Une personne sur cinq n’accède pas aux soins dentaires en France : un tiers parce qu’ils sont en situation de précarité, un deuxième tiers parce qu’ils sont en situation de dépendance et, pour le dernier tiers, parce qu’ils sont en situation de handicap. Notre société est-elle suffisamment inclusive ? », s’est interrogée Marguerite-Marie Landru, présidente de l’Académie, pour lancer, sans fioriture, cette séance officielle. « Il y a encore beaucoup à faire, mais à bien des égards elle l’est », lui a répondu Dominique Perriot, directeur de l’établissement sanitaire et médico-social Institut le Val Mandé à Saint Mandé (Val-de-Marne) et président du Comité National du Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP). « Depuis 1975 et la première grande loi d’orientation en faveur des personnes handicapées qui fixe le cadre juridique de l’action des pouvoirs publics, l’État a montré sa volonté de répondre au besoin d’inclusion et d’insertion, dans la vie de tous les jours mais aussi du point de vue culturel ou dans les entreprises, a-t-il encore souligné. Beaucoup a été fait aussi pour l’accès aux soins et à la prévention. La meilleure preuve est que les personnes les plus lourdement handicapées ont gagné plus de vingt ans d’espérance de vie depuis les années 1980. Certains trisomiques dépassent l’âge de
60 ans désormais. C’est la qualité des soins qui a progressé, mais aussi l’ouverture du monde médical qui accepte un peu plus qu’avant de prendre ces sujets en considération. »
Depuis plus de quarante ans, d’autres grandes étapes juridiques ont accompagné cet effort d’inclusion. Car en la matière, c’est bien le droit qui fait avancer la société et les mentalités, a rappelé Yves Delaunay, avocat au barreau de Paris avant d’égrainer ces dates.
Corpus juridique
La loi de 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés qui institue pour les entreprises de plus de 20 salariés l’obligation d’employer ; celle de 2002, dite « de modernisation sociale » qui intègre l’indemnisation des handicapés congénitaux et la création des conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées (CDCPH), chargés de faire des propositions pour mettre en œuvre au niveau local la politique en direction des personnes handicapées. Ou encore, la grande loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui consacre l’accessibilité et donne une définition légale du handicap : « Constitue un handicap, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » On retiendra aussi la loi de 2009, dite HPST, qui définit une nouvelle organisation sanitaire et médico-sociale et met en place une offre de soins graduée de qualité, accessible à tous et satisfaisant à l’ensemble des besoins de santé. Et enfin, l’importante Charte Romain Jacob de 2014, signée par l’État, qui intègre la santé au parcours de vie des handicapés, organise leur accès aux soins, coordonne leur parcours de santé et facilité leur recours aux soins ambulatoire. L’Ordre des chirurgiens-dentistes a d’ailleurs signé cette charte, encourageant l’ensemble des praticiens, libéraux ou non, à s’organiser en réseaux pour favoriser l’accès des handicapés aux soins dentaires.
Pas de droits spécifiques aux handicapés
« Ce qu’il faut retenir à travers ce corpus juridique, ici rapidement exposé, c’est qu’il n’y a pas de droits spécifiques pour les handicapés, souligne Yves Delaunay. Le droit commun s’applique à eux dans son entièreté, y compris dans le domaine de la santé : égal accès, non-discrimination dans la prévention et les soins, obligation de soigner, notions qui concernent directement les chirurgiens-dentistes, le libre choix du professionnel de santé et le même droit à l’information du patient sur son état de santé. » Mais si les handicapés ont les mêmes droits, comment les mettre en œuvre concrètement compte tenu des spécificités inhérentes au handicap ? C’est bien là qu’il reste tant à faire…
« La rationalisation économique du système de soins vient percuter les meilleures bonnes volontés, constate Yann Moisan, fondateur de Novascopia, une coopérative qui intervient principalement auprès des associations, des services de l’État et des collectivités territoriales pour améliorer les stratégies de lutte contre les inégalités sociales de santé. On sait bien que prendre en charge un patient handicapé va être plus long, plus compliqué : le temps en salle d’attente, les accompagnants, le plateau technique, l’anxiété du patient… Il est parfois extrêmement difficile de faire une simple auscultation, une palpation, de poser un diagnostic. Il faut parfois en passer par l’anesthésie générale, y compris pour de simples caries. Heureusement, on progresse. La nouvelle convention dentaire, par exemple, rehausse la consultation pour les patients handicapés et les séances sous MEOPA. »
L’autre écueil, selon Dominique Perriot, est l’impréparation globale du monde de la santé à l’accueil des handicapés. « Lorsque, parfois, nous recevons des carabins en stage dans notre centre, ils me confirment que c’est bien le seul contact qu’ils auront au cours de leurs cursus avec les handicapés et les modalités de leur prise en charge, note-t-il. Or, pour faire tomber les appréhensions et favoriser l’apprentissage des bons gestes, il n’y a que le terrain. Je ne peux donc qu’appeler les pouvoirs publics à mettre en place des formations initiales et les professionnels de santé en exercice, dont, bien entendu, les chirurgiens-dentistes, à se former. Cela permettrait une avancée décisive en matière d’accès aux soins. Une société inclusive est une société dans laquelle on accepte de côtoyer les handicapés. »
Comme disait Saint-Exupéry : « Si tu es différent de moi, loin de me léser, tu m’enrichis. »
La séance a pris fin avec l’intervention de Samuel Valenti, directeur Action sanitaire et social et handicap, Assurance Maladie, qui a présenté les différentes aides techniques disponibles, montrant la façon dont ces solutions de compensation peuvent, dès lors qu’elles sont préconisées de façon pertinente, constituer un apport déterminant dans l’autonomie et l’indépendance des personnes en situation de handicap.
Les nouveaux membres titulairesde l’académie
Lors de cette séance, sept nouveaux membres titulaires de l’Académie ont reçu leur épitoge. Il s’agit de : Marwan Daas, Christophe Rignon-Bret, Xavier Riaud, Philippe Brenier, Gilbert Bouteille, Jean-Pierre Fogel et François Montagne-Laine.
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