Stratégie Prothétique n°5 - 15 décembre 2023

« Ce que l’on réfléchit se conçoit justement, et les matériaux pour le faire se choisissent aisément »

« Ce que l’on réfléchit se conçoit justement, et les matériaux pour le faire se choisissent aisément », pour paraphraser Nicolas Boileau.

L’art et la matière… Ces gestes inlassablement répétés afin d’essayer de comprendre comment réagit la matière ou, à défaut de pouvoir la maîtriser, au moins l’apprivoiser…

Les artisans du dentaire voient depuis plusieurs années arriver ces machines de dernière génération, de nouveaux protocoles de fabrication et des matériaux novateurs.

Certains les considèrent d’un mauvais œil, estimant être dépossédés de leur art si durement acquis au prix de nombreuses heures passées à expérimenter, étudier, manipuler… Le contact avec la matière restant au cœur de leur préoccupation, comme étant l’unique moyen de transmettre un peu de soi dans des réalisations personnalisées.

D’autres les voient comme une avancée technologique majeure, permettant de réaliser ce qui était jusqu’alors impossible. Des procédés sans transformation d’état, assurant précision dimensionnelle, parfaitement réitératifs et non opérateurs dépendants. Également des temps de fabrication réduits et une pollution moindre pour les utilisateurs.

La vérité se trouve sûrement à mi-chemin entre passion et raison.

Mais pourquoi s’essayer encore et toujours à de nouvelles techniques, de nouveaux protocoles, des matériaux alternatifs alors qu’il paraît moins contraignant d’appliquer des recettes maintes fois éprouvées ou de reproduire l’existant ? Dans quel but remettre en question ce qui est établi, ce qui semble faire consensus ? Par esprit d’innovation, goût du défi, volonté d’optimisation ou tout simplement par obligation réglementaire ?

Quoi qu’il en soit, ces dernières années, l’essor de l’implantologie et de la technologie numérique a fondamentalement modifié nos habitudes et notre vision professionnelles.

Et il est maintenant nécessaire de mettre en place une veille réglementaire, dont l’objectif est d’assurer une meilleure protection en termes de santé publique et de sécurité des patients, mais également de l’ensemble des collaborateurs, utilisateurs de ces matériaux.

Pour exemple, les matériaux d’impression sont dits biocompatibles ou biomédicaux uniquement si la chaîne de fabrication numérique (digital workflow) tout entière est respectée, c’est-à-dire que la résine est certifiée et compatible avec l’imprimante utilisée et que le post-traitement est en adéquation avec les instructions du fabricant.

Si la recherche et l’introduction de nouveaux matériaux doivent être au cœur de nos priorités, il est important de rappeler que la plupart des polymères contiennent du Bisphénol A, perturbateur endocrinien avéré, et la plupart des alliages des substances CMR (cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction). Nous sommes donc aux prémices d’une quête de matériaux parfaitement biocompatibles, sans effet néfaste à long terme, neutres et passifs pour l’organisme.

Ces nouvelles matières s’accompagneront inéluctablement d’une courbe d’apprentissage ; en termes de connaissances des propriétés physiques intrinsèques du matériau, de ses indications et sa manipulation au sein d’un protocole de fabrication. Cette multiplication de matériaux doit nous permettre de proposer la meilleure et la plus adaptée des options thérapeutiques aux patients. Il n’y a pas en effet un matériau universel répondant à l’ensemble des traitements, mais plutôt un traitement adapté à la situation clinique, associé au matériau qui lui correspond. Le patient doit également être informé des avantages et inconvénients des matériaux que nous préconisons, afin qu’il soit véritablement acteur de son traitement.

Pour illustrer ces propos, Édouard Lanoiselée et Fabienne Jordana présentent les disilicates de lithium, leur composition ; leurs utilisation et indication n’auront ainsi plus de secret pour vous. Philippe François, accompagné d’auteurs expérimentés, vous a concocté un guide complet sur l’impression 3D au cabinet dentaire, dossier spécial en deux parties. Claudine Wulfman et coll. nous rappellent l’enjeu du choix des dents prothétiques. Linda Martin et coll. s’interrogent sur la réglementation du cobalt-chrome et sa (bio)compatibilité avec le cadre actuel du 100% santé.

Lionel Sadoun et coll. nous présentent une étude sur les alternatives au cobalt-chrome en prothèse amovible partielle, sous l’angle de leurs propriétés mécaniques. Enfin, une seconde étude, portant sur la précision de l’usinage du titane en prothèse amovible partielle, est exposée par Olivier Hüe et coll.

Chèr(e)s ami(e)s, bonne lecture !

Michaël SANTOS