Pourquoi les perturbateurs endocriniens menacent-ils notre santé ?

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Information dentaire
Les publications en 2013 de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) montrent clairement que de faibles doses de ces substances menacent notre santé. Pourquoi le système endocrinien est-il si important, quelles sont ces substances perturbatrices, les trouve–t-on au cabinet, comment s’en protéger ?

Hormones et système endocrinien


La plupart des fonctions physiologiques de notre organisme sont régulées par des hormones produites par nos glandes ou nos organes endocrines. Mais on a découvert récemment de nombreuses autres sources d’hormones.

Ainsi, par exemple, si l’on sait depuis longtemps que le taux de calcium sanguin, le potassium rénal, le rythme cardiaque, la pression artérielle, la glycémie sont contrôlés par des hormones, ce n’est que très récemment que l’on a découvert que le cœur produit le peptide natriurétique auriculaire régulant la pression artérielle, ou que le tissu adipeux élabore la leptine (contrôle de la satiété) et l’adiponéctine (régulation du métabolisme lipidique et glucidique). Le tube digestif fabrique quant à lui la ghréline et le peptide YY (régulation de l’appétit). Enfin, le rein élabore l’érythropoïétine et l’arénnine qui agissent sur la production des globules rouges dans la moelle osseuse et la pression artérielle.

A la lumière de cette brève énumération, on comprend bien alors l’extrême importance du système hormonal dans le contrôle du fonctionnement du corps humain et toute perturbation de ce fragile édifice aura de graves conséquences, tant sur la personne concernée que sur sa descendance.

Quels sont ces perturbateurs endocriniens, comment agissent-ils ?

Parmi 100 000 produits chimiques répertoriés, plus de 1 000 seraient des perturbateurs endocriniens. De familles chimiques différentes, ils agissent dès de faibles doses et leurs associations donnent des effets suradditifs (l’association de deux ou plusieurs substances à des concentrations admissibles, dites environnementales peut déclencher un effet).

Le distilbène (hormone de synthèse), le chlordécone et le DDT (des pesticides), les PCB (isolants électriques) le bisphénol A ou BPA (composants de plastiques et de résines) ont été dernièrement particulièrement étudiés

On produit dans le monde, annuellement, 3,8 millions de tonnes de bisphénol A !

Déposé sur la surface des papiers thermiques, il permet l’impression de facturettes, de tickets de caisse, de fax, d’étiquettes alimentaires…

66 % du BPA entre dans la composition des plastiques qu’il rend incassables. On le trouve dans les polycarbonates des bonbonnes d’eau des fontaines réfrigérées, dans les emballages alimentaires, les vitrages, les CD et dans certaines résines époxy (revêtements de boîtes de conserves). C’est aussi un liant et un plastifiant (colles, laques, peintures et vernis).

Certains produits dentaires contiennent-ils du bpa ?

Certains sealants (produits de restauration utilisés au cabinet) contiennent du Bis DMA qui peut être dégradé par des enzymes salivaires relarguant ainsi du BPA qui s’accumule alors dans l’organisme. C’est donc le patient qui court un risque notable d’exposition et non les professionnels de santé. Même si l’emploi de ces produits est peu fréquent, il existe néanmoins aujourd’hui des sealants sans Bis DMA.

La plupart des composites contiennent, quant à eux, du TEGDMA, un comonomère agissant sur la viscosité. Si les effets de perturbations endocriniennes ne sont pas démontrés, en revanche son caractère allergène et cytotoxique est aujourd’hui bien connu. Cette fois patients et professionnels du cabinet dentaire sont concernés. Il existe ici encore des composites de substitution ne contenant pas de TEGDMA.

Comment sommes-nous exposés ?

Le BPA pénètre le corps humain essentiellement pas voie cutanée et par ingestion. L’inhalation est moins probable (air, poussières). 50 % proviennent des boîtes de conserves et emballages alimentaires et 20 % des viandes et poissons, on trouve le reste dans l’alimentation, y compris l’eau de boisson.

Comment les perturbateurs endocriniens agissent-ils ?

