L'Information Dentaire n°44 - 20 décembre 2023

Du sens

Cette année encore, j’ai pris beaucoup de plaisir à assister au congrès de l’ADF. Un regroupement extraordinaire associant une formation continue de qualité, des exposants présentant leurs dernières innovations et des retrouvailles avec des ami(e)s que, parfois, je ne croise que lors de cette semaine parisienne. Ces rencontres ont d’ailleurs été tellement nombreuses et chaleureuses que j’ai ramené à Bordeaux pour une semaine un petit compagnon couronné qui avait provoqué un confinement, il y a quelques années. Lorsque ce virus vous atteint, fini le confinement total, mais application de mesures pour protéger les autres, histoire de ne pas favoriser une diffusion de type cluster.

Durant ce congrès, j’ai pu écouter avec plaisir de jeunes et brillants conférenciers. Un plaisir cependant parfois teinté d’étonnement, voire d’incompréhension. La langue qu’ils emploient ne semble plus être le français, mais un jargon de termes abrégés qu’il semblerait plus juste de qualifier de maux que de mots. Si l’expression « du coup », qui surgit dans l’exposé d’une conférencière comme les pissenlits envahissent mon jardin au printemps, m’agace un peu, je reste coi quand un jeune conférencier décrit « le montage en arti » qui lui permet « de finir en one shot la prothèse afin d’éviter de faire beurrer la chirurgie ». Je me précipite sur mon téléphone portable pour soumettre cette phrase à un logiciel de traduction qui, lui aussi, reste sans voix. Je quitte alors la salle en me disant que malgré mes quelques connaissances dans la langue de Shakespeare, j’aurais dû demander un casque de traduction simultanée. Si cette conférence semblait passionnante, elle a perdu un peu de sa pertinence tant les termes employés, certainement avec la volonté de faire « cool, décontracté », ont saboté le sens de la science. Certains verront dans mes propos une pensée dépassée. Je le conçois. Pourtant, il me semble que les « bons » mots, correspondant à une situation précise, mettent en valeur les connaissances de l’orateur. Mais force est de constater, sur les ondes radios, les écrans de télévision, que nombre de responsables politiques, de journalistes, tordent le vocabulaire pour parsemer leurs propos d’argot… voire pire. Ainsi, récemment, le président du Sénat s’est laissé emporter, intimant à Jean-Luc Mélenchon de se taire en des termes grossiers, alors qu’une réplique mêlant dérision, ironie et humour, comme aurait pu le faire Jean d’Ormesson, aurait eu plus de panache ! Il serait dommage que nos futurs orateurs perdent le sens des mots justes et la précision de l’expression. Notre langue est riche et permet toutes les subtilités.

Alors, en pesant pleinement le sens de chaque mot, je vous souhaite une fin d’année festive, heureuse et remplie de bonheurs.

Michel Bartala, Rédacteur en chef