Bordeaux : vent en poupe !

  • Par
  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°16 - 24 avril 2019 (page 82-84)
Information dentaire
2019 sera un bon cru pour la capitale de la Nouvelle-Aquitaine, qui prend la promesse de sa région au pied du cep. Après la Cité du Vin, voici que s’inaugurent partout en ce printemps de nouveaux lieux culturels qui font honneur à sa vitalité créative. L’occasion est belle, à deux heures désormais de Paris, de lui rendre à très grande vitesse une visite riche de découvertes.

Cap au large

Miss Fanny peut sourire de toutes ses dents d’ivoire ; le Muséum dont elle est la mascotte fait peau neuve après dix ans de travaux, et sa mémoire d’éléphant ne la trompe pas : le bel Hôtel de Lisleferme attire comme jamais les visiteurs, depuis qu’il s’est agrandi de 500 m² et spectaculairement modernisé. Rouvert le 31 mars, le nouvel espace ne se borne pas à présenter les près de 4 000 spécimens collectionnés depuis la Révolution, même si leur valeur est devenue inestimable du fait de la disparition de nombreuses espèces.

La biodiversité et l’homme, menacés du même sort, sont au cœur du nouveau parcours thématique qui éclaire nos enjeux sociétaux et environnementaux. Stimulé par les dispositifs multimédias, les spectacles immersifs et les échanges avec les médiateurs, ce parcours parmi ses claires galeries n’a rien de morne. La scénographie profite de l’histoire maritime de Bordeaux pour suivre un fil conducteur simple mais logique et dynamique : le voyage de découverte, à l’origine des collections des premiers Cabinets d’Histoire Naturelle de la ville. Ce sont en effet les capitaines, les chirurgiens de marine, les apothicaires, naturalistes et missionnaires embarqués qui, de siècle en siècle, ont rapporté des spécimens du monde entier. L’évocation de ces voyages permet d’apprécier la richesse et la diversité de la faune par continent : l’Europe d’abord, puis l’Afrique et, de là, l’Amérique et les Antilles d’un côté, Madagascar, l’Océan Indien, l’Asie et l’Extrême-Orient de l’autre. On pousse ensuite, tout naturellement, vers les écosystèmes de l’Océanie, des confins de l’Arctique et de l’Antarctique, et jusqu’aux pôles où sévit le réchauffement climatique. Scientifiquement rigoureuse, cette sensibilisation reste accessible à tous les publics, notamment aux enfants – dont les moins de six ans ont en outre leur Musée des Tout-petits.

L’ancrage régional est aussi l’occasion d’aborder diverses questions touchant le littoral aquitain, « plus grande plage d’Europe » qui s’étend sur 270 km, de la pointe de Grave à la Bidassoa, à la croisée des eaux boréales et ibériques dans le Golfe de Gascogne. On fait mieux ici que surfer sur ses nombreux attraits : les paysages, les richesses faunistiques, les équilibres entre espaces naturels et urbanisés sont scrutés avec toute l’attention qu’exige leur préservation. Enfin, on ne négligera pas, dans l’espace « Mange-moi, si tu peux ! », les vitrines qui zooment sur les créatures qui possèdent des dents. On y rappelle que la dilacération dentaire et la mastication sont plutôt rares dans le monde animal (quelque 30 000 espèces sur 1,8 million décrites), la plupart se contentant d’avaler rondement leur proie. Nobody’s perfect.

Sur l’océan du savoir

Dans les bassins à flot de Bordeaux, un grand vaisseau se tient prêt à appareiller :
le Musée Mer Marine, voulu par Norbert Fradin et chargé d’une cargaison de merveilles. Sous son pavillon Mer, le MMM embrasse l’immense élément naturel qui couvre 70 % de notre planète ; sous son pavois Marine, il remonte l’histoire de la navigation de la Préhistoire à nos jours. Explorateurs, scientifiques, historiens, artistes, sportifs, aventuriers, pêcheurs, chacun a sa place à bord pour naviguer de conserve parmi les 6 500 m² de surfaces d’exposition de ce bâtiment qui en compte 13 000, entourés de jardins suspendus. Dans la cale et l’entrepont, le visiteur va pouvoir, dès cet été, s’embarquer vers les grandes découvertes et les expéditions d’étude (en essuyant quelques batailles navales) et circuler d’escale en escale dans un archipel de plus de 10 000 objets de marine (maquettes, bateaux grandeur nature, instruments de navigation, cartes, atlas…) et d’œuvres d’art recueillies sur plusieurs millénaires. Sur le pont supérieur, place à l’exploration océanographique, racontée depuis les temps géologiques jusqu’aux plus récents aperçus sur une vie des profondeurs sans cesse plus fascinante, et que des solutions permettent encore d’espérer sauver. Le MMM se veut aussi passerelle des expériences et des initiatives autour de la grande bleue, et prévoit des rencontres entre scientifiques, travailleurs de la mer et grand public. En prélude à son ouverture totale dans quelques semaines, il accueille en première mondiale la pêche miraculeuse de deux grands photographes de l’univers sous-marin.

