Le Chirurgien-Dentiste Connecté et l’Intelligence Artificielle

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Information dentaire
Le Dr Guillaume Gardon Mollard, chirurgien-dentiste à Tours, est spécialisé dans la prise en charge de cas complexes, formateur, rédacteur en chef sur Idweblogs (www.idweblogs.com), ainsi qu’éditeur du blog www.thedentalist.fr. Passionné par l’intelligence artificielle, Guillaume Gardon-Mollard livre ses réflexions dans l’Espace du Praticien Connecté.

D’où vient votre intérêt pour l’intelligence artificielle ?

Je fais partie de la dernière génération née avant Internet. J’ai découvert les « autoroutes de l’information », dont les premiers sites web, à la fin des années 1990. Nous étions loin d’imaginer ce qu’allait devenir le numérique et comment il allait prendre une place croissante dans nos vies. Vingt ans plus tard, nous sommes face à une masse de données croissante déjà difficile à gérer et à exploiter, d’où la nécessité de cette intelligence artificielle pour pouvoir les traiter.

En parallèle, mon intérêt pour la philosophie m’a conduit à m’intéresser à l’IA depuis quelques années, car l’intelligence artificielle soulève bien des questions existentielles. Comme le disait Stephen Hawking : « La création d’une intelligence artificielle serait la plus grande invention de l’histoire de l’humanité. Mais elle pourrait être aussi la dernière », soit dans un scénario à la Terminator où les machines nous éliminent pour prendre le contrôle, soit parce que les machines feront tout à notre place, y compris créer et inventer de nouvelles technologies. L’IA impactera tous les niveaux de la vie humaine et il est encore difficile de cerner tous les enjeux tant ils sont gigantesques.

Je recommande volontiers le film-documentaire « iHuman – L’intelligence artificielle et nous », de Tonje Hessen Schei, qui montre les domaines les plus avancés de la recherche en IA et, du même coup, à quel point la compréhension de l’IA par le grand public est en retard. L’IA telle que nous la connaissons (reconnaissance de texte, reconnaissance vocale, algorithmes des réseaux sociaux, recherche sur Google) ne représente qu’un balbutiement primitif. C’est le développement de l’intelligence artificielle générale (IAG), basée sur des réseaux complexes de neurones artificiels, qui va tout changer. Selon les ingénieurs qui travaillent sur ces projets, l’IAG constituera la plus grande révolution de l’humanité, plus que l’écriture, l’énergie atomique et l’internet réunis !

En restreignant le champ à la médecine, quel est l’intérêt de l’IA ?

La médecine, même avec les moyens modernes, reste une activité fondée sur trois étapes fondamentales : le recueil des données (anamnèse, historique médical, examen clinique, examens complémentaires), le diagnostic, et enfin le traitement. L’une découlant de la précédente, c’est un algorithme. La difficulté pour les soignants est double : la prise en charge d’un malade est désormais multidisciplinaire (différentes spécialités, des problèmes de centralisation des données médicales, des problèmes de communication entre les équipes) ; les données issues de la science médicale (recherches, publications, recommandations de bonne pratique…) sont pléthoriques. Aucun médecin n’est capable d’appréhender l’océan de la littérature médicale, ne serait-ce que dans sa propre spécialité. Comment trier les bonnes études des mauvaises ? Comment interpréter les résultats ?

Un dernier aspect – et non des moindres – est lié au fait que chaque patient est unique, tant au niveau biologique que psychologique, et que ces deux aspects varient tout au long de sa vie. L’IA nous promet de surmonter les difficultés de fournir une médecine plus fiable, moins coûteuse et plus efficace. D’abord en facilitant et en optimisant le recueil des données surtout grâce à l’internet des objets (montres connectées, dispositifs de monitoring continu) et ces données seront consignées dans un dossier médical informatisé et centralisé. Ensuite, en intégrant des données extra-médicales plus larges, puisque la santé d’un individu dépend de nombreux paramètres, pas uniquement corporels mais aussi sociaux, comportementaux, environnementaux… Puis l’IA nous aidera (et c’est déjà le cas) à analyser et interpréter de façon plus rapide et plus fine les examens cliniques et complémentaires tels que les radios. Enfin, l’IA sera plus efficace pour analyser la littérature scientifique et médicale, voire à élaborer de nouveaux protocoles de recherche, plus pertinents, moins biaisés.

Cependant, de nombreuses questions doivent être posées, notamment en ce qui concerne la confidentialité de ces données médicales. Où vont-elles être stockées ? Qui va les exploiter ? Va-t-on vers une déshumanisation de la médecine ? Et paradoxalement, plus il y a de données à exploiter, plus l’IA sera performante.

Pour revenir au court terme, quel est l’impact de l’IA sur l’exercice actuel de la chirurgie dentaire ?

A l’heure actuelle, des sociétés développent déjà des programmes de machine-learnin.

  • Le site français spotimplant.com permet d’utiliser la technologie de reconnaissance des implants dentaires sur la base d’une radiographie.
  • Le dépistage des caries par les machines, également sur la base des radiographies, sera bientôt plus performant que les capacités humaines.
  • L’orthodontie est le domaine de l’odontologie qui connaît le développement le plus rapide et le plus abouti des algorithmes avec des procédés de diagnostic cranio-facial ou de traitement tels qu’Invisalign®.
  • L’internet des objets comme les brosses à dents connectées est une réalité en matière de santé bucco-dentaire et va encore s’améliorer dans les années à venir.

Mais l’utilisation de l’IA en médecine et en chirurgie dentaire reste rudimentaire si l’on imagine les avancées qui se profilent dans un avenir proche.

 

Merci Dr Gardon-Mollard pour cette mise en perspective passionnante.

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