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Information dentaire

L'Information Dentaire n°18 - 5 mai 2020

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Éditorial
Nu(e)s… I Lire ci-dessous
Michel Bartala

Tribune
Quelques réflexions… I Lire ci-dessous >
Christine Romagna

Actualités

Revue de presse 

 Gestion des soins dentaires et pandémie Covid-19 I Lire >
Pascal De March

Presse médicale spécialisée
Philippe Léonard

Actualité hebdo
Nicolas Fontenelle

Se former

COVID-19

Utilisation de bains de bouche antiseptiques pour réduire le risque d’aérobiocontamination par des coronavirus infectant l’être humain. Résultats préliminaires d’une revue systématique de littérature I Lire >
Frédéric Duffau, Mathilde Myara, Florian Laurent, Sonia Burrel, Agnès Bloch-Zupan, Jérôme Bouchet, Stéphane Derruau, Laurent Devoize,
Sophie Jung, Philippe Kemoun, Philippe Lesclous, Sandrine Lorimier, Ali Nassial

Médecine

Prise en charge d’un kyste dentigère par décompression I Lire >
Clémence Tondelier, Mickaël Samama

Diagnostic différentiel

Que cache cette gencive ? I Lire >
Jacky Samson, Jean-Christophe Fricain

Application clinique en parodontologie

Prise en charge de la gingivite liée à la plaque I Lire >
Angéline Antezack, Virginie Monnet-Corti

Exercice pro

Éthique

Comment gérer l’échec prématuré de la réalisation d’une prothèse ?
Philippe Pirnay

Fiscalité

Obligations sociales et fiscales d’avril
Bernard Fabreg

Découverte

Art

La beauté du geste, visite à la Manufacture de Sèvres
Thierry Leroux


ÉDITO

Nu(e)s…

Sans en occulter la cause et ses terribles conséquences, la période de confinement a aussi généré des images et des émotions inimaginables auparavant. Des paysages vierges de toute présence humaine, comme les plages bretonnes, la dune du Pyla, les Champs-Élysées, Notre-Dame de la Garde, le Mont-Saint-Michel… et tant d’autres dans nos régions. Ces endroits habituellement fréquentés en excès car “trop” beaux, sont pourtant encore magnifiés par le vide qui les envahit. Le silence, l’absence semblent les protéger, les revitaliser temporairement.

Cette sensation de nudité, régénératrice pour la nature, a en revanche bouleversé notre profession. Les images bien construites donnant souvent plus de force aux messages, l’une d’entre nous a eu l’idée géniale d’exprimer, avec une puissante délicatesse, notre manque de protection en posant nue dans son cabinet. Le besoin d’exprimer ce sentiment d’abandon par des photos similaires est alors devenu viral. Des dizaines de consœurs et confrères se photographient dans la même “tenue” sur leur lieu d’exercice, toujours avec beaucoup d’élégance. Les réseaux sociaux, les média nationaux et même internationaux diffusent ces images, le message passe, les gens comprennent. La nudité comme un bouclier pour empêcher que notre profession ne soit oubliée. Car cette absence vestimentaire a voulu mettre en avant non seulement le manque de protection physique auquel nous risquions d’être confrontés*, mais aussi la transparence de notre profession dans le raisonnement intellectuel de nos gouvernants. En effet, nous avions été rayés des professions de santé dans les discours de notre ministre de tutelle – qui a depuis présenté ses excuses.

Si nous sommes évidemment totalement conscients que notre rôle dans le combat contre cette pandémie n’est pas prioritaire, notre profession s’est engagée, à son niveau, pour être disponible et participer aux actions qui lui ont été confiées. De plus, la reprise de notre activité est à risque. La zone où nous intervenons, la création d’aérosols lors de certaines de nos thérapeutiques constituent autant de sources de propagation du virus. Notre profession a certes l’habitude de gérer un milieu bactérien, mais ce virus, dont la diffusion comporte encore beaucoup d’inconnues, semble plus difficile à contenir. Dans les prochaines semaines, il sera de notre responsabilité médicale d’exercer en toute sécurité pour nos patients, nos assistantes et tous les personnels qui contribuent au fonctionnement de nos cabinets. Sans oublier les prothésistes, précieux collaborateurs dans nos thérapeutiques, qui subissent la fermeture de nos établissements et se trouvent aussi totalement dépourvus et à nu. Nous devons les soutenir pour pouvoir tous repartir.
Enfin, espérons que, rapidement, des solutions seront apportées, des traitements élaborés ou des vaccins fabriqués, pour nous permettre de nous retrouver tous et totalement habillés.

