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ÉDITORIAL
Échec et mat
Alors que je suis depuis une heure sur cette extraction, je commence à sentir le stress monter. Cette molaire ne veut désespérément pas quitter son alvéole douillette. Mes gestes se font plus rapides… ou plutôt nerveux. Je pose, non je jette les instruments sur le champ opératoire. Comme si mon énervement allait m’aider à sortir les racines de la dent. Et puis, un bruit sec. Mon empressement n’aura eu pour effet qu’une perte de temps supplémentaire pour aller chercher cet apex un trop ventru à mon goût.
De nombreux paramètres peuvent expliquer nos déconvenues, nos échecs. Lors d’un congrès récent, Franck Renouard a proposé une séance que je qualifierais d’extraordinaire. En collaboration avec trois praticiennes talentueuses, reconnues pour leur sens clinique, il a mis en scène de vrais échecs, vécus par ces consœurs. Une fois ces épreuves cliniques exposées, une analyse pertinente de la cause permettait de mieux appréhender la raison de ce « couac ». Ainsi, le mécanisme de ces « ratés » bien expliqué, des protocoles peuvent être mis en place, évitant ou limitant leur reproduction. La vraie vie exposée. En effet, avec un peu de décalage, on peut dire que deux chiffres n’existent pas en médecine : zéro et cent. Zéro, car aucun traitement, aucune thérapeutique ne présente zéro risque. Cent, car je ne connais aucune statistique médicale montrant cent pour cent de succès sur le long terme.
Alors, au milieu de la vague de succès qui nous envahit de tous les côtés, nos trois consœurs et leur skipper ont merveilleusement navigué, avec un courage et une honnêteté qui confirment leur grande compétence de thérapeutes. Parler de ses échecs est une preuve de professionnalisme, les nier empêche de progresser. Oui, notre ego souffre quand nos traitements n’aboutissent pas au succès espéré et ne se déroulent pas dans une totale sérénité. Échanger avec des consœurs et des confrères permet de mieux analyser, de mieux éviter les problèmes. « L’échec est le fondement de la réussite », aurait dit Lao Tseu. Brenda, Emmanuelle, Nora et Franck, merci de nous avoir fait vivre un moment qui, je l’espère, permettra plus de partage fondé sur la réalité du quotidien de tous les praticiens. Je vous laisse, je dois aller remplir une déclaration de sinistre…
