Une démographie professionnelle atone
Au 1er janvier 2021, 42 031 chirurgiens-dentistes de moins de 70 ans sont en activité. Les effectifs évoluent peu depuis 1995. Ces vingt dernières années, leur croissance a été moins rapide (4 %) que celle de la population française (plus de 10 %), induisant une densité inférieure à celle des années 1990 : il n’y a aujourd’hui que 62 chirurgiens-dentistes pour 100 000 habitants quand la moyenne européenne se situe autour de 74. Et les écarts de densité varient du simple au double selon les régions. Quatre régions ont une densité nettement inférieure à la moyenne : Normandie (42), Centre-Val de Loire (44), Hauts de France et Bourgogne Franche-Comté (48), alors qu’Ile-de-France, Occitanie et PACA sont au-delà de 70.
Une offre de soins hétérogène
Cette démographie molle a pour conséquence l’inégale répartition géographique des chirurgiens-dentistes qui « influence leur activité et la consommation de soins dentaires sur le territoire, souligne le rapport. Là où la densité est plus forte, la population est plus souvent consommatrice de soins dentaires. La patientèle est plus réduite, mais le nombre d’actes par patient semble plus important » et inversement.
Des besoins non satisfaits
« Il existe une sous-consommation générale de soins dentaires en France », constate le rapport. Selon l’Assurance maladie, le taux de recours en France est de 41 %, nettement inférieur à la moyenne européenne, notamment par rapport à l’Allemagne et au Royaume-Uni où il est de 71 %. « Les indicateurs d’état de santé sont insatisfaisants. » La sous-consommation serait particulièrement importante pour les populations spécifiques : situation de handicap, perte d’autonomie en institution ou non, petite enfance… qui représentent « 10 à 15 % de la population française ».
Des formations parfois insuffisantes
Les professionnels à diplôme étranger sont passés de 5 % des primo-inscrits à l’Ordre en 1999 à… 40 % en 2021 contre 13 % des médecins, 8 % des sages-femmes ou 6 % des pharmaciens. « L’externalisation d’une part importante de la formation des chirurgiens-dentistes français en Europe est préoccupante, car elle pose la question de la qualité de la formation et de l’harmonisation des formations cliniques », s’inquiète le rapport. Selon une étude sur la formation initiale en Europe, jusqu’à 10 % des étudiants peuvent obtenir un diplôme européen en n’ayant pratiqué aucun acte sur un patient…
Une forte demande de soins
Le besoin de soins lié au vieillissement de la population, l’essor de la prévention, la meilleure prise en compte de la santé bucco-dentaire dans les plans de santé publique devraient contribuer à la croissance de la demande de soins. « La convention nationale dentaire de 2018 instaurant une amélioration du système de la prise en charge financière constitue un levier de développement de la prévention et de la demande des soins dentaires, estime également l’ONDPC. La CNAM note une diminution, entre 2019 et 2020, du nombre de renoncements aux soins. »
Nouvelle génération, nouvelle vie
Le profil des chirurgiens-dentistes évolue : la profession se féminise (de 41 % en 2013 à 48 % en 2021), rajeunit (48 ans en 2012, 46 ans aujourd’hui), travaille en cabinet de groupe (47 à 54 % des structures entre 2013 et 2021), se tourne vers le salariat (12 % des praticiens exercent désormais dans les centres de santé, contre 7 % en 2013) et, constate au final l’ONDPC, les nouvelles générations s’orientent vers « un exercice plus équilibré entre vie professionnelle et vie personnelle, ce qui pourrait diminuer la productivité des chirurgiens-dentistes ».
Les pistes proposées
« L’augmentation du nombre de chirurgiens-dentistes est une condition nécessaire mais non suffisante à une amélioration de l’accès aux soins, prévient l’ONDPS. En parallèle, il est indispensable de veiller à une meilleure répartition des chirurgiens-dentistes en s’appuyant sur un modèle économique plus équilibré, un système d’organisation et de formation favorable. » Pour former davantage et mieux répartir les praticiens, l’ONDPS estime qu’il faudrait augmenter les capacités de formation. Entendez, créer des unités de formation localisées dans les zones moins denses, comme proposé récemment par le gouvernement (https://bit.ly/3DRK0qD). Car lors de l’installation, la « fidélité » à la région de formation est forte : 77 % des chirurgiens-dentistes exercent ainsi dans la région de leur subdivision de formation. Et la fidélité à la région d’exercice est elle aussi très forte : en 2021, 95 % des chirurgiens-dentistes exercent toujours là où ils exerçaient en 2013.
« La création d’un véritable statut de maître de stage universitaire en odontologie pourrait permettre de mobiliser davantage de praticiens libéraux, considère encore l’ONDPS. L’ouverture de postes de maîtres de conférences ou de professeurs associés à mi-temps, proposés à des praticiens libéraux ou salariés doit être envisagée pour augmenter les capacités d’encadrement universitaire, notamment en dehors des facultés d’odontologie. » Le rapport propose également de travailler sur « les incitations à l’installation », « des dispositions conventionnelles promouvant un modèle économique plus équilibré » (exercice en groupe, 62 % des étudiants envisageant 3 ou 4 jours d’exercice par semaine) et reconsidérant le système de zonage ». Enfin, l’utilisation de nouvelles technologies et l’avènement de l’assistante qualifiée de niveau 2 (https://bit.ly/31WpFDQ) devraient permettre de dégager du temps médical pour les chirurgiens-dentistes.
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