Deviens-tu un peu moins menteuse, toi qui grandis, Minet-Chéri ? » Il n’y a qu’une mère qui « voyait à travers les murs » pour poser à sa fille aimée une question aussi pénétrante ! « Tout ce qu’une adolescente porte en elle de dissimulation perverse ou délicate chancela brusquement », se souvient, devenue Colette, la Sidonie Gabrielle démasquée à quinze ans. Mais fera-t-elle autre chose, au long de sa vie de femme et d’écrivain, que passer d’un masque à l’autre, à travers l’éventail de ses identités plurielles, jeu de cache-cache dont le réel est la proie derrière l’ombre du fictif ? Malicieuse, Colette atteint bien avant le « mentir vrai » d’Aragon une justesse confondante en mêlant intimement libre recréation littéraire et vérisme de la chose vue, vécue. Enveloppant le tout des sortilèges d’une langue où le bien dit l’emporte encore sur le bien vu, elle fait passer le juste pour le vrai aux yeux du lecteur qui les ferme d’autant mieux sur ses mystifications que l’enjôleuse sait, à tout âge, le rendre complice de sa « dissimulation perverse ou délicate ». C’est pourquoi on lit encore ses romans – privilège très rare dans sa génération –, aussi étonné de sa modernité de pionnière de l’autofiction que de l’actualité de ses thèmes qui résonnent si fort avec nos interrogations sur le genre, la définition du couple, la notion centrale de consentement. Mais le roman de sa vie, à tous égards hors-norme, restait à écrire dans toute la diversité de ses facettes : autrice, actrice, journaliste, créatrice d’une enseigne de beauté, amoureuse dite immorale qui sut s’imposer en moraliste respectée. C’est ce roman que recompose, chapitre par chapitre et sur la base des plus authentiques documents personnels, la riche exposition que lui consacre la Bibliothèque nationale de France.
Secrets de fabrication
Comment et pourquoi celle qui assure n’avoir…