Le règlement arbitral a été validé par Marisol Touraine. Et maintenant ?

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
Information dentaire
La manifestation du 3 mars n’y aura rien fait. Le texte devrait être publié au Journal officiel dans les prochains jours. Il sera attaqué devant le Conseil d’État par les syndicats dentaires.
Mais en attendant une décision judiciaire, que peut faire la profession ?

Marisol Touraine n’a pas perdu de temps. Arrivée sur son bureau le 7 mars, la ministre de la Santé a validé et mis en ligne sur le site Internet du ministère le 9 mars la proposition d’arbitrage de Bertrand Fragonard relative à la négociation conventionnelle.

Le texte devrait être publié au Journal officiel dans les prochains jours, mais n’entrera réellement en application que le 1er janvier 2018. Pas de miracle, il reprend les dernières propositions de l’Assurance maladie rejetées par les syndicats dentaires en janvier : plafonnement des tarifs de prothèse, hausse de certains soins, mais rien sur la prévention comme le réclament les étudiants en grève depuis maintenant deux mois.

Des mots forts

« Tout cela moins d’une semaine après une mobilisation de masse de la profession , c’est une démonstration de mépris et une absence de considération de la ministre de la Santé pour notre profession ! », s’emporte l’Union Dentaire. Les syndicats sont très remontés. Les mots sont forts. Selon la FSDL, Bertrand Fragonard « crucifie » la filière dentaire française « pour la ramener à l’âge du mercure ». En « assassinant délibérément la dentisterie libérale, Marisol Touraine fait croire qu’elle favorise l’accès aux soins dentaires de nos compatriotes. C’est un mensonge d’État de plus, dénonce le syndicat. Ce procédé totalitaire met brutalement fin aux principes de la négociation sociale et conventionnelle, et signe l’avènement d’une dentisterie low-cost pour tous. Le scandale des centres Dentexia n’a pas suffi ! ». La CNSD estime de son côté que la ministre a « déclaré la guerre », à la profession. « Nous sommes punis pour avoir osé dire non, refusé de compromettre l’avenir de nos entreprises et exigé que soit pris en compte le vrai coût de nos actes, permettant de soigner plus précocement en évitant à nos patients la prothèse. »

Un suivi des objectifs

S’agissant des plafonnements, celui de la couronne céramo-métallique (CCM), par exemple, est fixé à 550e au 1er janvier 2018 avec un objectif à 510e en 2021. Par exception, dans les départements 75, 78, 91, 92, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, le plafond est fixé à 660e en 2018 et 570e en 2021. La couronne céramo-céramique est fixée à 590e au 1er janvier 2018 avec un objectif à 550e au 1er janvier 2021 et, dans les départements 75, 78, 91, 92, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe à 700 e en 2018 et 610 e en 2021. Mais ce n’est pas tout. Une clause de sauvegarde est imposée. Tous les ans au mois de novembre, une réunion dite « bilan du rééquilibrage » est organisée. L’Assurance maladie y présente les indicateurs de suivi permettant « de constater ou non le respect des évolutions estimées attendues ». Par exemple, sur la période octobre 2017-septembre 2018, la CNAM prévoit que les dépenses d’honoraires remboursés ne dépassent pas 2,93 milliards d’euros et que le montant des ententes directes soit contenu à 3,89 milliards d’euros. Si la profession n’est pas au rendez-vous, des plafonds plus sévères seront appliqués. Par exemple, le plafond de la CCM fixé au 1er janvier 2019 à 530 e passerait à 509 e si l’objectif d’économies n’est pas tenu… « Ce plan permet la baisse du reste à charge pour les Français, se satisfait la ministre. Parallèlement, la revalorisation des actes pour les chirurgiens-dentistes s’élève à 273 millions d’euros, soit un gain moyen de 7 600 e d’honoraires supplémentaires par chirurgien-dentiste libéral d’ici à 2021. »
Au contraire, soutient la CNSD, « certains niveaux de tarifs proposés seront intenables économiquement. En particulier ceux qui concernent les bénéficiaires de la CMU-C, étendus aux ACS, soit 15 % de la population. En faisant le choix de fixer des valeurs bien inférieures à celles proposées par l’UNCAM, en valorisant de nouveaux actes sur la base des remboursements bloqués depuis vingt-neuf ans, l’arbitre et la ministre vont mettre en difficulté tous les cabinets à proportion importante de bénéficiaires de la CMU-C et ACS. Certains actes ne pourront pas être réalisés car très inférieurs au coût de fabrication ».