Les dents de la mer soignées en beauté. Dans l’architecture d’Olivier Brochet, le MMM présente jusqu’à fin avril l’exposition « Sous les Mers – Au-delà de l’image » de National Geographic. L’Américain David Doubilet et le Canadien Paul Nicklen ont atteint pour nous les fonds inaccessibles et s’en font les ambassadeurs sensibles, à travers leurs reportages dont les images subliment l’harmonie du monde subaquatique. Opérant tout en empathie et créant une émotion troublante, elles nous rapprochent singulièrement de ces créatures que leur fragilité découverte donne envie de protéger, alors qu’on connaît leur capacité à déchirer à belles dents ce qui tombe sous les leurs : l’effilé requin blanc, l’affûté léopard de mer, l’incisif narval et jusqu’aux splendides nudibranches versicolores qui forcent diablement sur l’anesthésie. Subjugué par leur beauté et honteux de ce qu’on leur fait subir, on a soudain envie de leur dire qu’on les MMM. Pari gagné pour le musée.

Toujours nouvelle Aquitaine

On associe facilement musée et passé. Ouvertes fin mars et baptisées « Bordeaux Aquitaine, XXe-XXIe siècles », ces nouvelles salles muséales démentent ce préjugé en montrant comment les mutations actuelles et futures de la région s’enracinent dans des atouts dont il importe de préserver la pérennité. Très divers et présentés en suivant le fleuve et le littoral, les objets collectés vont de l’ethnologie régionale à l’art, en passant par les maquettes d’architecture, de bateaux, d’avions ou de fusées. C’est la mémoire d’avenir d’une région toujours active qui se constitue ainsi sous les yeux des visiteurs, charmés et séduits même quand ils ne prétendent pas à cette fierté gasconne qu’illustrent, enfin restaurées et réunies, les quatre toiles spectaculaires de l’Athénée, fleuron bordelais de l’exposition des arts décoratifs en 1925 à Paris. En regardant vers demain, le musée, riche de trésors, n’oublie rien d’hier ; dans le droit fil d’une démarche mémorielle initiée voici dix ans, il accueille les 9 et 10 mai les 7es Rencontres Atlantiques, intitulées « Les sémiophores des traites et des esclavages ».

Accélérateur de création

Couronnement de cette saison riche en lancements, la MÉCA ouvrira ses portes le 29 juin avec son exposition inaugurale, « Il est une fois dans l’Ouest ». Comme l’exprime son architecture due au Danois Bjarke Ingels, cette Maison de l’Économie créative et de la Culture en Nouvelle-Aquitaine entend, sous la houlette de Bernard de Montferrand, abriter et hybrider tous les vents créatifs, s’adresser à tous les publics et faire rayonner plus largement encore l’action des trois instances culturelles qui la composent.

Principalement dédié à l’art contemporain, au livre, au cinéma, à la danse, à la musique, au théâtre et au cirque, ce nouveau phare de 12 000 m² au plateau scénique exceptionnel accueillera par vagues successives des troupes, des artistes en résidence et des manifestations valorisant la jeune création et les entreprises innovantes qui la soutiennent, ainsi que les plus de 1 200 œuvres acquises par le Fonds régional d’art contemporain (Frac), au rythme annuel de trois ou quatre grandes expositions. La première, sous un titre qui annonce une rafale de talents, rassemble plus d’une centaine de gâchettes de l’Ouest artistique, de Martial Raysse à Charles Fréger, Pascal Convert, Brice Dellsperger, Géraldine Kosiak, Alice Raymond ou Deborah Bowmann. Belle salve aquitaine en perspective !

 

Mange-moi, si tu peux !
Muséum de Bordeaux sciences et nature
Hôtel de Lisleferme, 5 Place Bardineau

Sous les Mers, Au-delà de l’image
MMM, Musée Mer Marine
89, rue des Étrangers, Jusqu’au 30 avril

Bordeaux Aquitaine, XXe – XXIe siècles
Nouveaux espaces du Musée d’Aquitaine
20, Cours Pasteur

Il est une fois dans l’Ouest
Exposition d’ouverture du Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA
5, Parvis Corto Maltese, du 29 juin au 9 novembre

Thèmes abordés

Commentaires

Laisser un commentaire

Sur le même sujet

À découvrir

Le dentiste faisait le Guignol

Canut comme ses parents, puis marchand forain, Laurent Mourguet, né à Lyon le 3 mars 1769, devient, à 24 ans, arracheur de dents. Le...
À découvrir

Article réservé à nos abonnés Copies qu’on forme

Ados et robots : demain la veille Comment les questions sur la formation de l’identité de genre, au fil de l’apprentissage...
À découvrir

Article réservé à nos abonnés Antoine Le Roux de La Fondée, le dernier élève-associé de Pierre Fauchard

Depuis son arrivée à Paris, Pierre Fauchard (1679-1761) habitait l’hôtel de l’Alliance, au 14 de la rue des Fossés-Saint-Germain ;...
À découvrir

Article réservé à nos abonnés Le souffle de la création

Dans l’air du temps… Du souffle, il en faudra à tous les sportifs des JO pour l’emporter sur les divers...
À découvrir

Article réservé à nos abonnés Paris de la Régence, très tendance ou trop tendancieux ?

Un saut à cloche-pied dans la modernité Court, transitoire et entaché d’une luxure fantasmée, l’interrègne d’après Louis XIV reste dans...
À découvrir

Article réservé à nos abonnés Des Fêtes sous les étoiles !

La voie lactée dans votre sapin Des contrées aux nuits étoilées De l’astronomie à l’astrologie Des étoiles au fil des...