Les hormones sont transportées par le sang vers les organes cibles, certaines hormones protéiques (insuline par exemple) circulent librement, tandis que d’autres (hormones stéroïdiennes par exemple) utilisent des protéines de transport et des protéines relais. Ces hormones se fixent alors spécifiquement sur un ou plusieurs récepteurs situés à la surface des cellules déclenchant une série de signaux pour provoquer la réponse cellulaire.

Toutes ces étapes de l’activité hormonale peuvent être impactées dès de faibles doses de perturbateurs endocriniens et chaque interaction est spécifique. Autrement dit : on ne peut pas extrapoler un mode de perturbation d’un perturbateur à un autre.

Divers perturbateurs peuvent impacter la même voie hormonale, c’est le cas par exemple des perchlorates (composés des explosifs et propulseurs polluant les eaux de consommation) et de certains pesticides qui agissent sur la voie des hormones thyroïdiennes. D’autres au contraire, ont des actions sur plusieurs voies hormonales. C’est le cas du bisphénol A, qui préoccupe actuellement les autorités de santé.

Ainsi, dans une étude récente consacrée à l’exposition durant la gestation au BPA, à la génisteïne et à la vinclozoline nous avons démontré que ces substances à doses environnementales, pour le BPA seul ou en association, provoquaient des effets féminisants encore notables à la seconde génération des animaux exposés !

Des études toxicologiques déficientes

La plupart des études toxicologiques sont faites en considérant de fortes doses, puis on diminue les concentrations jusqu’à l’absence d’effet. À partir de cette valeur seuil, on extrapole ensuite les doses journalières admissibles en se donnant une marge de sécurité (on divise par exemple arbitrairement par 10 une dose limite provocant un effet pour trouver la valeur admissible).

Or, on sait aujourd’hui que les perturbateurs endocriniens agissent dès de très faibles doses, inférieures aux valeurs seuil et présentent souvent des effets suradditifs. Ainsi, l’absence d’effet à forte dose ne présage en rien de l’innocuité des faibles doses. Le dogme toxicologique selon lequel « la dose fait le poison » ne vaut pas pour les perturbateurs endocriniens.

Toutes les normes environnementales doivent donc être revues à la baisse et les tests toxicologiques mis à jour.

L’exemple des PCB (polychlorobiphényles) et des PCT (polychloroterphényles), plus connus sous les noms de pyralène, arochlor ou askarel est assez significatif.

Ces isolants électriques, étudiés pour leurs effets cancérigènes avérés, ont été interdits en 1980. On avait constaté à l’époque leurs effets de perturbations endocriniennes (hormones thyroïdiennes) très marqués.

Si les PCB étaient testés aujourd’hui, cet effet perturbateur ne serait pas mis en évidence. En effet, les tests toxicologiques actuels cherchent à évaluer une dose limite provoquant des morts cellulaires et des effets mutagènes conduisant à des cancers, mais les dérégulations endocriniennes des mécanismes physiologiques ne sont pas testées la plupart du temps.

Il faut donc, comme l’ANSES le propose, modifier toutes les procédures toxicologiques actuelles.

Comment se protéger ?

Pour éviter l’exposition au BPA :

• Privilégier les contenants en verre, éviter le plastique.

• Interpréter les pictogrammes :

• Éviter l’utilisation de récipients en polycarbonate pour la conservation des aliments et des boissons, éviter le chauffage des aliments et de l’eau au contact de ces récipients.

• Éviter les canettes, les boîtes de conserves, privilégier les produits frais.

• Proscrire les biberons et les emballages alimentaires contenant du BPA pour les jeunes enfants.

• Privilégier l’allaitement et les préparations alimentaires en pots de verre.

Conclusion

Depuis des décennies, l’industrie produit toujours plus de composés de synthèse à la recherche d’effets ciblés toujours plus efficaces.

Aujourd’hui, il est urgent de réévaluer les risques sanitaires, les études toxicologiques, les effets des faibles doses et d’actualiser la réglementation à la lumière de connaissances nouvelles.

C’est dans ces perspectives que le gouvernement Américain lance un ambitieux programme de recherche : « Toxome humain ». Bien entendu, l’étude toxicologique approfondie des perturbateurs endocriniens est prioritaire !

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