Concevoir un éclairage LED sécurisé et adapté à son exercice

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 44-49)
Information dentaire
L’éclairage artificiel, particulièrement à LED, a des incidences psychobiologiques à ne pas sous-estimer. Un éclairage adapté, performant et reposant d’une salle de soin doit donc se concevoir en conséquence.

Nous avons de nombreux a priori et idées reçues en matière d’éclairage qu’il convient de corriger. À défaut, l’éclairage choisi ne correspondra pas aux exigences très importantes qu’impose la pratique de la dentisterie. Car la capacité du cerveau à interpréter et à s’adapter compense les défauts d’éclairage… au prix d’une fatigue importante du système visuel dont les conséquences cumulatives accélèrent le vieillissement et favorise l’apparition des pathologies.

La plupart de nos a priori sont le plus souvent erronés
Nos idées reçues concernent les trois éléments dont la conjugaison détermine la qualité et la performance de tout éclairage : quantité, répartition et couleur de la lumière.

Je n’y vois plus rien, il me faut un scialytique plus puissant

Surtout pas ! Plus on augmente l’éclairement, plus notre cerveau commande la fermeture de notre pupille pour protéger le fond d’œil de l’éblouissement. De la même façon que fermer le diaphragme d’un objectif diminue la définition de l’image, l’observation à faible distance d’une surface blanche fortement éclairée provoque très rapidement la fermeture de la pupille. Il est donc contre-productif d’augmenter les quantités de lumière d’un scialytique. D’autant plus que les LED, à éclairement égal, éblouissent plus que l’halogène en raison de la forte part de bleu de leur spectre !

Je veux éclairer le fauteuil et la bouche, c’est-à-dire la zone de soin

Pas seulement ! L’œil forme l’image par contraste, à l’instar d’un cliché radiologique. Elle sera d’autant plus fine que les niveaux de gris seront distincts. En conséquence, le contraste doit être géré dans toute la salle de soin et dans chaque champ éclairé. À défaut, l’œil sature et forme des images sans nuances. C’est le même phénomène lorsqu’on croise une voiture en plein phare : de nuit, on la voit très mal, alors que de jour on la voit précisément.
En cabinet dentaire, il faut veiller à l’uniformité tant de la tache de lumière du scialytique, que de toute la salle de soin.

La lumière du jour est à 6 500K
Faux ! 6 500 K est la température de couleur moyenne de la lumière du jour. La couleur naturelle du jour varie de 2 000 K à 8 000 K selon le moment de la journée, la météo et les saisons. Son spectre est toujours régulier et continu. Ainsi, une lumière artificielle à 6 500 K au spectre déséquilibré est intrinsèquement très différente de la lumière naturelle, alors qu’une lumière artificielle à 5 000 K au spectre continu et régulier l’imitera ou la reproduira.

L’architecture et la décoration influent sur l’éclairage
L‘éclairage doit aussi s’inscrire dans un volume intérieur particulier.

La lumière extérieure
Elle est à la fois une aide et une gêne. En fonction de l’heure du jour, de la météo, de l’orientation et de la taille des fenêtres, il s’avère plus ou moins ardu de réaliser un éclairage constant et agréable. « Le choix des teintes doit se faire au nord », car c’est là que la lumière est la plus constante et la moins éblouissante. Une fenêtre au sud ou à l’ouest peut être très dérangeante, tout du moins pour la pratique dentaire, car source d’importantes variations d’intensité, de rayonnement et de couleur de lumière. La nuit, toute fenêtre deviendra par ailleurs noire : elle absorbe alors la lumière et crée des contrastes gênants.
La solution ne relève pas de l’éclairage, mais de l’installation de stores adaptés blanc ou gris clair. Ils permettent de contenir, de nuit la lumière à l’intérieur de la pièce, de jour les rayons du soleil en les réfléchissant à l’extérieur.


Influence
de la lumière extérieure.

