Traitements non pharmacologiques et anxiété des patients

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°12 - 25 mars 2020
Information dentaire
Article analysé : Burghardt S, Koranyi S, Magnucki G, Strauss B, Rosendahl J. Non-pharmacological interventions for reducing mental distress in patients undergoing dental procedures : Systematic review and meta-analysis. J Dent 2018 ; 69 : 22-31.

Dans la relation aux soins avec nos patients, l’anxiété ou l’appréhension de certains d’entre eux vis-à-vis des soins dentaires constitue une véritable difficulté, voire une barrière à l’accomplissement et à la bonne conduite des thérapeutiques dont ils auraient besoin. L’appréhension des soins dentaires concerne de très nombreux patients, mais à des degrés très variables. Les auteurs de cette étude nous rapportent que les véritables phobies dentaires qui empêchent complètement l’accomplissement des soins sont relativement rares (moins de 4 %) et requièrent une véritable prise en charge spécialisée.

Comment aider les autres à surmonter ou mieux gérer leur anxiété et leur appréhension en faveur d’une prise en charge plus sereine au cabinet dentaire ? Des approches non pharmacologiques constituent une première ligne de traitement à laquelle se sont intéressés les auteurs de cette étude par la conduite d’une méta-analyse dont l’objectif est d’en évaluer l’efficacité chez les patients adultes.

Différentes approches sont ainsi possibles telles que les stratégies cognitives comportementales (renforcement positif, détournement de l’attention, désensibilisation…), l’hypnose, ou même l’appui de musique. À la suite de leur méthodologie de sélection, les auteurs ont retenu 29 études randomisées et contrôlées parues entre 1979 et 2917, qui représentent un total de 2 886 patients. Une attention toute particulière a été portée sur l’analyse des risques de biais afin de s’assurer de la pertinence des résultats présentés. Ces derniers montrent un effet significativement positif des approches non pharmacologiques sur la réduction des angoisses des patients, mais aussi sur la réduction des douleurs.

L’hypnose présente dans ce cadre carde l’effet le plus vaste. Dans leur discussion, ils expliquent que son efficacité est accrue chez les patients qui présentent une grande suggestibilité, et que celle-ci est d’ailleurs naturellement renforcée chez les patients en situation d’anxiété ou de stress induit par les traitements dentaires. Ils évoquent aussi un effet synergique positif d’association avec l’inhalation de protoxyde d’azote du fait d’un effet anxiolytique de ce gaz qui augmente également la suggestibilité. La technique d’hypnose qui requiert une compétence particulière peut être menée par le chirurgien-dentiste lui-même s’il en a acquis la compétence ou par un autre membre de l’équipe soignante. Mais l’article évoque également la possibilité d’hypnose au moyen de fichiers audio préenregistrés considérés comme également efficaces selon une étude citée, et qui pourraient représenter une approche à la fois efficace et économique dans notre pratique clinique.

À l’inverse, les auteurs rapportent que l’emploi de supports multimédias détaillant les procédures cliniques et communiqués avant les soins à des fins d’explications préalables sont plutôt des facteurs d’anxiété pour les patients sensibles. Avec l’appui d’une méta-analyse au fort niveau de preuve, les auteurs concluent donc à l’efficacité des procédés non pharmacologiques, et plus particulièrement de l’hypnose pour réduire l’anxiété des patients destinés à recevoir des soins dentaires, en compléments des précautions standards.

Questions à

Vianney Descroix, PU-PH à l’Université de Paris, chef du service d’odontologie à la Pitié-Salpêtrière, membre de l’Institut Français d’Hypnose et coordinateur de ce numéro spécial

Quels sont les procédés non pharmacologiques facilement applicables par les omnipraticiens pour contenir ou diminuer les stress de leurs patients ?
Il est important, dans un premier temps, de faire le bon diagnostic.
Nous avons trop souvent tendance à confondre les termes « peur », « anxiété », « angoisse » et « stress ». Ils sont très différents. Ce que l’on rencontre chez nos patients vis-à-vis des soins, c’est de l’anxiété, une sensation très désagréable d’appréhension d’un événement à venir, dans le futur donc, et la peur qui est une émotion essentielle chez l’humain face à un danger. Les praticiens sont directement en contact avec des personnes qui ressentent de la peur.
La première chose à faire est de ratifier cette émotion, la reconnaître, montrer à la personne que nous voyons bien qu’elle n’est pas confortable, qu’il est normal d’avoir peur, c’est humain. Ne pas chercher à y résister. Souvenez-vous « ce que j’embrasse s’efface, ce qui résiste persiste ». Donc, le bon réflexe, reconnaître l’émotion, la nommer et l’accepter.
J’aime demander à mes patients «  qu’est-ce que dit cette peur ? », « à quoi vous est-elle utile ? ». Et puis, une fois que le patient parle de sa peur, il se défusionne d’elle, autrement dit, il n’est plus la peur, mais il a une peur. Il peut lui donner une couleur, une forme, un nom même (un nom ridicule permet de rire de sa peur, c’est un jeu assez drôle).

Comment l’hypnose s’intègre-t-elle en pratique à une séance thérapeutique, quels en sont les mécanismes et les effets sur la conduite des soins ?
L’hypnose médicale est une pratique de soin, nécessitant un apprentissage et une intégration progressive à sa pratique.
Inclure l’assistante dentaire potentialise les effets. La technique ne rallonge pas le temps de soin. Elle améliore l’expérience du patient, en diminuant son anxiété et en majorant sa détente ainsi que le confort du praticien. Elle permet d’intégrer une méthode de communication thérapeutique et une approche holistique de la personne pour son confort et sa sécurité.

Quels sont les prérequis et les compétences nécessaires afin de pouvoir pratiquer efficacement l’hypnose au cabinet ?
L’hypnose médicale est une méthode très efficace qui nécessairement s’apprend. La plupart des instituts de formation s’accordent sur la nécessité de dix jours de formation (soixante à quatre-vingts heures de présentiel) et pratiquer le plus souvent possible, être supervisé.
L’hypnose est une méthode psychocorporelle qui demande à être en relation, dans une présence, une disponibilité à l’autre très singulière. L’hypnose demande un investissement relationnel très fort.

Que penser de l’hypnose au moyen de fichiers audio préenregistrés évoquée dans l’article ?
Pour moi, l’hypnose est d’abord une rencontre, les enregistrements peuvent se concevoir une fois que nous avons déjà réalisé des séances à deux dans une vraie présence physique.
Les enregistrements sans rencontre physique me font plus penser à une méthode de distraction, de pleine conscience. Ce qui peut être au demeurant très efficace, mais ne peut se substituer à la richesse de la rencontre !

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