L'Information Dentaire n°27 - 5 juillet 2023

Souriez !

Il est des instants que l’on aimerait voir se figer pour en profiter plus longtemps que ce que la vie leur a octroyé. Mais le temps passe, et peut-être en est-il mieux ainsi, car ces moments laissent la place à d’autres émotions à vivre, à partager. Et ces instants précieux, si fugaces soient-ils, ne disparaissent pas vraiment, grâce notamment aux performances photographiques de nos téléphones portables qui nous permettent de les fixer, de les « mettre dans la boîte ». Pourtant, une fois le cliché enregistré, combien de fois le regarderons-nous ? Ces photos, stockées par millier, qu’en faisons-nous ? On peut penser que le fait d’appuyer sur le déclencheur laisse comme une trace, un négatif dans notre mémoire. Nous figeons l’instant pour mieux en profiter après. Est-ce le cas ?

La facilité avec laquelle nous pouvons aujourd’hui prendre des photos a, comme tout phénomène, des avantages et des inconvénients. Parmi les premiers, le plus évident est de conserver un souvenir de tous les moments de nos vies (même les plus insignifiants…). Du côté des inconvénients, le principal m’apparaît de vivre l’instant au travers d’un écran plutôt que de le vivre pleinement, en totale conscience. Cela peut conduire à des dérives terribles. Ainsi, devant un événement qui nécessite d’agir, la plupart des gens filment, photographient, se mettent en scène dans ce qu’ils imaginent parfois être une glorification de leur propre personne… oubliant de passer à l’action. Récemment, lors de la terrible explosion de la rue Saint-Jacques à Paris, un petit-fils s’est filmé en train de courir pour montrer qu’il volait au secours de sa grand-mère*. Une mise en scène pitoyable. Poussé par la peur de perdre un être cher, chacun penserait à courir, mais pas forcément à se filmer pour faire la preuve de son acte « héroïque ».

La photo émotion, comme l’écrit Gregory Camaleonte dans le premier article d’une rubrique inaugurée dans ce numéro, doit pouvoir se passer de légende : c’est la notion d’intention photographique. Comme la passion transcrite dans Le baiser de l’hôtel de ville de Doisneau, entre ces deux êtres qui ne peuvent attendre pour s’embrasser. Même si elle véhicule moins de passion, la photo a pris une place croissante dans notre activité. Elle s’impose dans différentes phases du plan de traitement, par exemple l’analyse des thérapeutiques, la prise de décision, le suivi… Alors je vous souhaite de bien profiter des conseils d’un praticien aux grandes compétences cliniques et photographiques dans cette nouvelle rubrique. Et durant vos vacances profitez de chaque instant, vivez-les et utilisez vos meilleurs objectifs photographiques : vos yeux !

Michel Bartala, Rédacteur en chef