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Information dentaire

L'Information Dentaire n°37 - 29 octobre 2025

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Edito

Pour une éthique de la parole dans la pratique odontologique À la lecture de l’éditorial « Responsables » (Id 30 – 10 septembre 2025), le questionnement formulé par Michel Bartala sur les conduites susceptibles de compromettre la réussite de nos traitements appelle une réflexion plus large sur la nature même de notre responsabilité et sur la place de la parole dans l’acte de soin. Loin de s’opposer, la raison clinique...

Pour une éthique de la parole dans la pratique odontologique

À la lecture de l’éditorial « Responsables » (Id 30 – 10 septembre 2025), le questionnement formulé par Michel Bartala sur les conduites susceptibles de compromettre la réussite de nos traitements appelle une réflexion plus large sur la nature même de notre responsabilité et sur la place de la parole dans l’acte de soin.

Loin de s’opposer, la raison clinique et l’émotion du soin se complètent et se répondent. La responsabilité du chirurgien-dentiste ne peut plus se concevoir uniquement dans la maîtrise technique ou la conformité juridique : elle engage une éthique du sujet, une présence à l’autre, et une capacité à accueillir les zones de fragilité qui s’expriment à travers le corps.

Le cabinet dentaire, lieu du corps et de la parole, se trouve souvent être le premier espace où la souffrance s’incarne. Les comportements addictifs – qu’ils concernent la cigarette, l’alcool, le grignotage ou même certaines pratiques de régression – apparaissent comme autant de signes corporels d’un désordre psychique. Ils ne sont pas seulement des obstacles au traitement ; ils sont aussi des tentatives, parfois maladroites, de restauration de soi. Le praticien ne peut dès lors réduire son rôle à la correction mécanique d’une conséquence biologique : il est placé, qu’il le veuille ou non, à l’intersection du corps et du langage, dans cette zone où le soin technique devient soin de l’humain.

Le texte d’Ostermann, Rigaud et Claudon1 éclaire ce passage du geste à la parole. Les auteurs y développent l’idée d’une « avance de la parole », entendue comme la capacité du soignant à s’avancer vers l’autre avant toute demande explicite, à faire crédit à sa parole et à accueillir sa souffrance sans la réduire à une conduite. Ce mouvement suppose de renoncer à toute posture normative : il s’agit moins de dénoncer le comportement que de reconnaître la fragilité du sujet qui en est porteur. Pour le chirurgien-dentiste, cette approche invite à déplacer le centre de gravité de la responsabilité : il ne s’agit pas seulement de se prémunir contre l’échec thérapeutique, mais de préserver la possibilité d’un lien. Car c’est souvent dans la parole – même silencieuse – que commence le véritable soin.

L’éditorial de Michel Bartala soulève la difficulté du consentement éclairé, parfois illusoire face à certains patients. Or la confiance précède le consentement ; elle en est la condition et non le résultat. Faire l’avance de la parole, c’est faire l’avance de la confiance : c’est accorder au patient une présomption de dignité avant toute rationalisation de son comportement. C’est reconnaître en lui non pas une pathologie, mais une altérité – une part de lui qui échappe à la maîtrise, mais qui appelle à être entendue. Ainsi, l’acte de soigner devient un acte dialogique : non pas corriger l’autre, mais lui offrir un espace où il puisse advenir comme sujet. La responsabilité du praticien s’élargit alors, devenant relationnelle, réflexive et partagée.

La dimension psychologique de notre profession reste encore trop souvent sous-estimée. Pourtant, la bouche – organe du langage et du désir – est le lieu même où se noue la question du rapport à soi et à l’autre. Le chirurgien-dentiste, par sa position singulière, entre intimité physique et distance professionnelle, peut devenir un médiateur du lien, un passeur entre le corps souffrant et la parole possible. À condition de ne pas céder à la tentation du refus ou du jugement, mais de soutenir une écoute qui ne vise ni l’aveu ni la conformité, mais la reconnaissance. Comme le rappellent Ostermann et ses collègues, « faire l’avance de la parole, c’est aussi ne pas laisser le patient seul, quels que soient les aléas de l’accompagnement ». C’est maintenir, face à la déliaison, le fil ténu d’une confiance première.

