Traitement d’une péri-implantite : le choix du « tout laser »

  • Par
  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°41 - 29 novembre 2023 (page 78-84)
Information dentaire

Le patient

  • 70 ans
  • Pas d’antécédents médicaux
  • Ne fume pas
  • Hygiène correcte

L’implant

  • Site 23
  • Mis en place il y a 12 ans
1. Saignement au sondage en nappe et suppuration. Ces signes sont associés à une profondeur de poche supérieure à 9 mm.
2. Perte osseuse mésiale d’environ 40 % de la hauteur de l’implant. Il s’agit d’une péri-implantite modérée sur un implant unitaire (classe PA1b dans la classification APARA [1]). L’adaptation de la couronne n’est pas parfaite, mais sa conservation ne devrait pas compromettre la cicatrisation de la lésion après traitement. Des lasers seront utilisés suivant le protocole RA2 de la classification APARA. Une décontamination chimique par thérapie photodynamique [2-5] au laser diode sera associée à un traitement mécanique au laser Erbium-YAG (Er-YAG) [6, 7]. Une greffe de tissu conjonctif enfoui sera réalisée dans le même temps opératoire, le tout sous couverture antibiotique (amoxicilline, 2g/j pendant 7 jours, à commencer la veille de l’intervention).
3. La thérapie photodynamique est réalisée à l’aide d’un laser diode (660 nm) et d’un agent coloré bleu photosensible (chlorure de phénothiazine adapté à la longueur d’onde du laser). Cet agent est inséré dans la poche à l’aide d’une seringue fine, laissé en place 3 minutes, puis rincé en surface avec du sérum physiologique ou de l’eau.
4. La fibre laser 2D est insérée et 6 irradiations de 10 secondes sont réalisées tout autour de l’implant. Cela permet l’activation de radicaux libres oxygénés bactéricides. Afin de ne pas diluer le colorant dans le sang et de lui permettre une meilleure fixation sur les bactéries, cette décontamination chimique est réalisée préalablement à l’élévation du lambeau.
5. Dans la même séance, des incisions sont effectuées à l’aide d’un laser Er-YAG en mode « incision de lambeau » (200 mJ, 15 Hz, 3 W). Les décharges verticales englobent une dent adjacente à l’implant en mésial et en distal. Cela permet d’avoir accès à la totalité du cratère péri-implantaire.
6. La fibre du laser Er-YAG est insérée en intrasulculaire et orientée en direction de l’os comme pour une incision à biseau interne à l’intérieur de la poche. Les mêmes réglages que pour la découpe du lambeau sont utilisés pour séparer le tissu de granulation du tissu sain, porté par la face interne du lambeau. Ceci est possible car le tissu de granulation inflammatoire est plus chargé en eau que la gencive saine. Il va alors absorber préférentiellement la longueur d’onde de 2 940 nm du laser Er-YAG et se détacher de la gencive saine.
7. L’élévation du lambeau de pleine épaisseur montre un tissu de granulation abondant, qu’il faut enlever pour évaluer la perte osseuse.
8. Le laser Er-YAG est appliqué en abord défocalisé sans contact. La pointe ne touche pas le tissu de granulation. Au fur et à mesure que celui-ci se détache du lambeau, le rayonnement se fait en direction de l’os. L’objectif n’est pas de pulvériser le tissu de granulation, mais de le détacher de la surface osseuse en un seul morceau.
9. Une fois le tissu de granulation retiré et après un nouveau réglage (100 mJ, 20 Hz, 2W), la fibre du laser Er-YAG est dirigée vers l’implant pour nettoyer la surface, enlever le tartre et éliminer les éventuelles fibres de tissu de granulation restées entre les spires. Puis la corticale osseuse est impactée avec un nouveau réglage (300 mJ, 20 Hz, 6W) afin d’augmenter l’apport sanguin dans le cratère.
10. Une brossette en titane permet en dernier lieu d’obtenir une surface propre et mate avec une meilleure mouillabilité. L’utilisation seule de cette brossette a tendance à lisser les dépôts de tartre accrochés à la surface implantaire sans les retirer.
11. On observe une perte osseuse d’environ 40 % de la hauteur de l’implant en mésial et en distal. Le site est ensuite rincé abondamment au sérum physiologique, puis de l’eau oxygénée est appliquée sur la surface implantaire exposée.

 

 

 

