Stratégie Prothétique n°5 - 15 décembre 2025

L’intelligence artificielle au cœur de la révolution prothétique

Depuis quelques années, l’intelligence artificielle (IA) s’impose dans tous les champs de la santé. L’odontologie n’y échappe pas et la prothèse dentaire, plus encore, en devient un terrain privilégié d’expérimentation et d’innovation. La modélisation numérique, la conception assistée par ordinateur, la planification implantaire et la fabrication additive sont désormais familières ; l’IA vient aujourd’hui en amplifier la puissance, en automatisant certaines étapes, en affinant les prédictions et en optimisant la précision des résultats cliniques.

Au laboratoire, les algorithmes de reconnaissance de formes permettent d’analyser des empreintes numériques, de déterminer une limite cervicale, de proposer automatiquement des morphologies occlusales ou de corriger des modèles 3D avec une précision inédite. Les logiciels apprenants ajustent progressivement leurs propositions à la pratique du prothésiste, ouvrant la voie à une production plus rapide, mais aussi plus standardisée et plus dépendante des données d’apprentissage qui la nourrissent.

Au cabinet, les outils d’aide au diagnostic radiographique ou à la planification implantaire assistée par IA promettent de réduire les erreurs et de mieux anticiper les contraintes anatomiques. L’IA ne remplace pas l’œil du praticien, mais le complète, le stimule, parfois même le questionne.

Ces avancées, enthousiasmantes, ne sont pas dénuées de risques. Celui d’une perte de compétence manuelle, d’un appauvrissement du raisonnement clinique ou d’une dépendance excessive à des systèmes opaques. La question de la responsabilité médico-légale demeure entière : qui répondra d’une erreur issue d’une suggestion algorithmique ? Le professionnel doit rester au centre du processus décisionnel, garant de la qualité, de l’éthique et du sens clinique.

Faut-il alors changer nos habitudes ? Sans doute. L’intégration de l’IA dans les flux numériques suppose une nouvelle organisation du travail, une communication renforcée entre cabinet et laboratoire, et une formation adaptée. Introduire ces technologies dans le cursus universitaire, familiariser les étudiants avec les principes, les limites et les biais de l’IA est devenu une nécessité. Il ne s’agit pas d’enseigner la programmation, mais la compréhension critique des outils numériques qui façonnent notre métier.

Ignorer l’IA serait illusoire ; la subir, dangereux ; la maîtriser, essentiel.

Comme jadis l’arrivée de la CFAO, l’intelligence artificielle ne signe pas la fin de la prothèse artisanale, mais le début d’une ère où la compétence humaine se conjugue à la puissance computationnelle. La véritable révolution ne sera pas technologique, mais culturelle : celle de la coopération entre l’homme et la machine, au service du patient et de l’excellence prothétique.

Maxime Helfer, Rédacteur en chef