Comment bien rédiger un contrat de collaboration à titre libéral ?

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 40-42)
Information dentaire
Le Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens-Dentistes a établi un modèle de contrat, disponible au siège des Conseils départementaux ou sur son site Internet.
Il ne s’agit que d’un modèle (et non d’un contrat type comme pour le remplacement), ce qui signifie qu’il n’a pas force obligatoire et que les parties peuvent en rédiger un entièrement à leur guise à la condition, bien entendu, de respecter strictement les règles déontologiques et le statut légal conféré au collaborateur à titre libéral par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 (« Le collaborateur libéral exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination. Il peut compléter sa formation et peut se constituer une clientèle personnelle »).

Même s’il est possible de rédiger un contrat à sa guise, il est plus pratique d’utiliser le modèle fourni par le Conseil de l’Ordre en complétant les blancs qu’il comporte et en choisissant les options qu’il propose. Encore faut-il le faire avec discernement et sans rien négliger.
Il convient de définir d’abord les parties au contrat : le premier nom à porter est celui du titulaire du cabinet, c’est-à-dire son propriétaire. Attention, si l’on exerce en SELARL, c’est la dénomination sociale de celle-ci qui doit être mentionnée.

Article 1 : organisation de la collaboration
Il faut préciser si possible le nombre de jours de travail du collaborateur et de quels jours il s’agit (lundi et jeudi par exemple) pour qu’il n’y ait pas de malentendu sur le volume hebdomadaire de travail proposé et l’occupation du ou des fauteuils disponibles, le tout sans fixer d’horaires, bien entendu, puisque le respect d’horaires stricts ne concerne que le contrat de travail (salariat).

Article 2 : durée du contrat
Il faut indiquer d’abord la date d’effet du contrat, c’est-à-dire le premier jour d’exercice du collaborateur puis choisir entre l’hypothèse d’un contrat à durée indéterminée et celle d’un contrat à durée déterminée.
Le plus souvent c’est la première option (durée indéterminée) que l’on choisira parce qu’elle est la plus pratique et que l’on ne sait pas quand le contrat se terminera.
De ce fait, il faut déterminer également la durée de la période d’essai (un mois ou deux par exemple), c’est-à-dire la période pendant laquelle il est possible de se séparer, soit à tout moment ou à la suite d’un préavis raccourci (8 jours par exemple). Il faut donc déjà choisir entre ces deux options puis décider ensuite de la durée de préavis, c’est-à-dire du délai minimum à respecter entre l’annonce de la résiliation du contrat et sa résiliation effective (passée la période d’essai, bien entendu). En général, le préavis choisi varie entre un mois (ce qui est un peu bref pour terminer les soins en cours) et trois mois (un peu trop long), de sorte qu’un délai de deux mois paraît un bon compromis puisque, encore une fois, le but de la période de préavis dans un contrat libéral est l’achèvement des soins en cours.
L’hypothèse du contrat à durée déterminée ne sera retenue que dans des cas particuliers si l’on connaît à l’avance la durée maximum du contrat (par exemple, le vendeur du cabinet reste collaborateur de l’acquéreur pendant six mois après la cession pour parfaire la présentation).
Notons que la période d’essai est également possible dans le contrat à durée déterminée, mais qu’elle sera nécessairement plus courte.

Articles 3 et 4 : indépendance du collaborateur et obligations du collaborateur
Ces articles ne doivent pas être modifiés, car ils récapitulent les droits et obligations des deux parties selon la loi précitée du 2 août 2005.

Article 5 : honoraires et frais
Il mérite une attention particulière, car le libellé du modèle n’est tout à fait clair et peut aboutir à des erreurs.
Rappelons tout d’abord que pour l’administration fiscale, c’est parce que le titulaire du cabinet met à la disposition de son collaborateur les locaux et des moyens matériels nécessaires pour exercer que celui-ci doit lui rétrocéder des honoraires en règlement de cette prestation de services, assujettie comme telle à la TVA (au-dessus d’un certain montant annuel) comme toutes les prestations de services.
Le pourcentage de cette rétrocession mensuelle du collaborateur au titulaire, désignée par le mot « quotité » dans le contrat, doit être précisé. Il s’élève selon les usages actuels à un pourcentage de plus ou moins 50 %, étant précisé qu’il est possible de fixer deux pourcentages, l’un pour les soins et l’autre, plus bas, pour les prothèses (étant rappelé que c’est le collaborateur qui perçoit les honoraires et en rétrocède une partie au titulaire).
Ces pourcentages dépendent évidemment de qui prend en charge l’achat des fournitures et de la prothèse, mais cette question est curieusement reportée à la fin de l’article, deux paragraphes plus loin, alors qu’elle ne fait qu’un avec le choix du pourcentage.
Si les frais de traitement prothétique incombent au collaborateur, encore faut-il se demander si le pourcentage de rétrocession doit se calculer sur les honoraires perçus, déduction faite des frais de prothèse ou sans déduction préalable de ces frais, car le résultat financier ne sera pas le même.
à titre d’exemple si le collaborateur perçoit 500 e d’honoraires et déduit 100 e de frais de prothèse avant la rétrocession convenue de 50 %, il rétrocédera 50 % de 400 e, soit 200 e et gagnera 200 e. En revanche, s’il calcule la rétrocession d’abord, à savoir 50 % de 500 e, il versera une somme de 250 e au titulaire et ne gagnera qu’une somme de 150 e (250 e -100 e de frais de prothèse).
Pour le Conseil national de l’Ordre, la rétrocession doit être faite sans déduction préalable des frais de prothèse du fait que le modèle proposé évoque une rétrocession sur « les honoraires perçus ».
Le Conseil national estime en outre qu’une déduction préalable des frais pris en charge par le collaborateur présenterait un risque fiscal au motif qu’en cas de contrôle, l’administration fiscale pourrait estimer que la base de calcul de la rétrocession est volontairement diminuée afin de se soustraire au paiement de la TVA.
Pour notre part, nous estimons que le texte du modèle sur ce point n’est pas suffisamment explicite et qu’il vaudrait mieux alors préciser que la rétrocession s’effectue « sans déduction préalable des frais pris en charge par le collaborateur aux termes des alinéas qui suivent  ».
Au demeurant, nous ne partageons pas les craintes du Conseil national quant à la réaction éventuelle de l’administration fiscale : en effet, la déduction des frais de prothèse payés par le collaborateur du montant des sommes rétrocédées n’a pas un but exclusivement fiscal, bien au contraire, car c’est seulement un mode de calcul qui permet d’assurer au collaborateur une rémunération plus équitable tout en assurant son indépendance professionnelle puisqu’il maîtrise le choix de ses prothèses, ce qui est légitime dans la mesure où il en est civilement responsable.
En conclusion sur ce point, il faut retenir une formule dénuée d’ambiguïté qui permette à chaque partie d’y trouver son avantage et éviter ainsi le « turnover » de collaborateurs insatisfaits.