L’influence de la taille de la pièce et de la hauteur sous plafond
Comme pour le chauffage, le nombre, la puissance et la position des éclairages dépendent du volume de la pièce (surface et hauteur).
Pour avoir le moins de contraste possible, il faut éclairer tous les plans de la pièce aussi uniformément que possible (murs, sol et plafond). Le plafond joue un rôle essentiel dans la gestion des contrastes. Ne pas en tenir compte, c’est renoncer à une bonne finesse d’image et accepter beaucoup de fatigue visuelle. Les plafonniers doivent donc émettre une part importante de lumière indirecte (lumière du Nord). Si les dimensions de la pièce sont supérieures aux préconisations du fabricant, il faut ajouter des luminaires pour gérer la répartition de la lumière dans ce volume plus grand. Un éclairagiste spécialisé peut proposer une étude d’éclairage en CAO, fondée sur les exigences de la norme EN NF 12464-1.

L’influence de la couleur des murs et des meubles
La réflexion de lumière blanche sur une surface rouge signifie que seule la partie rouge de la lumière blanche reçue est réfléchie. La « pollution » de la lumière émise peut ainsi être importante.
Mais au-delà des principes d’éclairage, la couleur et la décoration de la pièce sont des facteurs très importants du bien-être et de l’appétence au travail. Chacun déterminera en connaissance de cause ce qui lui convient le mieux. Pour autant, mieux vaut éviter les grandes surfaces de couleurs saturées. Façades de meubles et murs seront préférablement clairs. Le plafond qui est un diffuseur de lumière précieux doit rester blanc mat pour favoriser l’uniformité de la lumière dans la pièce et éviter des brillances dérangeantes. Le sol et les plans de travail seront de préférence plus sombres pour éviter les réflexions et les éblouissements fatigants qui en découlent.


L’influence des écrans

Aucun fabricant d’écran ou de télévision ne recommande de lui juxtaposer une source d’éclairage puissante. A contrario, ils promeuvent des systèmes de rétro-éclairage qui diminuent le contraste entre l’écran et son environnement.
Intégrer un écran dans un luminaire puissant ne correspond pas aux critères de bonne vision. Ce jugement ne met pas en cause l’intérêt d’un écran, mais son positionnement. Il faut donc d’abord éclairer, puis positionner l’écran en fonction de ce pour quoi il est dédié et de l’axe de vision du regardant. Les lunettes à réalité augmentée seront une solution plus simple à court terme.

Le cas des pièces aveugles
C’est en fait le cas le plus simple, car la lumière extérieure n’interfère pas. C’est ici plus l’ambiance qu’il faut gérer, donc la décoration.

Nous avons défini la nature de la lumière et le lieu dans lequel elle est conçue… reste un facteur très important : pour quoi faire ?

La spécificité de la lumière selon les tâches à effectuer
L’éclairage requis en dentisterie est variable d’un type d’acte à l’autre. Chaque spécialisation a ses propres contraintes.

La chirurgie

Taille du champ éclairé, quantité de lumière du spot et gestion des ombres portées sont les critères souvent mis en avant.
Le premier se justifie, car l’on est amené à tourner la tête du patient lors d’une pose multiple d’implants. Tout réglage du scialytique est alors anti-productif et à l’encontre des conditions d’hygiène. Il faut donc une taille de tache lumineuse conséquente, mais surtout très uniforme.
Le second paramètre doit être nuancé, car il est faux que la chirurgie nécessite beaucoup plus d’éclairement que la dentisterie. Une quantité de lumière supérieure est certes nécessaire, mais elle doit être contenue pour éviter les éblouissements.
Les ombres portées, enfin, proviennent des 4 mains et des 2 têtes au moins qui interfèrent dans et autour de la bouche. En chirurgie hospitalière, les ombres portées sont traitées par des scialytiques dont le champ d’éclairement fait 40 à 50 cm de diamètre. En dentisterie, les scialytiques chirurgicaux proposent des champs de 15 cm de diamètre. Ils doivent absolument être complétés par un éclairage général afférent puissant.
La couleur de la lumière est souvent négligée. Elle est pourtant un point important : la chirurgie nécessite de voir sang, tissus mous et os, donc du blanc, mais aussi du jaune et du rouge.
Un éclairage de 4 500 K à 5 000 K mettra en valeur ces nuances (tableau 1).

