Les coups de cœur de Michel Bartala

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°40 - 18 novembre 2020 (page 95-98)
Information dentaire
L’année qui se termine est – vous ne me contredirez pas je pense – très singulière. Malgré (ou grâce à) cela, elle a vu émerger des moments, des articles ou des actions fortes et positives qui m’ont personnellement marqué.

L’unité de notre profession

Le 16 mars 2020 restera une date particulière dans nos exercices professionnels. La fermeture de nos cabinets, l’annulation de tous nos rendez-vous, la gestion de nos patients, des urgences et l’incertitude quant à la date de la reprise. Au fil des jours, le confinement s’est installé avec diverses appréciations de ce moment hors du temps : de l’angoisse et de la peur pour certains, une pause synonyme de sérénité et de tranquillité pour d’autres.

Mais l’arrêt de notre activité ne voulait pas dire la fin des urgences dentaires pour nos patients. Le Conseil de l’Ordre, à tous les niveaux, du national au départemental, les syndicats et différents organismes de notre profession ont fait alors cause commune de la gestion des problèmes inhérents à la fermeture des cabinets. Dans cette gestion, ils ont organisé de façon très efficace et rapide la prise en charge des patients. Certains trouveront toujours que cela n’a pas été assez ceci ou trop cela. Dans les situations de crise, on ne peut pas faire l’économie des bonnes intentions transformées en actions. Personnellement, je suis fier de notre profession et je remercie sincèrement tous les acteurs qui ont pris en charge ce lourd et complexe dossier. L’implication bénévole de ces consœurs et confrères s’est même poursuivie par la suite dans certains départements pour nous aider à retrouver des équipements de protection individuels dans une période où acheter une boîte de masque était un enfer.

Alors oui, un immense merci à vous tous, consœurs et confrères de tous organismes professionnels, d’avoir travaillé pour nous tous.

La force de l’image : dentistes à poil

L’une de nos consœurs a eu la fabuleuse idée de mettre en image la situation telle que nous la percevions et allions la vivre en raison du manque d’équipements de protection individuelle (EPI) au moment de la sortie du confinement et de la réouverture de nos cabinets. Cet élan de nudité (https://youtu.be/ETD1r1PYgPM), suivi par de nombreuses consœurs et confrères, a eu un retentissement national puis international. Cette consœur a su utiliser les canaux de communication actuels fondés essentiellement sur l’image.

Cette action, qui a enfin ouvert totalement les yeux des médias sur la situation des chirurgiens-dentistes, est fabuleuse et terrible à la fois. Fabuleuse car le génie créatif de cette consœur a eu l’impact escompté, à savoir la prise de conscience des pouvoirs politiques de notre situation. Terrible car cette action « façon publicité » a peut-être provoqué plus d’effet que les échanges directs entre nos instances et les pouvoirs publics. Le pouvoir semble ainsi donner plus d’importance à la diffusion du problème sur la place publique qu’à la rencontre avec les représentants d’une profession. Un petit air de déjà-vu ! Mais reconnaissons quand même que, par la suite, les aides apportées par nos dirigeants, tant financières qu’en fourniture de masques, avec semble-t-il plus ou moins d’efficacité selon les villes, ont été les bienvenues !

L’essor de la visioconférence

Depuis la période de confinement, la distanciation étant devenue la règle, beaucoup de formations se sont déroulées sous forme de visioconférence. J’entends par visioconférence, une conférence ou une réunion organisée dans un créneau horaire précis. Par ce moyen, des praticiens ont pu partager leurs expériences, leurs compétences cliniques avec des consœurs et confrères et, très souvent, de façon totalement bénévole. Certes, la formation à distance n’est pas une nouveauté et on a vu se développer ces dernières années de plus en plus de sites offrant des formations à distance consultables selon les disponibilités de chacun. Les visioconférences comme je les ai définies ont permis, durant cette période d’éloignement professionnel, de garder un contact avec un orateur, de lui poser des questions, de se former tout en restant chez soi. Ces formations à distance ne sont pas à opposer aux classiques conférences ou échanges confraternels en présentiel. Ce sont des outils complémentaires.

