Loi Macron pour une libéralisation timide de l’économie

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 38-40)
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La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « Loi Macron », a été publiée au Journal officiel du 7 août 2015. Avec plus de 300 articles, les dispositions adoptées sont nombreuses et concernent de vastes domaines, des professions libérales au travail le dimanche en passant par la justice prud’homale…

Le texte final de la Loi Macron est certainement moins ambitieux qu’au départ ; il s’est en effet heurté au lobbying des professions réglementées, notamment des notaires, et à l’hostilité d’une partie des députés, contraignant le gouvernement utiliser l’article 49, alinéa 3 de la Constitution pour le faire passer.
Le Conseil constitutionnel a également invalidé 23 de ces articles, en particulier celui permettant de plafonner le montant des indemnités allouées à un salarié lors d’un contentieux prud’homal.
Mais la volonté de libérer ou de libéraliser l’économie, avec l’objectif de favoriser la croissance, est clairement affichée. Ces dispositions seront-elles suffisantes ? Nous vous proposons de faire le point sur les principales ou celles susceptibles d’avoir une incidence sur la vie du cabinet.

Réforme des professions libérales

Les mesures les plus emblématiques concernent les notaires avec la suppression du numerus clausus et l’encadrement des tarifs.
Cette fin du numerus clausus s’applique également aux huissiers de justice et aux commissaires-
priseurs judiciaires. Les futurs professionnels pourront continuer à racheter la charge d’un prédécesseur ou créer un nouvel office. Mais le choix du lieu d’installation reste encadré. Il est limité aux zones où l’implantation d’offices apparaît « utile » pour renforcer la proximité ou la concurrence.
Les tarifs applicables aux prestations des officiers ministériels ou judiciaires (notaires, huissiers…) seront réglementés et fixés par arrêtés conjoints des ministres de la Justice et de l’Économie. Ils seront revus au moins tous les cinq ans après avis de l’Autorité de la concurrence. Dans un souci de transparence, les tarifs pratiqués devront être affichés, dans le lieu d’exercice et sur le site Internet du professionnel.
Mais la plupart des professionnels libéraux sont concernés par cette loi qui, par ailleurs, a assoupli le régime des sociétés d’exercice libéral (SEL).
La loi de 1990 instituant les SEL évoquait la possibilité de créer des sociétés multi-professionnelles. Mais, en l’absence de décrets, le texte ne s’est jamais appliqué.
La loi Macron va permettre l’ouverture du capital dans les SEL.
Tout en maintenant la garantie de détention majoritaire du capital et des droits de vote par des professionnels en exercice dans la société, elle introduit de nombreuses exceptions.
La majorité des droits de vote, en plus de la majorité du capital, peut désormais être détenue par :
– une personne physique ou morale exerçant la même profession que la société, sans qu’il soit nécessaire qu’elle exerce cette profession au sein de cette société ;
– un professionnel établi dans un autre état de l’Union européenne, de l’espace économique européen ou en Suisse ;
– par une société de participations financière de professions libérales (SPFPL).
Pour les professions de santé, plus de la moitié du capital (et non des droits de vote) des sociétés d’exercice libéral peut aussi être détenue par des personnes exerçant la profession constituant l’objet social ou par des SPFPL.
Un praticien peut ainsi être majoritaire dans le capital d’une SEL, sans y exercer son activité professionnelle.
Les mesures concernant les professions juridiques ou judiciaires sont encore plus souples puisqu’il suffit que le détenteur de la majorité du capital ou des droits de vote soit un professionnel du droit. Une SEL d’avocats peut ainsi être majoritairement détenue par des notaires et inversement.

Actionnariat et épargne salariale
Les règles concernant l’attribution d’actions gratuites aux salariés ont été assouplies et les cotisations patronales abaissées à 20 %. Les régimes de l’intéressement et de la participation sont également simplifiés. Les structures de taille plus modestes pourront bénéficier des nouvelles dispositions sur le plan d’épargne retraite collectif (Perco).
Jusqu’à présent, l’abondement de l’employeur à un plan d’épargne salariale nécessitait un versement effectué à l’initiative du salarié.
Dorénavant, l’employeur pourra alimenter unilatéralement le Perco par des versements périodiques, à condition que le règlement du plan le prévoie et sous réserve d’une attribution uniforme à l’ensemble des salariés. La périodicité des versements devra être précisée dans le règlement du Perco et les plafonds de versement annuel seront fixés par décret. Les versements de l’employeur seront soumis au même régime fiscal et social que l’abondement des entreprises.
Le principe de non-substitution avec le salaire continuera de s’appliquer, l’employeur ne pourra pas remplacer une prime annuelle par un versement sur le Perco.
Les employeurs sont actuellement redevables d’une contribution de 8,2 % sur la fraction de leur abondement au Perco excédant annuellement, pour chaque salarié, dirigeant ou chef d’entreprise, la somme de 2 300 €. Cette contribution est supprimée pour les abondements versés par les employeurs à compter du 1er janvier 2016.
Les salariés d’entreprises ne disposant pas de compte épargne temps (CET) ont la possibilité d’alimenter le Perco avec des jours de repos non pris dans une certaine limite fixée jusqu’à présent à 5 jours par an. Cette limite est portée à 10 jours par an.
D’autre part, le montant des sommes correspondant à des jours de repos non pris utilisés pour alimenter un Perco n’est pas pris en compte dans le calcul du plafond annuel de versements.

