40 ans d’implantologie depuis la commercialisation des premiers implants vis en titane

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°44 - 15 décembre 2021
Information dentaire
À l’occasion de l’ADF, la société Global D a réuni une centaine de participants autour de quatre praticiens de générations et d’horizons différents, venus partager leur vécu, leur expérience et leur regard sur l’évolution de l’implantologie ces quarante dernières années.

Bernard Chapotat, ancien assistant à la faculté de Lyon, actuellement enseignant pour le centre de formation de Global D, a rappelé les prémisses de l’implantologie d’avant la révolution Brånemark et les bouleversements apportés en dentisterie par la notion d’ostéointégration : « Les premiers implants aiguilles, lames, avaient mauvaise réputation, à juste titre. Aujourd’hui, on parle d’implants courts… On a compris qu’il fallait de l’os autour d’un implant (…). Les techniques de distraction osseuse nous ont beaucoup apporté. » Poursuivant cette plongée dans le passé, Carole Leconte, dynamique conférencière, s’est remémorée ses débuts, à l’époque « où chacun pensait que la première cause de péri-implantite était la surcompression de l’os, où l’approche globale de l’implantologie était purement mécanique ».

C’est grâce au bénéfice de l’expérience clinique de leurs aînés, à leurs tâtonnements et à leurs progrès, que Benjamin Fitouchi et Franck Bezu, tous deux internes à Lyon, peuvent aujourd’hui appréhender les grandes évolutions de la pratique implantaire, pour en proposer une vision novatrice, mais sans se départir d’une certaine circonspection. Car si « la question de l’ostéointégration est réglée [pour eux], se pose celle de la pérennité des implants dans les trente prochaines années ». Or l’incidence des mucosites et des péri-implantites est telle qu’elle doit inciter à l’humilité et à communiquer clairement auprès des patients que « l’implant à vie est un mythe ».

L’avenir

Après l’historique, les chiffres : l’implant endo-osseux est un moyen thérapeutique remarquable qui bénéficie d’un taux de succès de 95 %. Le nombre d’implants posés relève d’une progression à 2 chiffres et l’Europe en est particulièrement friande. On y pose en effet bien plus d’implants qu’ailleurs, même si tous les pays européens ne sont pas égaux et que la marge de progression est bien réelle. Ainsi, en France, 4 personnes sur 10 présentent encore au moins une dent non remplacée en bouche…

Les intervenants se sont appuyés sur les résultats d’une récente grande enquête d’opinion diligentée par l’European Association of Osseointegration (EAO) auprès d’un échantillon de praticiens pour envisager l’évolution des pratiques en implantologie à l’horizon 2030. Les résultats de l’étude témoignent d’une évolution des paradigmes issus des retours d’expérience (ce qui fonctionne ou pas), mais également de la manière dont les utilisateurs appréhendent les améliorations technologiques (les outils numériques par exemple). Et c’est à la faveur d’une discussion à bâtons rompus entre les intervenants que les grands thèmes d’orientation des pratiques en implantologie ont été abordés.

Il apparaît en premier lieu qu’elle se dégage peu à peu de la pratique exclusive : de nombreux praticiens estiment que le processus de « démocratisation » entamé est appelé à se poursuivre, avec toujours plus d’omnipraticiens posant toujours plus d’implants. Une évolution qui doit aller de pair avec la formation. « En 2030, les praticiens évalueront mieux les situations dans lesquelles la greffe est indispensable et celles où l’on peut s’en passer », estime Carole Leconte. En d’autres termes, comment simplifier les protocoles sans compromettre la prévisibilité du résultat. Et comment ne pas aller trop loin. Car la notion de gradient thérapeutique s’applique aussi en implantologie. Il convient dès lors de s’interroger sur les moyens employés pour traiter l’édentement complet : le bridge implanto-porté transvissé est-il toujours pertinent ?

Une fois la décision prise et les implants posés vient le temps de la maintenance, sujet ô combien important et longuement débattu par les intervenants. « Avant, les personnes que nous avions implantées disparaissaient pendant des années. Quand elles revenaient, c’était parfois la catastrophe… La croissance exponentielle des péri-implantites nous oblige à mettre en place une vraie maintenance, qu’il faut apprendre à faire payer au patient », a plaidé Bernard Chapotat. En effet, il faut désormais tenir compte de la nécessité, après quelques années, de reprendre tout ou partie des prothèses supra-implantaires. De manière un peu provocatrice, « il faut dire aux patients que s’ils n’ont pas su garder leurs dents, comment allons-nous faire en sorte qu’ils gardent leurs implants le plus longtemps possible ? ».

Justement, comment conserver ces implants ? « Conserver les implants, c’est conserver le volume osseux autour et, pour cela, diminuer le diamètre des implants » : une observation qui a rassemblé tous les intervenants. C’est aussi, en quelque sorte, adapter la biomécanique au patient, c’est réduire les manipulations (dévissages, revissages), investir dans la maintenance, et donc investir pour plus de pérennité.

Inévitablement intervient ensuite dans le débat la notion du design implantaire : bone ou tissue level ? Nombreux pensent que les deux sont appelés à coexister, mais que se pose alors la problématique… de la pose. L’implant bone level est considéré (peut-être à tort) comme « tous terrains », plus simple, alors que l’implant tissue level a des exigences biologiques différentes. Et quid de la longueur ? D’aucuns estiment qu’il convient de privilégier des implants courts (le TwinKon de Global D étant mis en avant pour ses résultats très intéressants). « ça fonctionne tellement bien, pourquoi ne plus faire que ça ? » Mais la controverse n’est jamais loin : « Il y a une réflexion à avoir sur la longueur de nos implants, mais avant tout sur le vrai biais que constitue le ratio longueur implant/couronne clinique… La statistique ne tient pas toujours à l’expérience clinique. »

La discussion s’est alors étendue à l’avenir de la chirurgie guidée : dans toutes les interventions ? Seulement pour les cas complexes ? Aucune réponse tranchée n’a été donnée, mais des pistes de réflexion évoquées : « Faut-il développer la chirurgie full guidée ? La limite du flapless étant la détérioration de la gencive attachée… La voie alternative est peut-être une chirurgie moins précise mais plus simple, la chirurgie pilotée où un guide est placé sur un lambeau. » La jeune génération semble attachée à une chirurgie plus prédictible, plus confortable car moins stressante, donc mettant en œuvre les outils numériques actuels pour planifier la pose. Chirurgie signifie également greffe. Et en la matière, le débat est encore plus vif, car moins tranché ; les questionnements actuels et à venir interrogent sur le rapport au temps : « À quoi bon la régénération osseuse guidée pour gagner 3 mois ? » L’avenir semble s’orienter vers une simplification technique, avec une nécessité de repenser la parodontie en implantologie.
Le débat aurait pu se poursuivre des heures… et nul doute que ce fut le cas pour certains participants.

Au final, une discussion foisonnante et riche, qui a permis aux participants de constater qu’au terme de quarante années d’implantologie, il y a eu des victoires (gagner l’ostéointégration, restaurer l’édentement complet), de mauvaises surprises qui n’en sont pas vraiment (l’augmentation des péri-implantites), mais que l’évolution constante des technologies ainsi que le retour d’expérience accumulé laissent présager des perspectives pour l’avenir… celui des bouches de nos patients notamment.

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