Projet esthétique numérique

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°25 - 3 juillet 2019
Information dentaire
Article analysé : Cervino G, Fiorillo L, Arzukanyan AV, Spagnuolo G, Cicciù M. Dental Restorative Digital Workflow : Digital Smile Design from Aesthetic to Function. Dent J (Basel). 2019 Mar 28 ; 7 (2).

Les domaines des sciences médicales sont très concernés par les progrès et les évolutions des technologies numériques qui ont révolutionné les techniques de réhabilitation dentaire. Les procédés de CFAO ont ouvert la voie à des résultats remarquables, répétitifs et prédictibles du point de vue de la maîtrise des objectifs anatomo-fonctionnels grâce à des moyens de conception et de fabrication qui optimisent considérablement la qualité des pièces produites.

Les progrès dans ce domaine des technologies numériques visent désormais la possibilité de conduire la totalité d’un traitement de réhabilitation dentaire par un flux de procédés numériques simplifiant le travail de l’équipe soignante et facilitant également la communication avec le patient. Parmi ceux-ci, les logiciels de modélisation numérique du sourire, ou Digital Smile Design (DSD), jouent un rôle capital. Ils constituent, d’une part, un excellent moyen de communication avec les patients, et sont, d’autre part, un outil efficace pour aider le clinicien dans la conduite du traitement.

Les auteurs de cet article soulignent que les logiciels développés pour les domaines médicaux, les technologies 3D, les procédés de bio-ingénierie ont déjà pu être couplés pour produire d’excellents outils thérapeutiques. Ils expliquent que le principe de Digital Smile Design repose sur une chaîne numérique de logiciels permettant de simuler une réhabilitation dentaire simplement à partir d’une série de photographies calibrées, de face et de profil. Le but de l’article rapporté est de discerner les différents domaines d’application de ce procédé en dentisterie et dans les autres domaines médicaux, mais aussi d’évaluer l’efficacité et la prédictibilité de ces techniques numériques. Pour ce faire, les auteurs ont relevé et analysé les articles en anglais publiés dans PubMed sur ce thème pour en proposer une revue que nous qualifierons de narrative, conduite sur 24 articles retenus. Ils rapportent ainsi d’abord les différents domaines d’application où la technique du projet esthétique numérique a été employée avec succès : la dentisterie restauratrice, la chirurgie parodontale, l’implantologie, la régénération osseuse guidée, l’orthodontie et la chirurgie maxillo-faciale.

Plus en détail, ils citent différents exemples concrets de succès rapportés dans les études analysées parmi lesquels un cas de chirurgie parodontale d’allongement coronaire, la correction d’un sourire gingival par l’association de chirurgie plastique parodontale et de réalisation de facettes. Le DSD s’est aussi montré utile à différents niveaux de réhabilitations prothético-implantaires, pour la préparation osseuse des sites (augmentation des volumes), pour planifier la pose d’implants, puis pour la réhabilitation prothétique. Le concept est aussi employé avec succès en orthodontie, mais plus loin encore dans des approches multidisciplinaires incluant la chirurgie maxillo-­faciale avec ostéotomie de la mandibule, du maxillaire ou même du menton avec pour résultat un changement complet de l’apparence faciale du patient. Les évolutions du concept concernent le couplage des données en deux dimensions du projet esthétique numérique à partir de photos avec des données 3D issues de scanners intra-oraux qui ont déjà donné de bons résultats pour la construction des restaurations. L’amélioration des logiciels devrait permettre le couplage avec les données de tomosynthèse volumique (CBCT) ou de scanners faciaux pour des projets encore plus réalistes et prédictibles.

Actuellement, différents types de logiciels peuvent être employés pour réaliser les projets esthétiques digitaux. Certains, plus faciles d’utilisation, ont été développés spécifiquement pour les domaines dentaires, tandis que d’autres méthodes s’appuient sur des logiciels de correction d’image plus généralistes tels qu’Adobe Photoshop®. D’autres approches rapportées ont visé la réduction des coûts par l’emploi validé de téléphones portables pour la prise de clichés exploitables pour le DSD. Ainsi, les évolutions constantes et très rapides de ce procédé en matière de bénéfices thérapeutiques, de prédictibilité du résultat thérapeutique, de communication avec le patient et avec le laboratoire, d’élargissement des domaines d’application concernés et de réduction des coûts font qu’il constitue un outil thérapeutique déjà efficient, mais qui le deviendra sans doute plus encore dans les proches années à venir.