Dans un monde où la santé se technicise et où la parole s’efface, il nous appartient de redonner au soin sa dimension dialogique. Notre responsabilité n’est pas seulement de réparer, mais d’accueillir, de relier et d’humaniser. La bouche, lieu du symptôme et de la parole, nous rappelle que le soin commence là où un sujet est entendu avant d’être traité. Faire l’avance de la parole, c’est peut-être cela, au fond : ne pas attendre que le patient parle pour lui répondre, mais lui répondre déjà – parfois en silence – par une écoute qui soigne.

1 Avance de la parole, de la confiance auprès d’un patient dépendant de l’alcool, Dépendances, 2014.

Vianney Descroix, Doyen de l’UFR Odontologie Université Paris Cité

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Édito

Pour une éthique de la parole dans la pratique odontologique
Vianney Descroix

Avant-propos

Planifier, guider, réussir : l’ère de la chirurgie implantaire augmentée
Sébastien Monlezun

 

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Avant-propos

Planifier, guider, réussir : l’ère de la chirurgie implantaire augmentée

Le numérique a désormais intégré une grande partie des cabinets dentaires français. Les consœurs et confrères qui pratiquent l’implantologie sont certainement ceux qui sont le plus impactés par ces évolutions. Nombre de machines sont désormais très répandues et les investissements engendrés peuvent très lourds : CBCT, empreinte optique, imprimante 3D, usineuse, photogrammétrie, logiciel de planification, scanner facial… Difficile de tous les citer. Bien entendu, il est toujours possible de poser des implants ou de faire des greffes sans utiliser de guide ou de système de navigation chirurgicale, mais il faut reconnaître que ces systèmes d’aide à la chirurgie accroissent la précision et la prédictibilité des traitements. Tout le process est guidé par la prothèse, c’est-à-dire par la finalité du traitement. Enfin, dirais-je !

Les praticiens les moins enclins à cette révolution digitale diront que le temps passé devant l’ordinateur est parfois plus long que le temps chirurgical lui-même. Ils ont raison… Cependant, réaliser virtuellement la chirurgie en amont permet au praticien de prévisualiser l’ensemble de la thérapeutique, favorisant l’élévation de son niveau d’exigence (enfouissement, profil d’émergence…). De plus, cela permet au plus grand nombre d’obtenir les meilleurs résultats possibles de façon reproductible et avec plus de sécurité pour le patient. Mais il n’est pas si simple de négocier ce virage numérique et l’introduction de l’intelligence artificielle ne fait que creuser le fossé entre ceux qui ont accepté ces changements et ceux qui peinent à évoluer.

Alors oui, il faut encore savoir poser des implants à main levée et il est important que les plus jeunes générations soient capables de gérer une chirurgie sans l’aide d’un quelconque guide, juste en utilisant des repères anatomiques. Car même lorsque l’on planifie très précisément, un souci technique peut survenir, obligeant à terminer la chirurgie sans aide. La préparation parodontale et la gestion primordiale des tissus mous restent des domaines qui ne sont pas encore trop impactés par le numérique. Les parodontistes auront encore du travail pour longtemps. De plus, je suis persuadé qu’il faut être acteur de la planification. Utiliser un guide à étages sans avoir participé à sa planification et à sa conception est très risqué ! Les pièges sont nombreux… même si les vidéos postées sur les réseaux donnent l’illusion de la facilité. 

Les protocoles évoluent sans cesse. Ce qui est vrai aujourd’hui dans ce domaine ne le sera peut-être plus demain ; c’est ce qui est passionnant. Quand j’ai été sollicité pour coordonner ce numéro spécial « chirurgie guidée », c’est donc avec enthousiasme que je me suis rapproché de certains des meilleurs cliniciens français en la matière. Tous utilisent des protocoles différents et rivalisent d’ingéniosité. L’objectif n’est certainement pas de les opposer, mais justement d’essayer de trouver l’approche qui semble la plus adaptée à notre propre pratique. Cette édition aborde plusieurs aspects de la chirurgie guidée, des reconstructions osseuses à la pose de la prothèse, provisoire ou d’usage, imprimée ou usinée en passant bien entendu par la pose des implants, qu’il s’agisse de cas simples unitaires ou de cas globaux. Enfin, rappelons que derrière chacun de ces protocoles se cachent des prothésistes surdoués sans qui tout ceci serait impossible. Bonne lecture !

Sébastien Monlezun

Coordinateur scientifique du numéro
Pratique libérale limitée à la parodontologie et l’implantologie, Bordeaux