Les scanners intra-oraux qui réalisent des empreintes optiques ont considérablement évolué ces dernières années. Cette évolution concerne à la fois l’étendue de l’offre, les performances intrinsèques et les applications de ces caméras qui commencent à se généraliser dans les cabinets dentaires. Les auteurs de cet article ont analysé 132 études publiées sur ce sujet de janvier 2007 à juillet 2017 pour nous en proposer une revue de littérature narrative. Ce type de revue inclut les articles jugés pertinents pour répondre à une série de questions sans chercher à faire une analyse quantitative par une méthodologie systématique.
Concernant la comparaison des empreintes optiques et conventionnelles, plusieurs avantages sont mis au crédit des empreintes optiques qui sont moins stressantes et plus confortables pour les patients. Autres avantages, elles permettent un gain de temps clinique dont les procédures sont simplifiées, en particulier pour les cas les plus complexes. De plus, elles éliminent les modèles en plâtre, d’où un gain de temps et d’espace, et optimisent la communication avec le laboratoire, mais aussi avec le patient. Cependant, ces avantages ne peuvent être atteints qu’après une courbe d’apprentissage qui peut être assez longue selon les praticiens. La principale limite technique par rapport à l’empreinte conventionnelle tient au fait que la lumière émise par la caméra ne peut pas repousser les tissus marginaux, les fluides ou le sang comme peut le faire le matériau employé pour une empreinte surfacique. Toutefois, avec un parodonte sain et une technique de déflexion qui permet une visualisation de la ligne de finition intra-sulculaire, son enregistrement est possible en empreinte optique. Le dernier désavantage notifié concerne le coût de l’investissement pour une caméra de scannage qui reste important.
Concernant la précision des empreintes réalisées, les empreintes optiques sont au moins aussi précises que les empreintes conventionnelles pour les restaurations unitaires ou plurales jusqu’à 4 éléments sur dents naturelles ou sur implants. Cependant, elles manquent encore de fidélité pour les restaurations de grande étendue.
Concernant le comparatif des caméras disponibles sur le marché, les auteurs soulignent des différences de précision, de vitesse d’acquisition, de taille de capteur, mais surtout des applications plus nombreuses pour les modèles les plus récents et les plus aboutis qui ont aussi l’avantage de produire des images en couleur sans poudrage préalable des surfaces à scanner. Les auteurs pointent aussi l’importance du système de compatibilité des fichiers générés. Ainsi, les systèmes dits ouverts seront compatibles avec la plupart des logiciels de conception ouverts de marques différentes ainsi qu’avec la plupart des machines-outils. Les systèmes ouverts sont recommandés si la conception et l’usinage sont externalisés chez le prothésiste (CFAO semi-directe), mais ils demandent parfois une bonne maîtrise de l’informatique pour obtenir les bonnes correspondances. À l’inverse, les systèmes dits propriétaires qui associent une caméra, une suite de logiciels et une machine-outil génèrent des fichiers codés qui ne peuvent être exploités que dans cette configuration de matériel d’une même marque. Ils sont plus restrictifs mais souvent plus faciles d’utilisation que les systèmes ouverts.
Questions à… Michel Fages
M. F. : D’abord technologique, avec une rapidité accrue dans l’acquisition des images, une ergonomie améliorée (le sans-fil existe déjà) et bien sûr la possibilité de réaliser des empreintes de grandes étendues précises, notamment pour les zones édentées. La « courbe d’apprentissage » va s’en trouver considérablement réduite. L’empreinte optique sera bientôt totalement banalisée, comme l’a été la radiologie numérique.
Ensuite, et c’est certainement le plus important, son emploi ne sera pas limité à l’envoi des fichiers numériques au prothésiste ou à la réalisation de restaurations unitaires sur site. Ce sera véritablement le premier maillon d’une chaîne qui verra la « numérisation du patient », en combinant différents fichiers comme les photos du visage et les radiographies 3D, mais aussi les enregistrements des mouvements mandibulaires. On risque d’assister également à un « déplacement de compétences » du laboratoire de prothèse vers le cabinet dentaire, avec le développement des usineuses de cabinet et des imprimantes 3D. C’est un vaste sujet. La gestion de nos plans de traitement s’en trouvera totalement bouleversée… pour notre plus grand bénéfice et celui de nos patients.
M. F. : Principalement un déficit de formation ; nos confrères n’arrivent pas toujours à appréhender tous les bénéfices qu’ils pourraient tirer des scanners intra-oraux. Ils le réduisent souvent à un « porte-empreinte numérique ». Faire de l’empreinte optique uniquement pour l’envoyer à son laboratoire ? On peut en effet se poser des questions sur la pertinence d’une telle démarche. Ils sont aussi un peu effrayés par la fameuse « courbe d’apprentissage », la diversité des propositions du marché et les prix… Ces incertitudes, ce « flou », freinent l’omnipraticien, ce qui n’est pas le cas de l’orthodontiste qui a parfaitement ciblé l’intérêt de l’empreinte optique.
M. F. : Une partie de la réponse découle de la précédente question. S’informer et se former. Par la lecture d’articles indépendants, la participation à des formations continues ou à des Diplômes Universitaires de CFAO, il y en a actuellement un Toulouse et un à Montpellier. Ne pas hésiter à prendre un maximum de renseignements auprès de confrères déjà équipés. Ne pas hésiter non plus à demander aux industriels ou aux distributeurs de se déplacer avec le matériel au cabinet pour des tests sur patients, ils l’acceptent généralement volontiers.
Mais par-dessus tout, savoir si l’exploitation du scanner intra-oral est en adéquation avec l’orientation que l’on veut donner à son exercice. Numériser sa pratique peut être une véritable révolution copernicienne, tant dans la nature des traitements que l’on pourra proposer, que dans l’organisation même du cabinet.
M. F. : Cette place est de plus en plus croissante, voire exponentielle, que ce soit dans les cours, les travaux pratiques ou dans les centres de soins. Mais son intégration dans nos UFR demande un investissement très lourd. Toutes nos facultés ont fait des efforts en ce sens, et nul doute que nos jeunes confrères seront correctement formés à ces nouvelles pratiques. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que la CFAO n’est pas une discipline en soi. C’est juste un moyen, un arsenal thérapeutique numérique et robotique d’un genre nouveau, qui ouvre des horizons pour une autre approche de notre exercice, et cette évolution, beaucoup plus dans la forme que dans le fond, ne remet pas en cause (pour l’instant ?) l’enseignement fondamental de l’Odontologie.
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