Feuilleter un extrait
Information dentaire

L'Information Dentaire n°41 - 29 novembre 2023

Je m'abonne >
Acheter ce numéro >

Edito

Péri-implantite : l’ennemi sournois Alors que les complications mécaniques, fracture de vis ou d’implants, restent rares [1] et souvent associées à des erreurs de conception, les complications biologiques augmentent de façon importante. Un consensus se dégage et situe la prévalence de la péri-implantite à un patient sur cinq et à un implant sur dix [2]. En l’absence de maintenance, ces chiffres sont atteints dès la cinquième année [3]...

Péri-implantite : l’ennemi sournois

Alors que les complications mécaniques, fracture de vis ou d’implants, restent rares [1] et souvent associées à des erreurs de conception, les complications biologiques augmentent de façon importante. Un consensus se dégage et situe la prévalence de la péri-implantite à un patient sur cinq et à un implant sur dix [2]. En l’absence de maintenance, ces chiffres sont atteints dès la cinquième année [3] et augmentent avec le temps [4].

De façon plus concrète, un praticien qui pose régulièrement des implants depuis plus de trente ans gère au moins un cas de péri-implantite par jour. C’est mon cas.

Cette complication est inquiétante car, en l’absence de traitement, son évolution est rapide [5].

Déconcertante, car nous ne disposons pas encore de recommandations ou de consensus sur les techniques de traitement les plus efficaces [6, 7].

Frustrante, car le taux de récidive après traitement est élevé [8, 9].

Déroutante, car elle laisse, après dépose de l’implant, des lésions osseuses importantes. Réintervenir devient difficile. À tel point que l’implantologiste avisé laisse, quand cela est possible, des sites non implantés qui seront peut-être très utiles quelques années plus tard !

Enfin sournoise, car souvent non détectée par le patient. En l’absence de suivi, ce développement à bas bruit de la maladie engendre des diagnostics tardifs, des traitements plus difficiles et des pronostics dégradés. Quel crève-cœur lorsqu’il faut annoncer à un patient heureux et confiant que certains de ses implants perdent de l’os, que d’autres sont déjà perdus, que la reconstruction est en danger et qu’il va falloir mettre en place un traitement compliqué et onéreux !

La péri-implantite est donc bien l’ennemi principal de l’implantologiste. Elle nous impose de porter un regard réaliste sur le pronostic de nos traitements implantaires, de repenser certains plans de traitement agressifs et peu conservateurs, de rester prudents lorsque nous informons nos patients, de choisir des implants hybrides ou à col lisse, de mettre en place un suivi rigoureux des patients à risque et de développer des méthodes de traitement efficaces. Ce numéro spécial explore quelques-unes de ces pistes et, je l’espère, comporte quelques raisons de rester optimiste.

Que nos auteurs Kevimy Agossa, David Aidan, Philippe Bidault, Arnaud Darré, Bruno De Carvalho, Matthieu Dalibard, Camille Decroos, Laurent Detzen, Philippe Doucet, David Nisand, Brenda Mertens, Amandine Para, Jules Reignier, Michèle Reners, Olivier Samtmann soient ici félicités et très vivement remerciés pour leurs brillantes contributions.

Une immense reconnaissance à L’Information Dentaire, sa directrice Claudie Damour-Terrasson, ses rédacteurs en chef, Michèle Reners et Michel Bartala, pour la confiance qu’ils m’accordent. Je leur renouvelle ici mon amitié et mon admiration pour le travail qu’ils accomplissent à la tête de cette belle revue.

Un très grand merci enfin à la directrice des rédactions, Nathalie Devaux, et sa collaboratrice, Marie-Laetitia Sibille, pour leur aide efficace et bienveillante, ainsi qu’aux membres de l’équipe de L’Information Dentaire avec lesquels je suis régulièrement en contact, Franck Rouxel, Lauriane Laine Salomon, Sakina Zennache et Natacha Cabaret.

Philippe Khayat, coordinateur scientifique, exercice libéral en implantologie orale (Paris)


1. Sailer I, Karasan D, Todorovic A, Ligoutsikou M, Pjetursson BE. Prosthetic failures in dental implant therapy. Periodontol 2000. 2022;88(1):130‑44. 2. Fu JH, Wang HL. Breaking the wave of peri-implantitis. Periodontol 2000. oct 2020;84(1):145‑60.
3. Rokn A, Aslroosta H, Akbari S, Najafi H, Zayeri F, Hashemi K. Prevalence of peri-implantitis in patients not participating in well-designed supportive periodontal treatments: a cross-sectional study. Clin Oral Implants Res. 2017;28(3):314‑9.
4. Derks J, Tomasi C. Peri-implant health and disease. A systematic review of current epidemiology. J Clin Periodontol. 2015;42 Suppl 16:S158-171.
5. Schwarz F, Derks J, Monje A, Wang HL. Peri-implantitis. J Periodontol. 2018;89 Suppl 1:S267‑90.
6. Ramanauskaite A, Fretwurst T, Schwarz F. Efficacy of alternative or adjunctive measures to conventional non-surgical and surgical treatment of peri-implant mucositis and peri-implantitis: a systematic review and meta-analysis. Int J Implant Dent. 2021;7(1):112.
7. Schwarz F, Jepsen S, Obreja K, Galarraga-Vinueza ME, Ramanauskaite A. Surgical therapy of peri-implantitis. Periodontol 2000. 2022;88(1):145‑81.
8. Serino G, Turri A. Outcome of surgical treatment of peri-implantitis: results from a 2-year prospective clinical study in humans: Outcome of surgical treatment of peri-implantitis. Clin Oral Implants Res. 2011;22(11):1214‑20.
9. Ravidà A, Siqueira R, Di Gianfilippo R, Kaur G, Giannobile A, Galindo-Moreno P, et al. Prognostic factors associated with implant loss, disease progression or favorable outcomes after peri-implantitis surgical therapy. Clin Implant Dent Relat Res. 2022;24(2):222‑32.
Voir plus