Questions à

Olivier Etienne, MCU-PH, responsable du département de prothèses et du DU d’esthétique du sourire à la Faculté d’odontologie de Strasbourg, rédacteur en chef de Réalités Cliniques

Vous avez traité l’approche numérique du projet esthétique lors de la journée scientifique du 100e anniversaire de notre revue. Comment considérer simplement cet outil et quels sont ses domaines d’utilisation privilégiés ?

Le projet esthétique numérique doit être considéré comme un outil supplémentaire et complémentaire aux « outils » déjà existants, comme l’est le projet prothétique, s’appuyant sur des céroplasties ou autres montages directeurs. Il s’intègre en tout début de plan de traitement, juste après l’anamnèse et l’analyse esthétique initiale. Il participe au diagnostic et permet d’envisager plusieurs options thérapeutiques. À titre personnel, nous avons recours à cet outil plus volontiers dans le cadre de traitements complexes, pluridisciplinaires, ou encore intégrant une forte composante esthétique.
Quels sont les avantages concrets de cette approche dans les différentes étapes du traitement ?

À notre sens, cette approche permet de mieux envisager le futur plan de traitement et ses éventuelles difficultés ; en ce sens qu’il permet une communication dès les premiers temps entre le ou les praticiens impliqués, le prothésiste et le patient. Son caractère numérique, donc « virtuel », permet une réflexion clinique et une anticipation de plusieurs options techniques à moindre coût. Il permet aussi de présenter au patient toutes les incohérences de certaines demandes, et, au contraire, de lui démontrer l’intérêt de certaines solutions.

Quelles sont ses limites ?

La première limite est tout simplement liée à la maîtrise des outils informatiques et photographiques indispensables à sa réalisation, ainsi qu’à son exploitation par le laboratoire de prothèse qui est le partenaire indispensable de cette méthode. À titre d’exemple, seuls 2 % des praticiens formés au DSD par C. Coachmann reconnaissent l’utiliser deux ans après leur formation. Une autre limite est liée à la confusion des principales méthodes applicables à ce jour quotidiennement. Nous entendons par là des méthodes accessibles financièrement, peu chronophages et peu coûteuses en logiciels/matériels. En effet, plusieurs solutions logicielles existent, le DSD n’en étant qu’une parmi d’autres. Citons par exemple les options VEP de Crescenzo, les logiciels dédiés (par exemple, Smile Designer Pro®(TastyTech)…) ou encore le Photoshop Smile Design (PSD) que nous affectionnons particulièrement pour son rendu réaliste.

Ces différentes méthodes ont en commun l’utilisation de projections issues d’une capture en deux dimensions, avec toutes les imperfections que cela sous-entend, en premier lieu les problématiques de parallax et les déformations qui y sont liées. Pour cela, il faut considérer le Smile Design (terme générique) comme un outil d’aide pour nos partenaires prothésistes et non pas comme une vérité stricte.

Plusieurs propositions tridimensionnelles se développent ces dernières années, nourrissant de grands espoirs dans la capture dynamique du sourire notamment. Pour autant, ces options nécessitent des acquisitions matérielles lourdes pour aboutir à une qualité de résultat digne de l’application clinique. D’autres solutions permettent de capturer le visage du patient plus simplement, certaines avec de bons résultats, d’autres moins.

© Olivier Etienne

Comment l’intégrer à son exercice ?

L’intégration de tels outils suppose une coopération et une participation de tous les membres de l’équipe soignante, en particulier du laboratoire de prothèse et du praticien. Ainsi, deux options peuvent être envisagées : soit le praticien est intéressé par la méthode et il se forme, soit il délègue ce travail à son prothésiste en qui il a toute confiance. Nous avons pu détailler notre approche lors de la conférence des 100 ans de L’Information Dentaire (et dans la revue Réalités Cliniques qui traitera de ce sujet dans le numéro spécial à paraître fin septembre 2019 !).

Comme toute nouvelle technique, il faut accepter la notion de courbe d’apprentissage : ce qui peut nous prendre 5 minutes de travail après dix années de pratique peut certainement nécessiter 20 minutes pour un novice ! Mais ne doutons pas que nos jeunes consœurs et confrères, très portés sur les nouvelles technologies, soient rapidement à niveau et même nous dépassent !

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