La riposte

Dès la parution du texte au Journal officiel, les syndicats devraient déposer des requêtes en référé devant le Conseil d’État, assorties de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). En effet, si le Conseil constitutionnel a validé la Loi de financement de la Sécurité sociale, il n’a pas été saisi, précisément, sur l’article 75 qui instaure le règlement arbitral.

La FSDL, de son côté, a déposé le 10 mars une requête auprès du Tribunal administratif de Paris contre l’arbitre Bertrand Fragonard lui-même et son mode de désignation manquant « d’impartialité ». L’Union Dentaire appelle la CNSD à la rejoindre dans « la mise en œuvre d’un blocage systématique de l’ensemble des instances conventionnelles, tant nationales que régionales et départementales ». Les étudiants et les libéraux organisent des assemblées générales dans les facultés afin de programmer des actions. Que faire ? Poursuivre la grève (l’UNECD veut la reconduire), se déconventionner en masse, arrêter de télétransmettre, organiser une grève générale de trois semaines avec blocage des cabinets récalcitrants… ? Les idées ne manquent pas. Mais pour le moment (au 14 mars), aucun mot d’ordre n’a été officiellement donné. Les positions des différents candidats à l’élection présidentielle sur cet arbitrage ou sur leur volonté d’ouvrir de nouvelles négociations seront scrutées avec attention.


Le 3 mars, une mobilisation sans précédent

Du jamais vu. Au moins 10 000 chirurgiens-dentistes, étudiants, internes, enseignants, assistantes dentaires, prothésistes et quelques représentants de l’industrie se sont rassemblés le 3 mars à Paris, place Vauban, à proximité du ministère de la Santé, pour protester contre l’arbitrage mis en place par Marisol Touraine. Sono, sifflets, cornes de brume, fumigènes, pétards et fanfare… l’ambiance était plutôt bon enfant. Après un peu plus de deux heures passées sur la place Vauban, les manifestants se sont déplacés sous les fenêtres du ministère avant que les étudiants, des fourmis dans les jambes, ne partent en de multiples groupes jouer aux chats et à la souris avec les forces de l’Ordre pour « emboliser » la circulation parisienne en bloquant plusieurs points stratégiques comme le Pont de la Concorde ou les Champs-Élysées.
Avant le début de la manifestation, lors d’une conférence de presse qui réunissait les présidents des trois syndicats dentaires, de l’UNECD (étudiants) et de l’UNIO (internes), Patrick Solera, président de la FSDL, a dénoncé « trente ans de mépris et d’hypocrisie de la part de nos gouvernants qui laissent les tarifs des soins dentaires à des niveaux indigents ». « Nous avions bon espoir à l’automne dernier de revenir sur ces trente ans de blocages, mais Marisol Touraine s’en est mêlée et a imposé un arbitrage en cas d’échec des négociations et surtout un calendrier qui a cassé la dynamique enclenchée », a regretté Catherine Mojaïsky présidente de la CNSD.
La volonté de la ministre d’imposer des tarifs plafonds sur certains actes de prothèse sans contrepartie suffisante sur les soins, a fait capoter les négociations. « Si l’arbitrage reprend le texte tel qu’il était à la fin des négociations avec le même plafonnement des tarifs de prothèse, c’est toute l’économie de la filière dentaire qui sera déstabilisée, a assuré la présidente de la CNSD. Certains cabinets vont mettre la clé sous la porte, avec pour conséquences des licenciements. Et s’ils ne ferment pas, ils n’auront d’autre choix que d’aller vers du low-cost. » Hélas, c’est donc ce qui pourrait bien arriver (lire plus haut).

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