Réforme de la justice prud’homale
Afin de favoriser une résolution amiable des litiges et de réduire les délais de jugement, la procédure prud’homale est réformée.
Jusqu’à présent, en cas de litige entre salarié et employeur, le bureau de conciliation devait être saisi. Dorénavant, le recours à une médiation conventionnelle est envisageable. Cette procédure permet de faire appel à un tiers en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. Les parties pourront également conclure une convention de procédure participative tant qu’aucun juge n’est saisi. Les parties doivent s’engager, pour une durée déterminée, à chercher une solution amiable à leur différend et à ne pas saisir le juge pendant la durée de la convention. En cas d’échec de cette convention, lorsque les parties saisissent le conseil de prud’hommes, elles ne sont pas dispensées de la phase obligatoire de conciliation.
Les attributions du bureau de conciliation, désormais appelé « bureau de conciliation et d’orientation », sont élargies. Il peut orienter l’affaire devant l’une des différentes formations du bureau de jugement et réduire les délais de traitement des litiges. Si une partie ne comparaît pas personnellement ou n’est pas représentée à l’audience de conciliation, en l’absence de motifs légitimes, le bureau de conciliation pourra juger l’affaire au fond et statuer en tant que bureau de jugement en formation restreinte.

Prévention et traitement des difficultés d’entreprises
Un important volet de la loi est consacré à améliorer la trésorerie des entreprises et à la gestion éventuelle de leur défaillance.
Depuis la loi sur la modernisation de l’économie, les délais de paiement ne peuvent pas dépasser, au choix de l’entreprise, 45 jours depuis la fin du mois au cours duquel la facture a été émise ou 60 jours à compter de l’émission de la facture. La loi Macron ne prévoit qu’une règle. Le délai de règlement entre entreprises ne doit pas dépasser 60 jours à compter de la date d’émission de la facture.
Les entreprises publiques sont également soumises au délai maximum de paiement de 60 jours ; le dépassement de ce délai pourra être sanctionné par une amende administrative pouvant aller jusqu’à 375 000 € pour une première infraction et jusqu’à 750 000 € en cas de nouveau dépassement dans les deux ans à compter de la première sanction.
Par ailleurs, un nouveau dispositif sur les petites créances impayées devrait en faciliter l’encaissement.
Les créanciers pourront confier directement à un huissier le recouvrement de leurs créances, sans solliciter en justice une ordonnance en injonction de payer.
Cette procédure amiable pourra être utilisée pour des créances contractuelles inférieures à un montant qui sera fixé par décret. Elle se déroulera dans un délai d’un mois à compter de l’envoi par l’huissier d’une lettre recommandée avec accusé de réception invitant le débiteur à y participer. Avec l’accord du créancier et du débiteur sur le montant et les modalités du paiement, l’huissier pourra délivrer un titre exécutoire.
Les frais de cette procédure amiable resteront à la charge exclusive du créancier.
Enfin, la protection de la résidence principale constitue pour les chefs d’entreprise une mesure particulièrement intéressante en mettant à l’abri d’une éventuelle saisie leur habitation en cas de faillite. Dorénavant, la résidence principale des personnes physiques immatriculées à un registre professionnel (registre du commerce, répertoire des métiers…) ou exerçant une activité agricole ou indépendante est de droit insaisissable par les créanciers professionnels.
Jusqu’à présent, les entrepreneurs individuels devaient solliciter un notaire pour établir et publier une déclaration d’insaisissabilité.
Cette mesure est opposable aux créanciers professionnels dont les droits sont nés après le 7 août 2015, mais ne s’appliquera pas en cas de fraude fiscale.

La loi Macron aborde une multitude d’autres points, dont certains ont fait l’objet d’une importante médiatisation (travail le dimanche, transports en autocars…) ou soulevé la fronde de professions (avocats, notaires, huissiers…) pour en limiter la portée. On peut s’interroger sur leur efficacité, mais l’orientation est donnée… en attendant Macron II.


La loi instaure notamment la protection
de la résidence principale pour les entrepreneurs individuels.

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