12. Un greffon épithélioconjonctif est prélevé au palais puis désépithélialisé. Le conjonctif résiduel a une épaisseur d’environ 2,5 mm.
12bis
12ter
13. Le greffon est positionné sur l’implant et le cratère osseux : il doit couvrir totalement la surface exposée de l’implant ainsi que le cratère osseux en hauteur et en largeur. Il ne s’agit pas d’une greffe à visée esthétique. Le greffon doit servir de barrière dense pour protéger le caillot sanguin autour de l’implant. Il n’y a aucun biomatériau. Le seul matériau biologique est le sang du patient accumulé sur le site en quantité suffisante grâce à l’effet du laser Er-YAG. En effet, le laser a créé des impacts sur la corticale avec une énergie thermique permettant l’ouverture des canaux de Havers et la libération de facteurs de cicatrisation.
14. La suture du greffon est faite directement autour de l’implant. Dans d’autres situations, il peut être suturé à la face interne du lambeau.
15. Le lambeau est suturé à l’aide d’un fil résorbable.
16. À 4 mois postopératoires, il n’y a aucun signe d’inflammation. La quantité de gencive attachée est faible. La récession au collet de l’implant n’est pas gênante, car ce patient ne découvre pas cette zone. Ce point doit être analysé en fonction de la ligne du sourire et discuté avec le patient en amont du traitement. En effet, il n’est pas rare d’avoir ce type de récession en secteur antérieur. Dans les cas de sourire gingival, la technique chirurgicale peut varier.
17. À 4 mois, on note un aspect moins radioclair du cratère péri-implantaire signalant le début d’une reconstitution osseuse.
18. À 18 mois, la cicatrisation osseuse se confirme, le cratère mésial a disparu et le tissu osseux est reconstitué naturellement, sans avoir eu recours à un biomatériau ou à une membrane.

 

 

LASERS ET MALADIES PÉRI-IMPLANTAIRES

  • Il existe des lasers à haute énergie ou à faible énergie. La courbe d’absorption des rayonnements laser détermine quatre effets principaux des lasers utilisés en chirurgie dentaire :

    – effet photoablatif (pour couper les tissus mous et durs) pour les lasers de haute énergie (810 à 10 600 nm),
    – effet photochimique (décontamination) pour les lasers de haute énergie (810 à 980 nm),
    – thérapie photodynamique (bactéricide avec colorant photosensible) pour les lasers de faible énergie (600 à 800 nm),
    – effet de photobiostimulation (stimulation de la guérison) pour les lasers de faible énergie (440 à 970 nm).

  • Parmi ces longueurs d’onde, deux lasers (Er-YAG et Diode) sont intéressants dans le traitement de la péri-implantite :

    – Le laser Er-YAG, utilisé pour le nettoyage, est un laser avec un milieu actif composé d’yttrium, d’aluminium et de grenat dopé à l’erbium. Avec une longueur d’onde de 2 940 nm situé dans l’infrarouge, le laser Er-YAG est un laser à haute énergie, dont la lumière est absorbée dans l’eau et dans l’hydroxyapatite et qui ne pénètre pas profondément. Ceci permet de couper des tissus mous et des tissus durs, mais également de désorganiser le biofilm bactérie.
    C’est un laser idéal pour le traitement chirurgical des péri-implantites. Il permet l’élimination du tissu de granulation à la surface de l’implant et de l’os ainsi qu’une décontamination mécanique par effet photoablatif.

    – Le laser Diode, utilisé pour la décontamination…

Cet article est réservé aux abonnés.
Pour lire la suite :

Vous êtes abonné.e ? Connectez-vous
Mot de passe
oublié ?

Vous pouvez également :

Acheter l'article En version numérique
Acheter le numéro À l'unité
Acheter

Thèmes abordés

Sur le même sujet

Implantologie

Article réservé à nos abonnés Implants et polyarthrite rhumatoïde : de l’ostéo-intégration à la péri-implantite. Comment évaluer actuellement le risque d’échec dans notre pratique ? Revue systématique de la littérature

RÉSUMÉ Objectifs L’implantologie orale est devenue en quelques décennies une technique de référence dans le traitement des édentements unitaires ou multiples....
Parodontologie

Article réservé à nos abonnés Gestion du tissu kératinisé chez les patients adultes orthodontiques : mise au point clinique

RÉSUMÉ L’orthodontie et la parodontologie sont deux disciplines odontologiques intimement liées en raison de leurs actions communes sur le parodonte. Une absence...
Implantologie

Article réservé à nos abonnés L’abord crestal du sinus et ses indications

RÉSUMÉ L’implantologie dans le secteur maxillaire postérieur constitue un défi majeur pour les chirurgiens-dentistes. La proximité du sinus maxillaire et les...
Parodontologie

Article réservé à nos abonnés Consultation halitose au sein d’un service de parodontologie : étude clinique rétrospective sur 15 ans

RÉSUMÉ Contexte Les auteurs de cette étude ont cherché à établir le parcours de soins et à évaluer les données...
Parodontologie

Article réservé à nos abonnés Le traitement parodontal et les affections de longue durée (ALD)

Cliniquement, la parodontite se manifeste par une atteinte du parodonte superficiel et profond : gencive œdématiée avec saignement provoqué au...
Implantologie Implantologie chirurgicale

Article réservé à nos abonnés Comblement sinusien : le matériau fait-il la différence ?

Les types de matériaux les plus courants pour la réalisation de greffes osseuses en chirurgie orale sont l’os d’origine autogène,...

Cet article est paru dans

L'Information Dentaire

N° 41 | 29 novembre 2023
Acheter ce numéro
M'abonner

Newsletter

Inscrivez-vous à la newsletter pour recevoir chaque semaine l’essentiel de L’Information Dentaire

Je m'inscris

E-learning DPC

27 formations E-learning 100% prises en charge.

Consulter le programme

Abonnement

Abonnez-vous pour recevoir la revue et bénéficiez des services en ligne
Je m'abonne

Application mobile

Retrouvez les éditions abonnés sur notre application mobile

Nos autres revues

Découvrez nos autres revues et abonnez-vous
Découvrir