Oui, complémentaires, car je ne pense pas que la conférence présentielle soit amenée à disparaître et, surtout, cela n’est pas souhaitable ! Ainsi, il semble prouvé que l’enseignement présentiel ne donne pas le même « effet » de transmission que le distanciel. Un très bel article dans la revue Cerveau et psycho d’octobre 2020 montre que le relationnel établi entre l’orateur et les auditeurs influence positivement l’apprentissage et l’acquisition des connaissances. Évidemment avec un orateur attentif à son auditoire et ouvert aux échanges. La perception du langage corporel de l’orateur et les réactions de l’auditoire sont alors essentielles dans le transfert du message, des connaissances.

Ces visioconférences se sont aussi développées dans le cadre de « simples » réunions, avec les interventions non prévues et amusantes des enfants des uns ou des autres, et le choix exaspérant de certains participants de ne pas activer leur caméra, laissant un écran noir les représenter. Juste expression de leur intérêt certainement pour cette réunion…

Donc, merci à cette période qui m’a fait apprécier l’enseignement depuis mon canapé ou la réunion depuis la maison. Mais l’humain m’a manqué…

Préservation maximale : intérêt de la bibliographie

Pour ce dernier coup de cœur, revenons à la clinique…

L’objectif principal de notre métier est de conserver l’état de santé bucco-dentaire de nos patients. J’aimerais que le terme de médecine bucco-dentaire devienne une évidence, car il marque l’évolution de notre profession et son implication, via la santé bucco-dentaire, dans la santé générale. L’évolution des principes thérapeutiques donne la priorité à la conservation : conservation des tissus dentaires, conservation de l’organe dentino-pulpaire, conservation en fait des dents. Cette tendance, qui a débuté voici quelques années, prend de plus en plus d’importance dans nos thérapeutiques, pour le plus grand bonheur de nos patients. Ainsi, durant l’ADF 2016, lors d’une séance appelée « 18 minutes pour convaincre » (https://youtu.be/jNTXz7iyze4), David Nisand, actuel président de la Société Française de Parodontologie et d’Implantologie Orale (SFPIO), a expliqué l’intérêt de garder les dents et l’importance des traitements parodontaux. En 2018, dans un article, Pjetursson et Heimisdottir [1] posent eux aussi une question essentielle : les implants sont-ils mieux que les dents ? L’implantologie est une thérapeutique fantastique, qui apporte un confort incomparable à nos patients édentés, mais elle doit répondre à des indications précises et des conceptions réfléchies. De plus, l’évolution des connaissances nécessite aujourd’hui d’informer nos patients des risques possibles des traitements implantaires tant d’un point de vue biologique que prothétique. Ainsi, en 2020, Karlsson K et al. [2], dans une étude rétrospective sur près de 600 patients, montrent un pourcentage de problèmes biologiques et/ou prothétiques avoisinant les 42 % au bout de 9 ans. Quand cela est possible, préservons les dents.

Cette conservation doit se penser dès le traitement de la lésion carieuse et quand cette lésion s’est étendue, tout doit être fait pour chercher à conserver la vitalité pulpaire. Ainsi, Bjørndal L et al. [3], en 2019, exposent clairement les différentes situations et les thérapeutiques conservatrices à appliquer dans des situations de caries profondes. Le traitement endodontique ne doit pas être un objectif prioritaire même dans ces situations carieuses avancées.

Enfin, un peu d’autosatisfaction : un récent numéro spécial de L’Information Dentaire rédigé par la Bioteam Paris et coordonné par Mathilde Jalladaud et Gil Tirlet, ainsi que le numéro de Réalités Cliniques de septembre 2020, coordonnée par Romain Chéron, sont des sources d’information exceptionnelles concernant la mise en application de la dentisterie a minima, conservatrice pour que les concepts thérapeutiques changent totalement et limitent au maximum les indications des préparations périphériques.

Cette réflexion thérapeutique du quotidien ne peut se construire que par une formation régulière stimulée par de la lecture et de la formation continue.

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