Comme chaque année, les vacances d’été qui se profilent seront pour certains l’occasion pratiquer des sports en plein air et pourquoi pas en pleine nature, hors des chemins balisés. Depuis quelques années, le trail running (course en milieu naturel) connaît une popularité exponentielle soutenue par les exploits de ses leaders emblématiques parmi lesquels Kilian Jornet, Courtney Dauwalter, Marianne Hogan ou Mathieu Blanchard. Selon l’Observatoire du Running, la France compte 12,4 millions de pratiquants de la course à pied, soit 25 % de la population française. Parmi eux, près de 8 millions sont des coureurs réguliers, et une proportion significative s’adonne au trail. La saison estivale fait la part belle à cette discipline exigeante, car la plupart des chemins nature, en montagne notamment, deviennent accessibles. Toutefois, les caractéristiques, la durée de l’effort requis et les conditions météo souvent chaudes nécessitent, pour le sportif pratiquant, une alimentation incluant une réhydratation très régulière afin de compenser les dépenses énergétiques et les pertes en sels minéraux. Plus globalement, cela concerne tous les sportifs de haut niveau qui pratiquent des efforts constants tout au long de l’année, mais aussi désormais une proportion croissante de sportifs amateurs qui pratiquent la course à pied de manière intense et régulière. Se pose alors la question de l’effet des boissons énergétiques consommées régulièrement en quantité plus ou moins importante sur la santé générale et plus particulièrement sur les dents puisque ces boissons sont très majoritairement acides et sucrées. C’est précisément au potentiel érosif des boissons énergétiques destinées aux sportifs que se sont intéressés les auteurs de l’étude publiée début 2025 dans la revue Nutriments.
Cette revue systématique de littérature repose sur une recherche bibliographique réalisée en septembre 2022 dans six bases de données en suivant la méthode de recherche de référence PRISMA. Sur 1 466 articles initialement détectés, seulement 4 études publiées entre 1997 et 2021, mais représentant un nombre total de 567 athlètes, furent incluses. Dans l’analyse détaillée de leurs résultats, les auteurs notent des hétérogénéités au regard de la nature des boissons rapportées et des méthodes d’appréciation des niveaux d’érosion. La prévalence de l’érosion dentaire varie alors de 19,4 à 100 % avec des variations selon la situation des dents, les faces concernées ou encore la sévérité de l’atteinte limitée à l’émail ou atteignant la dentine. Dans l’analyse plus détaillée des résultats et la recherche de corrélations, les auteurs considèrent que l’association entre les érosions dentaires observées chez les sportifs et la consommation de boissons sportives, énergisantes et/ou isotoniques n’est pas claire. Ils n’ont pas trouvé, dans leur travail de revue systématique, de corrélation significative entre ces deux paramètres. Pour l’expliquer, ils mentionnent, dans leur discussion, l’exposition à des facteurs de protection comme le fluor et sa capacité à tamponner l’acidité de ces boissons ou encore l’activité salivaire dont le rôle protecteur est aussi bien connu. Ils rapportent également que si les boissons pour sportifs sont acides, elles ne le sont pas plus qu’une grande quantité d’autres boissons consommées régulièrement par la population générale telles que la majorité des boissons sans alcool, les sodas, les jus de fruits, les bières et les vins. D’autres facteurs externes peuvent aussi agir négativement sur l’érosion comme l’eau chlorée des piscines dans laquelle les nageurs passent énormément de temps. Au cœur de leur discussion, les auteurs insistent sur l’hétérogénéité des conditions d’études et de collecte des données qui ne leur a pas permis d’envisager une méta-analyse pour mieux mesurer la solidité d’une éventuelle corrélation.
Pour tirer des conclusions plus définitives sur l’impact érosif des boissons pour sportifs, des boissons énergisantes et des solutions isotoniques sur la santé bucco-dentaire des athlètes, des études prospectives contrôlées de plus grande envergure sont donc nécessaires. Elles devraient également prendre en compte les facteurs que sont la fréquence et la durée de consommation des boissons, l’interaction avec les habitudes d’hygiène bucco-dentaire et le type d’activité sportive pratiquée. Finalement, il ressort de cette étude que bien qu’aucune corrélation ne puisse être établie entre l’érosion dentaire et la consommation de boissons pour sportifs, cette dernière constitue un facteur de risque qui peut, et devrait même déjà être considéré par les professionnels de la santé bucco-dentaire. Les auteurs se positionnent alors en faveur d’évaluations de l’efficacité de mesures préventives telles que la modification de la composition des boissons ou l’utilisation de bains de bouche spécifiques qui seraient sans doute bénéfiques pour réduire le risque d’érosion dentaire chez les athlètes.
Commentaire
Cette étude présentée comme une revue systématique de littérature n’en remplit pas vraiment toutes les conditions. La méthode de détection et de sélection des articles répond bien au guide de référence PRISMA, mais une question précise n’est pas clairement posée comme objectif d’étude dans cet article. Plusieurs raisons expliquent cela. D’abord, malgré une sélection finale de seulement 4 études sur près de 1 500 articles détectés sur le sujet, des différences importantes dans leur méthodologie et leurs objectifs empêchent les auteurs de formuler une question précise commune à laquelle répondent les 4 articles. Ensuite parce que les résultats visant à évaluer une corrélation significative entre la consommation des boissons lors du sport et l’érosion dentaire ne parviennent pas à l’établir.
Dans le monde si compétitif des publications scientifiques, il est souvent plus difficile de faire publier une recherche qui ne parvient à montrer une corrélation entre deux paramètres, et cela encore plus lorsque l’on a de bonnes raisons de penser que cette corrélation existe. Pourtant, lorsque l’on considère un article scientifique, ses conclusions ne constituent pas son unique intérêt. La discussion, qui est la partie dans laquelle les auteurs comparent leurs résultats aux autres études et développent leur réflexion, est bien souvent la plus intéressante. Celle de cet article sensibilise le lecteur sur toutes les causes possibles de l’érosion liée à la pratique d’un sport. Elle évoque aussi différentes pistes de recherche pour améliorer les conclusions des futures études afin d’obtenir des données plus solides d’une part, mais elle évoque aussi différentes pistes pour mieux prévenir les effets potentiellement érosifs des boissons pour sportifs d’autre part, même si non prouvés.
Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de doute sur le fait que la pratique d’une activité sportive est globalement très positive pour la santé générale, tant physique que mentale. Elle est encore plus profitable quand elle permet de découvrir ou de profiter des milieux naturels, à l’écart des zones urbaines et des chemins balisés. Pour ce faire, il ne faut pas oublier, surtout en été, de bien s’hydrater, de compenser les dépenses énergétiques et les pertes en sels minéraux pour préserver sa bonne santé générale. Mais aussi de prêter la plus grande attention au milieu naturel sur lequel on évolue, ne pas piétiner la végétation, ne pas déranger les animaux qui y vivent, ne laisser aucun déchet derrière soi. Car la nature est vivante elle aussi ; son équilibre et sa santé sont aussi fragiles que les nôtres, veillons à les préserver.
Bel été à tous.
Commentaires