L’usure dentaire est une détérioration liée à l’usage. Elle est généralement considérée comme physiologique, mais peut parfois prendre un caractère pathologique, notamment lorsqu’elle est atypique au regard de l’âge du patient. Elle peut alors engendrer des douleurs ou de l’inconfort, des troubles fonctionnels ou encore une altération esthétique. Dans ce cas, la gestion des lésions repose sur une stratégie permettant la détermination de leur principale origine, l’évaluation de leur gravité, leur prise en charge thérapeutique, ainsi que la mise en œuvre de mesures préventives. Ces démarches, bien que codifiées, restent insuffisamment connues et appliquées aujourd’hui. Elles sont pourtant issues de nombreux travaux qui, au fil des siècles, en ont permis l’élaboration progressive. L’objectif principal de cet article est de retracer l’histoire de certains de ces travaux, afin de mettre en lumière le rôle prépondérant joué par certains cliniciens et/ou acteurs de la recherche.
Les précurseurs
Les premières descriptions systématiques des lésions d’usure dentaire remontent au XVIIIe siècle, notamment avec le chirurgien écossais John Hunter. Ce médecin militaire, anatomiste de renom est en effet l’auteur du premier ouvrage entièrement consacré à l’odontologie, intitulé The Natural History of the Human Teeth (1771) [1]. Ce manuscrit constitue le point de départ de nombreux écrits ultérieurs, abordant de manière exhaustive les principales formes d’usure dentaire et leurs étiologies. Notons cependant que dès le début du XVIIIe siècle, le chirurgien-dentiste français Pierre Fauchard, considéré comme le père de la dentisterie moderne, avait déjà décrit dans son ouvrage majeur Le Chirurgien Dentiste, ou Traité des Dents (1728) les effets abrasifs du brossage excessif et de l’alimentation acide sur les dents (fig. 1) [2]. Ces connaissances furent approfondies à la fin du XIXe siècle par divers…