La dentisterie esthétique

L’excellente vision de la luminosité de la dent, de sa forme et son opalescence, de son état de surface, de sa couleur, est le facteur de réussite. Et en cas d’utilisation de composites, la photopolymérisation doit être la plus retardée possible. Tous ces facteurs plaident pour un travail sans scialytique en pure lumière du jour D65. Le scialytique reste néanmoins incontournable en fond de bouche, zones palatines, etc.
Les performances du plafonnier doivent permettre de se suffire pour le travail sur les faces vestibulaires des dents du bloc antérieur. Le scialytique sert en assistance dans le secteur postérieur (tableau 2).

L’omnipratique
Il s’agit du poste le plus complexe, puisqu’un omnipraticien est de fait un multi-spécialiste.
Plus son exigence de qualité ou celle de sa clientèle sera élevée, plus il lui faudra choisir des appareils qui lui facilitent tous les actes dans le plus grand confort.
En tout état de cause, scialytique et plafonnier doivent être sécurisés, tant du point de vue des bleus HEV que de la gestion des contrastes dans la pièce. À cet égard, pour les deux appareils, il faut éviter les LED 6 500 K et privilégier la LED technologie bi-phosphore plafonnée à 5 000 K. Plus haut de gamme, les scialytiques et plafonniers à LED complexes (qui peuvent reproduire le D65) contiennent encore mieux la puissance des bleus HEV et dispensent un spectre de lumière assurant la meilleure vision possible.

L’orthodontie


La nature des actes effectués même en fond de bouche permet d’utiliser le seul plafonnier, de très haute qualité, au lieu de la combinaison plafonnier/scialytique. Avantage collatéral non négligeable : à puissance d’éclairement moins élevée (puisqu’il n’y a pas de scialytique), les colles photo démarrent leur photopolymérisation moins rapidement (tableau 3).

L’usage des loupes
Ces aides optiques procurent un confort de travail très important. Elles sont incontournables pour les presbytes. Mais l’usage de leur LED est discutable, car elles sont assez puissantes et comprennent systématiquement une part très importante de bleu HEV toxique. Mieux vaut s’en passer. Il est alors nécessaire de disposer d’un éclairage environnemental irréprochable. À savoir un plafonnier puissant et un scialytique à champ large et uniforme.

L’utilisation des instruments rotatifs à LED
C’est la même chose que pour les LED des loupes. Mais ici, l’utilité de la LED de l’instrument est de supprimer l’ombre portée de la tête de l’instrument dans le champ du scialytique. Il est difficile de s’en passer. Il faut donc choisir l’ampoule LED ayant une température de couleur basse (4 500 K maximum).

Le bureau
Pour les salles de soin qui incluent un bureau, un éclairage dédié à cet espace doit être prévu, avec une couleur de lumière et un niveau d’éblouissement choisis pour favoriser les échanges avec le patient. Il ne doit pas gêner le praticien, l’assistante ou le patient pendant les actes.
Le critère central de choix sera l’UGR (Unified Glare Rating, indice permettant d’évaluer le niveau dinconfort par éblouissement), qui doit toujours être inférieur à 19. L’ambiance sera adoucie par une température de couleur de 4 000 K.

L’éblouissement est essentiellement provoqué par les bleus HEV. Ces bleus HEV, toxiques, sont dominants dans les LED, contrairement à l’halogène. À éclairement égal, un luminaire à LED est nettement plus éblouissant que l’halogène. Il est donc primordial de réduire la part du bleu, donc la température de couleur des LED. La part de bleu HEV baisse en effet d’un tiers entre une LED 6 500 K et une LED 5 000 K !

Points essentiels

• Un scialytique trop puissant nuit à la bonne vision : la pupille se ferme, ce qui diminue la définition de l’image.
• A l’instar d’un cliché radiologique, trop de contraste sature l’œil. Uniformité est le maître mot pour l’éclairage de la salle de soin et la tache lumineuse du scialytique.
• 6 500 K n’est pas le critère de la lumière du jour. C’est la régularité et l’équilibre de son spectre qui la définissent. L’illuminant D65 en est sa représentation normative.
• La configuration intérieure est à prendre en considération dans la conception
de son éclairage : architecture, lumière extérieure, volume de la pièce, décoration interfèrent et doivent être pris en compte.
• Selon les actes, le besoin de lumière est différent. La puissance et la couleur de la lumière sont à moduler en fonction des exigences de vision.

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