à envisager tout est perfectible, mais nous sommes sur la bonne voie.
Je suis très fier de nos internes et très heureux d’avoir vécu et participé au début de cette belle aventure.

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