Éditorial

Péri-implantite : l’ennemi sournois I Lire ci-dessus
Philippe Khayat

Avant-Propos

Péri-implantite, qui es-tu ?
Michèle Reners

Actualités

Reconstruction osseuse et péri-implantite
Pascal De March

Presse médicale spécialisée
Philippe Léonard

Actualité hebdo
Nicolas Fontenelle

Formation ADF 3 – Péri-implantite

Coordonné Par Philippe khayat

Le traitement des péri-implantites ou comment s’orienter dans le grand labyrinthe
Matthieu Dalibard

Traitement d’une péri-implantite par chirurgie de régénération osseuse guidée
Philippe Doucet

Une stratégie « zéro péri-implantite » est-elle possible ?
David Nisand, Laurent Detzen, Camille Decroos

Surfaces implantaires et péri-implantite : point et contre-point
Philippe Khayat, Kevimy Agossa

Traitement de la péri-implantite par décontamination électrolytique et régénération osseuse guidée
Bruno De Carvalho

Le point sur l’implantoplastie
Philippe Khayat, David Aidan

Tissue Level contre Bone Level
Philippe Bidault

Traitement d’une péri-implantite : le choix du « tout laser »
Amandine Para

Couple d’insertion élevé et péri-implantite
Jules Reignier

Traitement d’une péri-implantite et son suivi : est-ce réellement aussi simple ?
Brenda Mertens

La réostéointégration de l’implant est-elle possible ?
Arnaud Darré

Os reconstruit et implant : une liaison dangereuse ?
Olivier Samtmann

Évasion

Art

Avancées abstraites et audaces figuratives : la modernité en accéléré
Thierry Leroux


Péri-implantite, qui es-tu ?

Tu es née à la fin du siècle dernier, on a retrouvé des traces de tes premiers pas en 1965. Timide au départ, tu t’es fait connaître et reconnaître, et tu es très vite devenue l’invitée de tous les congrès mondiaux d’implantologie dentaire : une vraie star ! Des centaines de chercheurs, scientifiques et cliniciens te guettent, te traquent, t’analysent et tentent d’élucider ton mécanisme. Certes, tous ne sont pas d’accord sur ta prévalence, tu sèmes le doute et il reste encore beaucoup de travaux de recherche avant qu’on ne te maîtrise.

Alors, que cherches-tu à prouver : nous mettre face à nos échecs, nous provoquer ?

On pourrait te prendre pour la cousine de la parodontite, mais, bien qu’il y ait un air de famille, tu es encore plus sournoise. Comme elle, tu te développes sur des sujets affaiblis par divers facteurs de risque évidents, tels le diabète ou le tabac, qui te facilitent la tâche et t’aident à t’installer et à te répandre. Mais il persiste des situations cliniques où nous pensions tout contrôler qui nous laissent pourtant sans explication claire. Tout nous paraissait parfait et, subitement, tu es là ! Tu enflammes un peu, beaucoup, à la folie ou pas du tout, mais tu détruis toujours. Tes armes sont silencieuses, on ne te voit pas arriver, tu évolues à bas bruit. Tes alliées sont les bactéries, mais aussi les plus petites failles du système immunitaire ou des reconstructions prothétiques.

Tu vas jusqu’au bout, te répandant sur les surfaces rugueuses, tu te régales.

Il y a une part de mystère en toi, péri-implantite. On te décrit comme une plaie chronique non cicatrisante ! On voudrait te classifier, mais tes facteurs de risque sont multiples et se cachent partout : dans les cellules de nos patients, dans leur style de vie, dans les pièces prothétiques, dans le ciment, mais aussi dans tous les autres facteurs iatrogènes. En effet, tu aimes semer la zizanie entre les différents intervenants, chirurgiens, praticiens-prothésistes et techniciens.

Quand te comprendrons-nous complètement ? Peut-être, comme le dit Étienne Klein : « On ne saura jamais tout, mais on apprendra toujours. » Certains se targuent de ne jamais t’avoir rencontrée, mais ne savent-ils pas te reconnaître ou bien se voilent-ils la face ?

Nos actions préventives sont : analyser la situation anatomique, évaluer le profil de risque des patients et planifier la prothèse la plus adaptée. Si malgré tout, tu sévis, notre armée se déploiera alors à coups de bistouri, d’attaques d’antibiotiques ou de technologie avancée.

Comment, à l’avenir, le praticien arrivera-t-il à te vaincre ? Aura-t-il besoin des prouesses de l’IA pour fournir tous les facteurs de risque qui, à l’heure actuelle, ne sont même pas encore connus et ne nous semblent pas majeurs ?

Est-ce que des tests biochimiques, biologiques ou autres seront suffisamment puissants pour nous informer de tes possibilités de développement et alors nous guider vers d’autres solutions prothétiques avant de s’engager dans un traitement implantaire ? Ou bien ceux-ci pourront-ils dépister au plus tôt la plus petite expression de ta présence, de manière à être sur la défensive ?

Qui que tu sois et quoi que tu planifies, nos bataillons de chercheurs arriveront bien un jour à te juguler. En attendant, chaque praticien envisagera l’extraction d’une dent comme la toute dernière option. En effet, les limites de conservation des dents sont repoussées toujours plus loin grâce à des technologies de pointe tant en parodontologie, en endodontie qu’en dentisterie restauratrice et prothétique non mutilante.

En résumé, nous ne te laisserons pas gagner du terrain et nous limiterons le recours aux implants en sauvant les dents !

Michèle Reners
Rédactrice en chef