* Au moment où j’écris ce texte, les représentants syndicaux et ordinaux ont eu l’assurance de notre ministre de tutelle que des masques FFP2 en quantité suffisante seraient mis à disposition des chirurgiens-dentistes.

Michel Bartala, Rédacteur en chef


TRIBUNE

Quelques réflexions…

Nos patients seront tous impactés, transformés par la crise.
Totalement inquiets, car comment croire que nous vivrons sans ce virus après le déconfinement ? Ils porteront un masque alternatif dans la rue et les lieux publics. Ils devront le retirer au cabinet dentaire. Quelle mise à nu, exposition, situation difficile, à la fois sur le plan médical et sur le plan psychologique. Qui va s’ajouter à l’appréhension préexistante de consulter le dentiste, parfois allant jusqu’à la phobie.
Ils seront impactés financièrement. Quelles seront désormais leurs priorités ? Urgences, urgences, urgences liées aux douleurs et abcès exacerbés par le stress du confinement, quand les digues d’autocontrôle lâcheront… Exigence d’être pris tout de suite, sans attendre… Mais aussi révision des plans de traitement précédemment établis, soins rentables différés pour des raisons financières…

Quant à nous praticiens, nous sommes aussi des humains éprouvés par cet événement sans précédent. Et des professionnels de santé. Et des chefs d’entreprise.
Comme je le décrivais dans un article tout récent dans ces mêmes colonnes*, la vulnérabilité du praticien est plus que jamais devenue un sujet crucial tant nous sommes exposés à la contamination par le virus. Elle est également mise en évidence par l’impact économique majeur sur nos cabinets. Il va falloir développer la prise en considération de la pénibilité de notre métier.

Nous allons devoir admettre un inconfort supplémentaire chaque jour avec le port de masques FFP2, d’une visière isolante, d’une coiffe sur les cheveux, et tout l’habillage qui était auparavant réservé aux actes chirurgicaux en chirurgie orale, en parodontologie et en implantologie. Protection généralisée à tout acte, même mineur : soin de caries, dépose de sutures, contrôles, et même consultations, car comment consulter sans s’approcher du patient à 30 cm, le simple geste de placer un film radio en bouche risquant de déclencher un réflexe nauséeux avec des projections salivaires sur nous ?
D’où une augmentation considérable des coûts en consommables jetables. Comment allons-nous concilier réduction du prix des soins dentaires précédemment préconisée, négociée par nos syndicats et mise en place par l’État, RAC 0, etc., et augmentation des charges considérables et incontournables ? Ajoutons la nécessité des turbines jetables, pourquoi pas des pièces à main à ultrasons jetables ? Est-il possible de les fabriquer ? Exit l’usage des aérosols et nébulisations en tout genre, donc quid de l’air poudre ? Réduction de l’usage des ultrasons au minimum pour un retour au détartrage-surfaçage au moyen des curettes de Gracey… Régression.

Nous allons devoir créer des zones d’accès, sas d’entrée, marquage au sol, protection en plexiglas pour nos secrétaires. Cela générera des travaux d’aménagement chez le plus grand nombre d’entre nous. Nous allons devoir limiter en nombre l’accueil des patients, comme en ce moment où l’accueil des urgences est limité à 8 ou 9 patients par jour dans les cabinets de garde. Et un commando de désinfection après chaque passage de patient. Impact sur nos agendas.

L’odontologie est actuellement réduite à une discipline d’urgences. Paradoxe, puisque c’était en médecine le domaine le moins concerné par l’urgence hormis quelques situations parfaitement définies, limitées et bien prises en charge au cours de cette crise. Comment revenir à une odontologie de finesse, de confort, de précision extrême, d’esthétique, puisque la bouche apparaît avec ce virus comme le lieu de la contamination. J’ai toujours pensé, écrit et enseigné que la bouche est le lieu paradigmatique du développement de l’être humain, du premier cri au dernier souffle. Cette atteinte par le Covid-19 en est une démonstration évidente, forte. L’humanité meurt par le lieu même de sa singularité… Questionnement majeur sur le sens des soins dentaires et la compréhension de notre métier…

* Voir l’Id du 25 mars 2020, numéro spécial sur la Relation dans le soin, pp 48-56.

Christine Romagna
Présidente du GSSOS
Membre du comité directeur de l’ADF
Exercice libéral en parodontologie, Beaune