Article 6 : périodes de repos
Il nécessite de préciser le délai minimum (plusieurs mois à l’avance si possible) pour la fixation des périodes de vacances afin de ne pas désorganiser le planning du cabinet par des décisions hâtives.

Article 7 : suspension du contrat en cas de maladie ou de maternité du collaborateur
Cet article ne doit pas être modifié.

Article 8 : exercice ultérieur du collaborateur
Depuis 2010, le Conseil national a ajouté à son modèle un article 8 bis intitulé « libre rétablissement du collaborateur » dans lequel il est affirmé que le collaborateur conserve sa liberté de rétablissement, mais s’interdit tout acte de concurrence déloyale à la cessation de sa collaboration.
Ce modèle de contrat ne prévoit donc plus de clause de non-concurrence (avec durée et rayon à choisir), mais un simple rappel de l’article R.4127-277 du Code de la santé publique qui dispose qu’un chirurgien-dentiste qui a été collaborateur d’un confrère pour une durée supérieure à trois mois consécutifs ne doit pas exercer avant l’expiration d’un délai de deux ans dans un poste où il puisse entrer en concurrence avec lui.
Cette notion de « poste où il puisse entrer en concurrence avec lui » est particulièrement vague et donc, à notre avis, peu protectrice sinon illusoire (à titre d’exemple, le Conseil national a considéré que l’installation d’un ex-collaborateur dans la même commune d’un département proche de Paris que le titulaire était licite…).
Pourtant, l’ajout d’une clause de non-concurrence (aussi appelée clause de non-réinstallation) d’une durée et d’un rayon modérés dans un contrat de collaboration reste parfaitement légal (la Cour de cassation vient d’ailleurs de le confirmer dans un arrêt du 11 mars 2014 n° 13-12503). Les Conseils départementaux de la région parisienne acceptent la stipulation d’une clause de non-concurrence traditionnelle, à condition que la durée et le rayon en soient modérés, par exemple une durée de deux ans et un rayon de 3 kilomètres, de sorte qu’elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’exercice du collaborateur et ne l’empêche pas d’assurer ultérieurement la continuité des soins chez ses propres patients ; une telle clause peut donc être ajoutée sur le modèle du contrat préparé par le Conseil de l’Ordre. L’adjonction de cette clause sera précieuse pour consolider un projet de cession partielle ou globale du cabinet du titulaire.
Quant au rappel de l’article R.4127-278 qui figure ensuite dans le modèle, on ne voit pas très bien à quoi il peut servir, car il ne s’applique pas du tout à la situation du collaborateur, que ce dernier arrive au cabinet du titulaire et prenne la suite d’un collaborateur précédent, ou qu’il en parte, puisque le collaborateur n’est pas « installé » au sens déontologique du terme dans ce cabinet du titulaire.

Article 9 : litiges
Il existe deux options en cas d’échec de la tentative de conciliation (obligatoire ici) : soit le recours au tribunal, soit le recours à l’arbitrage. Il faut biffer la formule qui n’est pas choisie. En général, il est plus rapide de s’adresser au tribunal compétent (option n° 1) qu’à un arbitre (même si le Conseil national a constitué une chambre d’arbitrage qui a très peu fonctionné dans les faits, mais peut donc théoriquement recommander un arbitre).

Le contrat doit être tiré, paraphé et signé en quatre exemplaires dont deux doivent être adressés pour visa déontologique au conseil départemental dans le mois de la signature, conformément à l’article L.4113-9 du Code de la santé publique selon lequel : « Les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes en exercice, ainsi que les personnes qui demandent leur inscription au tableau de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes ou des sages-femmes doivent communiquer au conseil départemental de l’Ordre dont ils relèvent les contrats et avenants ayant pour objet l’exercice de leur profession ainsi que, s’ils ne sont pas propriétaires de leur matériel et du local dans lequel ils exercent ou exerceront leur profession, les contrats ou avenants leur assurant l’usage de ce matériel et de ce local (…). La communication prévue ci-dessus doit être faite dans le mois suivant la conclusion du contrat ou de l’avenant, afin de permettre l’application des articles L.4121-2 et L.4127-1 (…). Les dispositions contractuelles incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de priver les contractants de leur indépendance professionnelle les rendent passibles des sanctions disciplinaires prévues à l’article L.4124-6. »

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